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Sidonie Wallorn

Sidonie

Sarah Garden

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HOPE

HOPE

Chapitre 3 : « Solitude »

Année 2116 | 26 octobre – 10 h 14, QG HOPE, Santa Monica, Los Angeles - Californie

Deux jours passèrent sans que les résidents n'aperçoivent Sidonie, restée cloîtrée dans sa chambre. Le 25 octobre, elle passa la journée à pleurer dans son lit, le regard perdu vers l’extérieur de HOPE sans adresser un mot à quiconque. Parfois, elle percevait à travers la porte le murmure des allées et venues des autres occupants, mais cela ne la tirait pas de son abattement. Finalement, elle ferma les lourds rideaux des baies vitrées, préférant se cacher du soleil qui continuait son cycle indifférent à sa douleur.

Depuis l’ignoble chantage de Jane, Sidonie refusait tout contact, encore moins avec celle qui manipulait son avenir. Une femme comme Jane ne pouvait espérer garder Sidonie dans ses rangs sans lui offrir une mince lueur d’espoir en échange de son obéissance.

Mis à part l’eau qu’elle buvait dans la salle de bain, la jeune femme ne prêtait plus attention à sa faim, devenue un problème secondaire dans son état actuel. Aucun des résidents ne vint la déranger, pas même Jane, ce qui la surprenait quelque peu. Chaque instant, elle s’attendait à ce que quelqu'un entre brusquement dans sa chambre pour lui rappeler ses obligations, pour lui rappeler Lucas et le délai qu’elle devait respecter. Pourtant, rien. Jane avait-elle décidé de se montrer compréhensive ? Non, impossible. Jane était bien trop orgueilleuse pour venir s'excuser ou admettre qu'elle avait été trop loin.

Le regard vide, Sidonie réfléchissait à tout ce qui l'avait conduite ici. Elle pensait à Kahlan, se demandant s’il était toujours en vie, seul et désespéré, ou peut-être même prisonnier dans un centre de reconditionnement de la BMRA. Et puis il y avait Jane, cette femme au cœur de ses tourments actuels. La BMRA, les humains anti-variants, cette étrange maison appelée HOPE avec son intelligence artificielle et ses résidents mutants... Tout cela lui semblait si loin et en même temps si proche. Le temps continuait à s'écouler, inébranlable, pourtant Sidonie, elle, ne se sentait plus en phase avec cette course ininterrompue.

La lassitude, le désespoir et l'impuissance la tenaillaient sans relâche. Ses pensées tournaient en boucle, cherchant une solution là où il n’y en avait probablement aucune. Chaque tentative de révolte intérieure finissait par des larmes silencieuses.

 

Le 26 octobre, après une nuit agitée par des cauchemars indistincts et bercée par le martèlement incessant de la pluie contre les vitres, Sidonie se réveilla. Le réveil indiquait 6h00. Elle décida de rester sous sa couette, la chaleur réconfortante du lit la protégeant du froid et du poids de ses responsabilités. Après tout, personne ne l'attendait. Du moins, c’est ce qu’elle croyait. Elle ferma les yeux à nouveau, se laissant entraîner par un autre songe.

Sidonie se réveillait de plus en plus hantée par ces cauchemars, où les souvenirs de la destruction de NickroN lui revenaient en flashs violents. La réalité et le rêve se confondaient, les cris, la chaleur des flammes, et l'odeur insoutenable de la mort semblaient imprégner ses pensées. Elle était comme piégée dans ce passé qui la torturait, incapable de l'oublier. Chaque jour passé à HOPE lui rappelait à quel point elle avait été marquée par les apocalypses auxquelles elle avait assisté.

Face à l’incertitude de sa mission, elle se demandait pourquoi Jane tenait tant à retrouver Lucas. Ce dernier ne correspondait pas à l’image d’un guerrier puissant ou d’un héros capable de changer le destin. Pourtant, au-delà des doutes et des mystères qui l'entouraient, Sidonie savait que Lucas avait une place particulière dans son cœur. Malgré tout ce qu’elle avait vécu, elle ne pouvait pas le laisser aux mains de Jane sans savoir pourquoi elle tenait tant à lui. Mais retrouver Lucas impliquait bien plus que de simples retrouvailles.

Se dirigeant vers la fenêtre, Sidonie observait le soleil se lever, laissant la lumière inonder la pièce. Peut-être que, malgré tout, il restait une part d’espoir à saisir dans cette mission. Mais elle craignait la réaction de Lucas : accepterait-il de revenir ?

Sidonie, toujours enroulée dans sa couette, resta immobile, le regard fixé sur le sol. Ses pensées continuaient de la tourmenter, entre le passé qui l’enchaînait et l’avenir incertain qui l’effrayait. L’image de Lucas, avec son sourire chaleureux et ses yeux empreints d’une profonde mélancolie, lui revenait sans cesse. Ce regard, à la fois vulnérable et sincère, lui avait valu une place particulière dans sa vie. Ils partageaient autrefois un lien inébranlable, nourri par une confiance que peu avaient su comprendre.

Elle se revoyait, en 2114, l’avertissant avec panique de quitter NickroN Renaissance avant qu’il ne soit trop tard. Il avait obéi sans hésiter, fuyant New York sans regarder en arrière, préférant s’échapper plutôt que d'affronter la destruction imminente. Elle s’était toujours convaincue que c’était la bonne décision, qu’elle avait sauvé une vie précieuse, celle d’un ami. Mais la mort d'Ambre Balsey, et de tant d'autres alliés, l'avait laissée dévastée, marquant un contraste cruel entre ceux qui pouvaient être sauvés et ceux qui devaient se sacrifier.

Ses souvenirs furent interrompus par le bruit répétitif des coups contre la porte. Elle n’avait ni l’énergie ni l’envie d’affronter quiconque en cet instant. La voix de l’autre côté lui semblait familière, mais elle était trop épuisée pour la reconnaître.

  • Sidonie ? demanda la voix hésitante.

  • Laissez-moi tranquille. Je n’ai pas envie de parler, allez-vous-en ! lança-t-elle, sa voix brisée par la fatigue et le désespoir.

 

Sidonie ne répondit pas immédiatement, préférant rester recroquevillée sous sa couette. Elle fixait le mur, son esprit bouillonnant d'émotions contradictoires. Cette idée qu'une intelligence artificielle puisse surveiller ses moindres faits et gestes la mettait mal à l'aise. Elle se sentait encore plus piégée, comme si chaque recoin de cette maison n'était qu'une cage dont elle ne pouvait s’échapper.

  • Je ne veux pas de votre aide, souffla-t-elle finalement, presque inaudible.

 

Sarah demeura silencieuse un moment, son regard inexpressif fixé sur Sidonie. Le silence entre elles devint pesant, brisé uniquement par le léger bourdonnement du robot qui attendait patiemment avec le plateau.

  • Tu n'as pas besoin de vouloir mon aide pour que je te la propose, répliqua Sarah en effectuant un geste vers le plateau. Mange un peu. Prends ton temps, mais n’oublie pas que nous sommes tous passés par là. HOPE est là pour toi, comme pour chacun de nous.

 

Sidonie ferma les yeux, sentant la frustration monter en elle. Tout semblait si faux. Mais elle savait au fond d'elle que rester enfermée dans cette bulle de solitude ne l'aiderait pas à avancer.

  • Ah, au fait, je te pose ici ton badge d’accès personnel. Il te servira pour le portail et l’entrée de la maison.

 

Le badge d'accès était désormais posé sur la commode, et Sidonie l’observait sans un mot, perdue dans ses pensées. Elle réalisa qu’elle avait peut-être été un peu dure avec Sarah, mais les émotions conflictuelles la rendaient irritable. Sarah, sentant l’atmosphère pesante, fit un pas vers la porte, prête à partir si Sidonie ne souhaitait plus discuter. Pourtant, après un bref échange de regards, Sidonie osa poser une question qui la brûlait depuis son arrivée.

  • Comment pouvez-vous être aussi dociles avec cette femme ? Vous n’avez jamais tenté de vous enfuir ou de la remettre à sa place ? demanda-t-elle, amère.

 

Sarah, toujours impassible, répondit calmement :

  • Certains ont essayé, et ils l’ont regretté. Il est très difficile de quitter ce projet sans l’accord de son chef de section. En d’autres termes, on ne quitte pas HOPE si facilement.

 

Sidonie haussa un sourcil, surprise par l'information.

  • Il y a plusieurs sections ?!

  • Oui, environ vingt-quatre, si ma mémoire est bonne. Cependant, certaines ont été détruites par la BMRA, et nous ne connaissons pas leur emplacement exact pour des raisons de sécurité. Nous devons protéger les sites, au cas où nous serions capturés.

  • Et Jane dans tout ça ? demanda Sidonie d'un air suspicieux.

  • Jane ? Elle est l’instigatrice du projet et dirige le site Alpha. Quant à ce que je pense d’elle... Je n'ai pas vraiment d’opinion. Elle a toujours pris soin de nous, à sa manière. Avant d’arriver ici, j’étais analyste à la BMRA. Je codais des intelligences artificielles pour traquer et localiser les variants. Mais, un jour, ils ont créé une IA pour me remplacer. Ironique, non ? J'étais destinée à mourir, et Jane m'a sauvée. Cela fait deux ans, et je lui suis reconnaissante. Elle m’a offert une nouvelle chance, une sorte de liberté.

  • Si on peut appeler cela de la liberté, murmura Sidonie pour elle-même.

  • Pardon ? demanda Sarah, sans avoir bien entendu.

  • Rien. Laisse tomber.

 

Sarah la regarda avec une once de compréhension, mais ne chercha pas à pousser plus loin.

  • Peut-être devrais-tu lui laisser une chance avant de la juger. N'hésite pas à solliciter HOPE si tu en ressens le besoin. Je vais te laisser maintenant.

 

Sarah quitta la chambre en silence, suivie du robot qui portait toujours le plateau. La porte se referma avec une précaution presque palpable, laissant Sidonie de nouveau seule dans cette atmosphère pesante. Le calme oppressant revint aussitôt, et la réponse de Sarah continuait de résonner dans son esprit. Cette « gratitude » que tous semblaient avoir pour Jane... C'était incompréhensible pour Sidonie. Elle ne pouvait pas concevoir cette admiration presque aveugle pour une femme qui, à ses yeux, les manipulait.

 

Immobile, elle resta là, fixant un point invisible sur le mur, ses pensées se bousculant dans sa tête. Les paroles de Sarah tournaient en boucle. HOPE, l'intelligence artificielle, capable de surveiller, protéger, et même de ressentir... L'idée d'une IA émotionnelle la laissait sceptique, mais sa curiosité se mit à grandir. Plutôt que de sombrer dans ses souvenirs amers et douloureux, elle réalisa qu'elle pouvait peut-être en apprendre plus sur ce lieu, sur ses résidents, et surtout sur Jane.

 

Se redressant légèrement, Sidonie demanda à voix basse :

  • HOPE... Peut-elle vraiment m'aider ? Peut-elle me dire ce qu'il se passe ici ?

 

Elle hésita encore quelques instants, puis décida finalement d’appeler l'intelligence artificielle. Mieux valait affronter ce mystère plutôt que de continuer à s'enliser dans ses pensées.

  • HOPE ? finit-elle par dire, sa voix faible mais distincte dans la chambre vide.

 

Quelques secondes passèrent, et une douce lumière bleue illumina le coin supérieur de la pièce, comme une présence discrète mais bienveillante.

  • Oui, Sidonie ? répondit une voix féminine, calme et douce. Comment puis-je vous aider ?

 

Sidonie resta un instant surprise par le ton chaleureux de l’IA, mais se ressaisit vite.

 

  • J’ai des questions... sur cet endroit, sur vous, sur Jane, dit-elle d’une voix encore teintée d’hésitation. Montre-toi.

 

Sidonie fixait toujours le visage flottant de HOPE, cette lumière bleutée avec des traits féminins, sans globe oculaire, suspendue au milieu de la pièce. Le frisson qui la traversa quand elle réalisa la ressemblance entre HOPE et Sarah ne la quittait pas. Elle se demandait si c’était HOPE qui ressemblait à Sarah ou l’inverse. Elles devaient être proches, vu leur connexion.

Sidonie rassembla son courage avant de poser une question directe :

 

  • Parle-moi de Jane Roselys.

  • Je suis désolée, ces informations sont confidentielles, répondit l'intelligence artificielle d'une voix posée.

 

Sidonie fronça les sourcils, frustrée par cette réponse. Elle n’avait pas vraiment espéré une révélation fracassante, mais le mur dressé autour de Jane l’exaspérait.

  • Étonnant. HOPE, pourquoi suis-je malheureuse ? Pourquoi suis-je ici ?

 

L'IA sembla hésiter une seconde avant de répondre :

  • Je dénote une profonde tristesse dans le timbre de votre voix, ce qui arrive la plupart du temps après une charge psychologique imprévue et brutale. D’après les symptômes que j’ai listés et observés ces dernières heures, je pense que vous souffrez d’un stress post-traumatique accentué par vos nombreux bonds temporels récents. Ces symptômes pourraient s'apparenter à un épisode psychotique latent. Je suis habilitée à vous prescrire une solution médicamenteuse, mais je vous conseillerai également du repos ainsi que des entretiens avec vos congénères. Vous devriez éviter la solitude qui accentue votre détresse psychologique.

 

Sidonie serra les poings sous la couette, irritée par la justesse clinique des propos de HOPE. L'IA poursuivit avec son ton toujours égal :

  • Concernant votre seconde question, vous avez été choisie par madame Roselys afin de retrouver son descendant, selon les informations de ma base de données enrichie par nos recherches. Parfois, vous l’appelez destin, ou juste coïncidence. Mon instinct ne me permet pas de me départager sur cette difficile question entre la croyance d’une force supérieure ou le hasard. En tant qu’intelligence artificielle, ces concepts me sont encore complexes à assimiler, car ils sont propres à l’espèce humaine. Selon mon point de vue, il s’agit d'un résultat selon des probabilités mathématiques quantiques fluctuantes.

 

Le jargon scientifique de HOPE déferlait dans la tête de Sidonie sans lui apporter la moindre consolation. Mais elle s'accrocha à une pensée claire, une seule question qui la taraudait encore :

  • Dis-moi comment partir d’ici.

 

Un silence régna pendant quelques secondes avant que HOPE réponde de manière tout aussi implacable :

  • Vous avez une mission en cours, et il vous reste vingt-huit jours pour l’accomplir. Fuir est inutile, car la BMRA ou nos agents vous retrouveront facilement.

 

Sidonie laissa échapper un rire nerveux. Tout semblait si minutieusement calculé, comme si elle n’était qu’un pion dans une gigantesque partie d'échecs. Une pensée soudaine lui traversa l’esprit.

  • Pourquoi Jane veut-elle retrouver Lucas ? demanda-t-elle avec un éclat d'inquiétude dans la voix.

 

HOPE répondit de manière méthodique, sans une once d’émotion :

  • Lucas Roselys est l'un des derniers descendants en droite lignée de la famille Roselys. Il y a également sa cousine Elena de Hainaut, que vous avez connue à NickroN en 2103 sous le pseudonyme de Nenya Tilmite. En revanche, je ne suis pas habilitée à dévoiler les autres raisons sur la nécessité de ramener la cible au site Alpha HOPE.

 

Sidonie redressa brusquement la tête, le regard assombri.

  • Lucas n’est pas une "cible", c’est un être humain ! répliqua-t-elle avec colère.

 

HOPE sembla ignorer la remarque. Son visage immobile flottait toujours au centre de la pièce, dénué d'empathie ou d’inquiétude.

  • Que signifie le projet HOPE ? enchaîna-t-elle, essayant de reprendre le contrôle de la conversation.

  • Le projet HOPE fut initié par Jane Roselys il y a plusieurs années afin de contrecarrer la politique anti-variante initiée par la BMRA. L'agence étant implantée dans la plupart des pays du monde, il existe plusieurs sections semblables à la nôtre pour mener la lutte. Chaque section définit ses objectifs et missions de manière autonome. Vous êtes dans la principale, le site Alpha, plus communément appelé HOPE. Cette lutte serait impossible avec un seul groupe.

 

Sidonie inspira profondément, ses pensées tourbillonnant dans son esprit. Ce projet, cette mission… tout semblait parfaitement orchestré, mais elle ne comprenait toujours pas pourquoi elle avait été entraînée là-dedans.

  • Et tu penses qu'on réussira à défaire la BMRA ? demanda-t-elle enfin, dans un murmure.

  • Il m'est impossible de répondre à cette question de manière exhaustive, répondit HOPE. Les probabilités de succès ont légèrement augmenté depuis votre arrivée dans les lieux.

 

Sidonie ne sut si elle devait se sentir flattée ou accablée par cette réponse. Elle se tourna vers la fenêtre, observant la lueur du jour qui filtrait toujours par les rideaux.

  • Où était Jane il y a six jours ? demanda-t-elle finalement, revenant à cette pensée troublante qui la poursuivait.

  • Madame Roselys se trouvait dans son bureau au sein de la BMRA. Je suis autorisée à vous dire comment y accéder. Vous aurez également besoin d'un brouilleur anti-variant pour passer la sécurité, répondit HOPE, sa voix imperturbable.

 

Sidonie sentit un frisson parcourir son dos. Jane, à la BMRA, six jours auparavant. Pourquoi ? Cette révélation changeait tout, ou plutôt, renforçait encore la méfiance qu’elle nourrissait à l’égard de Jane.

 

Sidonie se tenait debout au milieu de la chambre, la lumière bleutée de HOPE planant au-dessus d’elle comme un témoin silencieux. Ses pensées s’entrechoquaient, et la question du bureau de Jane la hantait. Comment pouvait-elle trouver un moyen de s’y rendre, surtout avec Hiro et Walter qui ne la connaissaient pas encore dans cette ligne temporelle ? « On la perdra encore. » Ces mots prononcés par Hiro lors de leur intrusion dans sa chambre au Cecil Hotel tournaient en boucle dans son esprit. Quelque chose d’essentiel lui échappait, mais elle devait réfléchir vite. Deux jours... seulement deux jours avant que les conséquences de ce que Jane avait initié ne deviennent irréversibles.

Elle pivota pour faire face à HOPE, consciente que la froide logique de l’intelligence artificielle n’offrirait aucun réconfort, mais des réponses concrètes, peut-être. Les mots de HOPE résonnaient encore : « Vous avez une mission en cours… fuir est inutile. » Cette mission semblait être la clé de tout, mais pour quoi exactement ? Sauver Lucas ? Faire échouer la BMRA ? Les deux ?

Sidonie se sentait perdue dans les méandres de ses pensées, mais elle savait qu’elle ne pouvait plus s’abandonner à la mélancolie. Chaque minute qui passait pouvait faire basculer la réalité. Et dans ce jeu d'ombres, ses nombreux voyages temporels compliquaient encore la donne. Elle en venait à douter de ses propres souvenirs, se demandant si ce qu’elle avait vécu correspondait toujours à cette ligne temporelle, ou si certains événements avaient déjà été altérés.

Elle fixait à nouveau le visage de HOPE. Il lui fallait des certitudes, et vite.

  • HOPE, dis-moi… le monde a-t-il changé depuis mon arrivée ici ? Quelque chose de majeur a-t-il été modifié ? demanda-t-elle, la voix empreinte d'une inquiétude sourde.

 

HOPE prit une fraction de seconde, une pause presque imperceptible avant de répondre.

  • Je n’ai détecté aucune altération majeure dans la trame temporelle immédiate, répondit l’IA. Les événements se déroulent dans une continuité cohérente avec la ligne de temps actuelle. Cependant, de petites fluctuations peuvent être observées lors des points d'interférence que vous avez créés lors de vos déplacements temporels. Aucun changement notable ne semble avoir affecté l'issue globale de la situation actuelle.

 

Ces paroles étaient rassurantes sur le plan logique, mais Sidonie n’arrivait pas à apaiser ses doutes. Elle savait pertinemment qu’un simple détail pouvait tout faire basculer, et cela l’inquiétait. C’était ce qui la terrifiait le plus : ce sentiment de marcher sur une corde raide où chaque geste pouvait entraîner une catastrophe, qu’elle soit visible ou invisible.

Elle se souvint des quatre variants au portrait rouge, les visages que Jane lui avait montrés à son arrivée. Sidonie avait à peine eu le temps de les observer, mais ils lui avaient laissé une impression indélébile, comme s’ils incarnaient quelque chose d’inéluctable. Peut-être représentaient-ils une partie de cette trame temporelle à laquelle elle devait s'accrocher.

Le silence s'installa à nouveau dans la chambre, tandis que Sidonie tentait d'assimiler les informations qu'elle venait de recevoir. Chaque nom évoqué, chaque mort, résonnait d'une manière différente en elle. Drew, Satine, Cole, Billy… Tous avaient été tués dans des circonstances tragiques, leur fin inéluctablement liée à leur condition de variant et à la guerre souterraine menée contre la BMRA.

La mention de la trahison de Billy la fit frissonner. "Une personne de son entourage l'a dénoncé." Cette pensée la terrifiait. La trahison était un spectre toujours présent dans ce genre de lutte, un danger omniprésent. Elle se demanda qui, parmi ceux qui l’entouraient, pourrait être capable d'une telle action. Et, plus encore, qui pourrait la trahir à son tour.

  • Parle-moi de la BMRA, demanda-t-elle, cherchant à mieux comprendre l'ennemi.

 

Le visage bleu de HOPE se modifia légèrement, comme si elle adaptait sa réponse.

  • La Biological Mutation Research Agency (BMRA) est une agence de recherche américaine fondée le 14 décembre 2080. Ses missions principales consistent à la recherche scientifique, biologique, et moléculaire sur les mutations biologiques humaines, plus communément appelées HBM. Elle analyse les dangers potentiels des humains dits « évolués / mutants / variants » par la manifestation d’effets physiques ou psychiques survenant généralement à la fin de l’enfance et avant l’âge adulte.

Sidonie ferma les yeux un instant, se laissant imprégner des mots d'HOPE. La BMRA n’était pas simplement un groupe de chercheurs, mais une institution dédiée à la chasse et à l'éradication des variants. Elle comprenait mieux pourquoi Jane avait lancé ce projet HOPE, pourquoi il était vital de protéger ces personnes qui, comme elle, étaient traquées comme des bêtes.

  •  Voici quelques détails conceptuels qui pourraient vous intéresser sur la BMRA :

 

Suite aux nombreux problèmes causés par certains variants hors de contrôle, le corps politique américain avait décidé, le 21 janvier 2083, d’accorder des pouvoirs élargis à la BMRA. Cette décision permettait à l’agence d’intervenir directement grâce à une milice composée d’humains et de variants sous contrôle. Ce groupe paramilitaire n’était pas limité aux États-Unis, mais opérait dans de nombreux pays ayant adhéré au programme de la BMRA. L’agence, désormais une entité tentaculaire, avait étendu son influence bien au-delà de la simple recherche, devenant un outil d’intervention mondiale.

Financée par des fonds publics et privés, la BMRA était devenue un acteur central dans la gestion des "problèmes variants". La valeur de ses actions en bourse atteignait des sommets, estimée à environ un million de FedCoins chacune, un chiffre qui témoignait de l’énorme potentiel économique de cette institution. En alliant la gestion sécuritaire à une industrie biomédicale de pointe, la BMRA avait trouvé un équilibre entre le contrôle politique et le profit financier.

En 2105, le Conseil de sécurité de la planète (CSP) octroya à la BMRA toutes les prérogatives préventives en matière de gestion des variants, une décision prise un an après l’échec cuisant du premier institut pour mutants, NickroN, à New York. Avec ce pouvoir, la BMRA se voyait conférer le droit de passer outre les lois nationales, lui offrant un cadre d'action quasi illimité à l’échelle mondiale. Ce fut un tournant décisif dans sa domination, puisque dès 2107, l'agence avait réussi à racheter plusieurs grandes sociétés informatiques, renforçant son emprise en surveillant la population à travers les réseaux Internet et la gestion des flux d'informations.

L'année 2113 marqua une intensification des tensions entre la BMRA et ceux qui défendaient les droits des variants. L'agence se montra extrêmement hostile à la réouverture du second institut pour mutants, initiative qui avait été possible grâce à l'ancienne Présidente fédéraliste Sarah Washington et la promulgation de la Loi bioéthique, désormais abrogée. Ce cadre législatif avait permis de protéger les variants et de promouvoir des recherches éthiques sur leurs capacités, mais son abrogation avait laissé le champ libre à la BMRA pour renforcer son contrôle. Dans la Fédération Unie, l’agence dispose désormais d'une antenne locale dans chaque État, consolidant ainsi son emprise.

La BMRA ne s’arrête pas là. Elle possède également un vaste réseau de laboratoires de sécurité maximale, classés P4 et P5, où sont menées des expériences controversées sur les variants. Ces installations servent à tester des "bloquants" ou des traitements destinés à neutraliser ou supprimer les dons des variants, sous couvert de les "guérir". La BMRA développe ainsi des méthodes d'extraction des pouvoirs ou de neutralisation pure et simple des capacités psychiques et physiques des mutants, dans une tentative de contrôle absolu sur cette population jugée dangereuse.

L'agence est dirigée par un consortium d'entreprises influentes, qui a élu un administrateur dont l'identité reste confidentielle. Ce secret bien gardé vise à protéger l'administrateur des nombreuses menaces de mort et des risques d'attentats auxquels la BMRA est confrontée. Depuis sa montée en puissance, l'agence a régulièrement été la cible d'attaques violentes de la part de groupes pro-variants ou de résistants à ses politiques répressives. Le siège principal de la BMRA, situé à Atlanta, en Géorgie, est ainsi devenu une forteresse, protégée par des mesures de sécurité extrêmement strictes.

Stanley Miller, le porte-parole actuel de l'agence, s'occupe des relations publiques et de la communication extérieure, jouant un rôle clé pour défendre les actions controversées de la BMRA devant le public et les gouvernements. Il incarne le visage visible de l'agence, toujours prêt à justifier les mesures drastiques prises pour contrôler les variants, insistant sur la nécessité de ces interventions pour préserver la sécurité mondiale.

  • ​Parle-moi de la Troisième Guerre mondiale et des différents pays du globe.

  • Chargement des données.

 

Le visage de HOPE projetait des images de chaos, d’émeutes, et de territoires ravagés par la guerre, alors que sa voix restait étrangement calme.

  • La Troisième Guerre mondiale, commença HOPE, éclata en 2059 à la suite de l'effondrement économique de plusieurs puissances mondiales. Le déclencheur fut la disparition soudaine de plusieurs réserves naturelles, causée par une surexploitation industrielle incontrôlée. Les tensions politiques déjà présentes entre certains blocs économiques aboutirent à un conflit global. Les alliances traditionnelles furent brisées, et de nouvelles coalitions émergèrent, chacune luttant pour sa propre survie.

 

Les images défilèrent rapidement : des explosions, des files de réfugiés, des villes détruites.

  • Les États-Unis se divisèrent en plusieurs factions après l’effondrement de leur gouvernement central. La Fédération Unie, que vous connaissez aujourd'hui, n’est qu’un des nombreux blocs ayant survécu à cette fragmentation. D’autres pays se sont reformés, ou se sont effondrés entièrement.

 

Sidonie resta silencieuse, absorbée par ces scènes. Elle voyait maintenant clairement pourquoi Jane devait agir dans l’ombre. Affronter la BMRA de manière frontale, dans un monde où tout s’était désintégré, était suicidaire.

  • Le monde a sombré dans un âge où la méfiance règne entre les États, continua HOPE. Le nombre de mutants, ou variants, ayant explosé à la fin du 21e siècle, les gouvernements y ont vu une menace supplémentaire. La BMRA a été créée pour « gérer » cette menace. Mais en réalité, ils ne gèrent rien. Ils contrôlent.

 

Sidonie ferma les yeux un instant. L’image d’un monde brisé, livré à des forces insidieuses, se dessinait de plus en plus clairement dans son esprit.

Mappemonde Pays 2116

La Troisième Guerre mondiale éclata en 2059, conséquence directe du réchauffement climatique et d'une crise économique mondiale sans précédent. Depuis les années 1900, les activités humaines polluantes avaient provoqué une montée exponentielle du niveau des mers et une réduction drastique de l’accès à l’eau potable. Incapables de gérer les dépenses massives engendrées par ces bouleversements environnementaux, de nombreux États sombrèrent dans la faillite. La situation s'aggrava davantage lorsque les démocraties échouèrent à contenir l'immigration climatique, provoquant des tensions inéluctables aux frontières des pays d’accueil et dans ceux contraints de gérer un afflux incessant de réfugiés. Des millions de personnes perdirent la vie en quête de survie, victimes de famines, de maladies ou encore des assassinats perpétrés par des cartels locaux, exacerbant les crises géopolitiques déjà latentes.

 

Les tensions atteignirent leur paroxysme lorsque la Chine exigea, en 2059, le remboursement des énormes prêts accordés à une multitude de pays, tant riches que pauvres. Les États-Unis, rejoints par plusieurs nations endettées, refusèrent de rembourser ces dettes, augmentant ainsi l’instabilité entre les blocs économiques mondiaux. Cette situation dégénéra rapidement, conduisant à une guerre ouverte entre la Chine et les États-Unis. Peu après, la Russie rejoignit le conflit en déclarant la guerre à l’Europe de l’Ouest, marquant ainsi le début de la Troisième Guerre mondiale.

Le 25 juillet 2060, l’Est de New York tomba aux mains de terroristes chinois, entraînant la destruction massive de la ville. Soixante pour cent de Manhattan fut englouti par les eaux, ses gratte-ciels emblématiques réduits à des ruines submergées, vestiges tragiques de l'effondrement de la civilisation moderne. Les conséquences de cette guerre continuèrent de façonner les tensions politiques et économiques du monde, bouleversant les équilibres géopolitiques et exacerbant les divisions entre les nouveaux blocs de pouvoir.

Dans ce contexte de chaos, la montée en puissance de la BMRA s'expliqua en partie par son rôle croissant dans le contrôle et la gestion des variants, perçus comme des menaces supplémentaires pour une humanité déjà au bord de l’effondrement.

Washington DC fut frappée par une bombe bactériologique au cours de la Troisième Guerre mondiale, laissant une empreinte indélébile sur la région. Les scientifiques estiment qu'il faudra au moins cinq siècles pour que le virus libéré lors de cette attaque s'estompe, et jusqu’à deux millénaires pour que les nappes phréatiques ainsi que la végétation retrouvent un semblant de normalité. Suite à la destruction de la capitale américaine, Philadelphie devint le nouveau centre politique de la Fédération Unie, créée en 2060. La guerre avait également ravagé l'Est du Canada, désormais inhabitable, tout comme le Groenland. En réponse, la Fédération Unie annexa l’Ouest du Canada, agrandissant ainsi son territoire pour mieux résister à l'effondrement mondial.

En 2113, Sarah Washington, une fervente pro-mutante, accéda à la présidence du Haut Conseil de la Fédération Unie. Elle s’efforça de promouvoir des lois protectrices pour les mutants et les variants. Cependant, à peine un an après son élection, elle fut assassinée, plongeant la Fédération Unie dans une crise politique. Elle fut remplacée par Jake Downey, un étatiste farouchement opposé aux politiques de Sarah Washington, qui renforça immédiatement les mesures contre les variants et les mutants.

L’Europe, tout particulièrement Paris, avait également subi des destructions massives avant sa capitulation face aux Anglais. En cinq mois, l'armée française avait orchestré plusieurs attentats à grande échelle, causant la mort de plus de deux millions de personnes. Cette campagne sanglante laissa l’Île-de-France en ruines, mais le régime impérial en place manipula les médias pour faire porter la responsabilité de ce désastre sur les Anglais. Aujourd’hui, sous la direction de Sa Majesté Impériale Jean Napoléon Bonaparte V, le régime impérial de l’Empire Europa a instauré un retour à des valeurs traditionnelles, tout en rejetant et persécutant systématiquement les variants. Ironiquement, des sources internes à la BMRA suspectent que Bonaparte lui-même soit un mutant, malgré son hostilité affichée envers cette population. Depuis son règne, plusieurs pays, dont l’Espagne, le Portugal et les rives de la Méditerranée, furent annexés à l’Empire Europa, avec le néo-français imposé comme langue officielle. La capitale impériale a été déplacée à Orléans, tandis que les ruines de Paris furent entièrement rasées en 2098.

La Grande-Bretagne, ou Britannie, connut également des bouleversements catastrophiques. Une bataille acharnée entre l’Empire Europa et les forces britanniques éclata, aggravée par la montée des eaux provoquée par le réchauffement climatique. Londres fut presque totalement détruite par un tremblement de terre sous-marin, suivi d’un tsunami dévastateur. À la suite de ce cataclysme, les dirigeants britanniques furent contraints de déplacer la capitale à Birmingham, communément appelée New London. Exsangue, la République Irlandaise rejoignit l’Empire Europa, tout comme l'Islande, affaiblie par des décennies de tensions. En 2106, la monarchie britannique fut abolie et remplacée par un régime républicain. Le Premier ministre, Sir James Nielsen, proposa un vaste plan de reconstruction, mais celui-ci fut jugé trop onéreux et n'aboutit jamais.

Le Mexique, dévasté à 40%, est aujourd’hui dirigé par la loi des gangs, principalement ceux liés aux cartels de la drogue. Le mur qui le sépare des États-Unis a été réhaussé pour tenter de contenir le chaos. L’autorité de l'État y est quasi inexistante, et c’est la loi du plus fort qui règne. Les pays situés au sud du Mexique, jusqu’au nord de l’ancienne Colombie, ont été engloutis par les eaux, les terres ayant disparu sous l’océan à cause de la montée des eaux. Quant au continent africain, très peu d’informations circulent à son sujet. Quelques villes côtières subsistent, fonctionnant de manière autonome, mais l'intérieur du continent est largement isolé.

La Nouvelle Chine, avec Pékin pour capitale, a réussi à résister aux bombardements américains. Le pays est gouverné par le Parti Nouveau du Peuple, un directoire composé de dix membres afin d’éviter une concentration du pouvoir entre les mains d’un seul individu. Xun Feihong, le président du directoire, est un leader controversé pour sa richesse ostentatoire et son acceptation des variants, qu’il force cependant à travailler dans des camps aux côtés des populations les plus pauvres. De fortes tensions politiques existent entre la Nouvelle Chine et le Japon, alimentées par une compétition acharnée en matière de technologie.

L’Europe de l’Est s’est unie en une république fédérale, cherchant à contrer l’expansionnisme de l’Empire Europa à l’ouest. Cette république est dirigée par le président Myklos Csaky, à qui l’assemblée constituante a confié les pleins pouvoirs pour rédiger une constitution. Depuis 2097, un fragile traité de paix est en vigueur entre la Yougoslavie et la Novoya Russia, mais la stabilité reste précaire.

L'Italie, restée neutre durant la guerre, s'est repliée sur le conservatisme et la religion. Sa Sainteté le Pape Innocent XXI, successeur d'Albert III, dirige le pays et prône la tolérance envers les variants, mais uniquement s’ils se soumettent à la doctrine de la « Nouvelle Église ». Ceux qui refusent de se conformer à cette foi ou expriment des idées divergentes sont souvent contraints de se convertir sous la pression de l'inquisition du Saint-Siège.

Le Japon, en pleine révolution technologique depuis la chute de sa monarchie impériale en 2062, est gouverné par une intelligence artificielle appelée « l’Architecte ». Cette IA administre le pays avec des codes et lois numériques. Créée par le génie Assei Oda, aujourd'hui décédé, elle est devenue incontournable. Cependant, en 2065, des tensions éclatèrent lorsque des robots prirent le contrôle des rues, réprimant les humains révoltés. Un compromis fut trouvé : la population devait limiter ses naissances et rationner ses ressources pour permettre aux machines de fonctionner de manière durable. Tokyo a été reconstruite en quelques années à un niveau surélevé par rapport à la mer, tandis que des murs métalliques furent érigés autour de la ville pour en réguler l’accès. Malgré la coexistence fragile entre humains et machines, les intelligences artificielles voient d’un mauvais œil les variants, qu’elles neutralisent avec des inhibiteurs de pouvoirs pour les maintenir sous contrôle.

L’Inde, devenue surpeuplée, a annexé la plupart de ses voisins. Politiquement, elle oscille entre conservateurs, farouchement opposés aux variants, et modérés, plus ouverts à la cohabitation. Sonia Kumari, reconduite à un troisième mandat fragile, tente de maintenir un équilibre précaire au sein du pays, tout en jonglant avec une crise politique imminente.

Les États Arabes Pétroliers (E.A.P.) sont constamment en guerre contre leurs voisins, sous la direction de l'émir Salah Namite, dont la richesse est considérable. Comme l’Italie, il accepte les mutants et variants tant qu’ils se conforment aux lois du pays et à la foi coranique, cherchant à utiliser leurs pouvoirs à des fins militaires.

La République Allemande Unifiée (R.A.U.), neutre au début de la guerre, fut forcée de se défendre sur deux fronts après avoir formé une alliance avec la Britannie contre l'Empire Europa. Le pays sortit victorieux, aussi bien humainement qu'économiquement. Le président actuel, Halligen Owersag, est soupçonné d'avoir bénéficié du soutien d’anarchistes et de mutants renégats pour influencer les électeurs lors de son élection. Malgré cette victoire, la défiance envers l’Empire Europa reste palpable, et les tensions entre les deux entités demeurent.

La Novoya Russia a remplacé la Fédération de Russie après la destruction totale de Moscou et une crise interne en 2047 qui a ravagé le pays. Sous le contrôle de Vasiliev Zedrorovich, un Géorgien aux intentions énigmatiques, ce nouveau régime adopte une politique expansionniste agressive, cherchant à étendre son influence sur les Balkans et les pays scandinaves. Zedrorovich, que beaucoup au sein de la BMRA soupçonnent d'être un variant malgré sa rhétorique anti-mutante, est considéré comme l’instigateur de la destruction de NickroN Renaissance. Il considère les variants comme "contre-nature" et, à partir de 2112, le dirigeant néo-russe impose des lois qui incarcèrent immédiatement les mutants dans des camps, avec des exécutions systématiques pour éradiquer cette partie de la population.

En Amérique du Sud, une guerre perpétuelle oppose deux grandes puissances. Le Brésil, dirigé par l'anti-variant Juan Martin Ramirez, a annexé tous ses pays voisins et mène une campagne de répression violente contre les mutants. À l’opposé, dans le sud du continent, Las Libertades, une région contrôlée par une guérilla hispanophone, s’érige en contre-pouvoir sous la direction de Pedro Sanchez, un leader pro-mutant. Cependant, même au sein de Las Libertades, les variants sont tolérés seulement s’ils s’engagent pleinement dans la défense de la patrie.

Avec les catastrophes climatiques ayant rendu inhabitables plusieurs régions, la planète semble désormais divisée en six continents, incluant des entités politiques distinctes en Amérique du Nord et en Amérique du Sud. D'autres régions, comme l'Australie, l'Indonésie, la Nouvelle-Zélande, et une grande partie de l'Afrique, sont devenues des déserts inhospitaliers, ravagés par une sécheresse extrême et des conditions climatiques si hostiles que toute forme de vie y est pratiquement impossible. Bien que certaines rumeurs persistent sur la présence de petites populations humaines dans ces zones, aucune entité politique ou organisation mondiale ne les reconnaît officiellement.

Sidonie ferma les yeux avant la fin du long récit. Le sommeil, lentement accumulé, finit par l'emporter, ses pensées engluées dans les images chaotiques du monde ravagé qu'elle venait de découvrir. HOPE, percevant l'état de fatigue de Sidonie, choisit de se retirer discrètement. Son visage virtuel se dissipa dans l'air, comme un hologramme qui s'efface, et la lumière baissa doucement dans la pièce.

L’atmosphère apaisante recouvrit la pièce, plongeant Sidonie dans un sommeil lourd et sans rêves. Le murmure de la technologie s’éteignit en arrière-plan, la laissant se reposer, du moins pour un moment, loin des réalités troublantes de l’extérieur.

Sidonie Wallorn

Sidonie

Jeanne Roselys

Jane

Walter Penfrom

Walter

Hiro Hawk (Nolan)

Hiro

Année 2116 | 20 octobre (passé) –  8 h 40, dans un building de Los Angeles - Californie

Sidonie se préparait pour une mission cruciale, sachant pertinemment que le moindre faux pas pourrait provoquer des bouleversements temporels irréversibles. Le 20 octobre marquait un point stratégique : elle devait prévenir Jane de préparer son propre enlèvement, prévu pour le 24 octobre au Cecil Hotel. Ce plan risqué nécessitait une prudence accrue, car modifier le passé était une entreprise périlleuse, capable d'engendrer des conséquences terribles. HOPE, avec son pragmatisme caractéristique, lui avait recommandé de se protéger avec un bijou spécial, capable de tromper les systèmes de reconnaissance anti-variants qui parsemaient l'immeuble de la BMRA. Ce bijou prenait la forme d'une élégante broche en rose, discrètement accrochée à sa veste noire.

Le temps était compté, et Sidonie savait qu'il lui serait impossible de remonter le passé depuis l'intérieur du site Alpha sans risquer un paradoxe majeur. Les autres mutants, tout comme HOPE, ne devaient pas découvrir ses déplacements dans le temps, sous peine de rompre le fragile équilibre de la continuité temporelle. Sortir du site Alpha était la seule option viable. À l'extérieur, cependant, elle serait vulnérable, entourée d'humains qui pouvaient la surprendre à tout moment.

Vêtue comme une femme d'affaires, elle quitta le site Alpha, déterminée et méthodique, prenant soin de ne pas attirer l'attention. Dans la rue, elle attendit patiemment qu'un taxi la mène vers l'immeuble où Jane travaillait. Une fois arrivée, l'immense hall de l'édifice la mit face à un premier obstacle : la sécurité. Le scan rapide effectué par le laser scruta son corps, cherchant le moindre indice d'anomalie, et Sidonie attendit en silence. Le portier, posté à quelques mètres, surveillait attentivement le déroulement du processus. Finalement, la lumière verte clignota, signalant que Sidonie était identifiée comme une humaine normale. Elle passa donc cette première épreuve sans encombre.

Cependant, elle savait que le véritable défi l'attendait à l'intérieur. Hiro et Walter, deux figures proches de Jane, pouvaient à tout moment interférer avec ses plans. Pour contourner leur vigilance, elle comptait sur son intelligence et son charme, surtout pour manipuler Hiro. Elle avançait dans l’immeuble, consciente que chaque seconde la rapprochait d’un point de non-retour où elle devrait modifier le cours du temps sans éveiller le moindre soupçon.

Sidonie venait de prendre une grande inspiration en appuyant sur le bouton menant au 81ème étage, le bureau 81K. Utiliser l'identité fictive de Lena Sinclair et prétendre être la fille de Jane avait été un pari risqué, mais nécessaire pour contourner les systèmes de sécurité redoutables. Sa broche en forme de rose, dissimulée discrètement sur sa veste noire, avait accompli son rôle, brouillant les scanners anti-variants du bâtiment. Pourtant, ce n’était que la première étape de sa mission.

Dans l’ascenseur, une tension palpable l’envahit tandis que le mécanisme silencieux la propulsait vers le sommet de la tour. Une migraine commençait déjà à poindre, signe que les conséquences de la manipulation temporelle étaient en train de s’abattre sur elle. Son esprit, lucide malgré la douleur, envisageait les multiples obstacles qui l’attendaient à l’étage. Hiro et Walter, les deux hommes responsables de la sécurité rapprochée de Jane, allaient être un problème majeur. Ils ne la laisseraient pas passer sans un contrôle rigoureux, surtout que Jane ne s'attendait à aucune visite ce jour-là. Le moindre faux pas, et Sidonie risquait de compromettre non seulement la mission, mais de provoquer une catastrophe temporelle irréversible.

L’ascenseur s’arrêta. Les portes s’ouvrirent dans un claquement sec, révélant un couloir aseptisé et une atmosphère froide qui résonnait de chaque pas sur le sol. Hiro, ou plutôt Nolan, tel qu’il s’était fait appeler, se trouvait à quelques mètres devant elle. Son apparence avait été profondément modifiée : chauve, plus massif, et doté d'une stature imposante. Les signes distinctifs qu’elle connaissait, comme son tatouage caractéristique, avaient disparu. La transformation était si parfaite qu’elle faillit douter de son identité. Même sa voix, plus grave et mécanique, contrastait avec le souvenir qu’elle en gardait.

Sidonie tenta de maîtriser sa respiration, consciente que toute hésitation pouvait la trahir. Walter, quant à lui, semblait moins intimidant, mais tout aussi méfiant. Chaque détail devait être calculé, chaque mouvement pesé avec soin. Une improvisation totale s’imposait, car le temps jouait contre elle. La migraine, quant à elle, s'intensifiait, une douleur sourde envahissant son crâne, signe que la réalité commençait déjà à s’effriter. Sidonie n'avait qu'une poignée de minutes pour parvenir à Jane et la convaincre de se préparer à son propre enlèvement dans les jours à venir.

Leurs regards se croisèrent. Elle savait que la moindre incohérence, la plus petite erreur, suffirait à ruiner tout le plan.

  • Vous êtes qui ? demanda Hiro, les sourcils froncés.

  • Lena Sinclair, répondit-elle avec un sourire innocent, presque charmeur.

  • Impossible, intervint Walter, madame Sinclair n’a pas d’enfant.

  • Je n’ai pas le temps, laissez-moi passer !

  • Arrrrrrrrêteeeeeez, hurla Hiro, sa voix s'étirant au ralenti.

 

Avant que Hiro ou Walter n’aient pu la saisir, Sidonie avait déjà agrippé son pendentif. D’un geste fluide, elle tourna le sablier, laissant s'écouler le sable avant de l'incliner, de sorte qu'il en reste des deux côtés. Les mouvements des deux hommes ralentirent au point de devenir presque imperceptibles. Avec une rapidité déconcertante, Sidonie ouvrit la porte et entra dans la pièce, découvrant Jane en train de lire un document sur une tablette holographique.

Refermant la porte derrière elle, Sidonie jeta un regard vers Hiro et Walter, toujours figés dans leur tentative de l’arrêter. Ce pouvoir de ralentir le temps la vidait de ses forces, mais elle n’avait pas le choix. Le sablier resterait incliné tant que l’effet perdurerait.

Avant que Jane ne puisse réagir, Sidonie pointait déjà une arme sur elle, non détectée à l’entrée du bâtiment.

  • Je ne ferais pas ça si j'étais vous, Jane Roselys. Laissez vos mains en évidence sur le bureau, sinon je tire.

  • Comment... connaissez-vous mon nom ? balbutia Jane, surprise.

  • Taisez-vous et écoutez-moi attentivement, ordonna Sidonie en jetant une lettre sur le bureau. Voici une lettre où je vous explique comment me trouver dans quatre jours, au Cecil Hotel. Suivez-les à la lettre.

 

Jane la dévisageait, hésitante.

  • Votre visage me dit quelque chose... Vous êtes une variante, n'est-ce pas ? Vous savez que votre vie est en danger ici ?

  • Je suis Sidonie, répliqua-t-elle en durcissant la voix. Lisez cette lettre, et surtout, venez avec Hiro et Walter à la date indiquée. Je dois vous accompagner à HOPE, vous avez besoin de moi pour réussir votre projet, et ramener votre descendant. En échange, retrouvez Kahlan Raven. C’est tout ce que je demande.

  • Sidonie, comment est-ce possible ?! Qu'avez-vous fait ?

  • Ne discutez pas ! Suivez mes instructions et laissez-moi partir !

 

Jane jeta un coup d'œil à l’écran, où Hiro et Walter étaient encore figés dans leurs mouvements ralentis. Sidonie lâcha alors son pistolet factice et s’enfuit, replaçant le sablier dans sa position initiale. La comtesse française aurait pu l’arrêter facilement, mais la curiosité l’avait emporté.

Le temps reprit son cours normal. Hiro et Walter retrouvèrent soudain leur mobilité, s’élançant vers Jane, qui souriait en lisant la lettre laissée sur son bureau.

  • Vous allez bien madame ? demanda Hiro, encore ébranlé.

  • Oui. Par contre, vous avez lamentablement échoué, répliqua Jane, presque amusée. Elle vous a eus.

  • Elle a laissé ça en partant, observa Hiro en ramassant le pistolet. Qui était cette fille ?

  • Une contrefaçon, intervint Walter en examinant les odeurs se dégageant de l'objet. C'est du plastique. 

  • Je la connais, murmura Jane. Ou du moins, je pensais la connaitre. Elle a pris un énorme risque pour venir ici.

  • Comment a-t-elle fait ? demanda Walter, abasourdi. 

  • Elle contrôle le temps. Rien dans cette situation n’est dû au hasard, bien au contraire. Elle a laissé des informations précieuses dans cette lettre, et je compte bien suivre cette piste.

  • Doit-on mener des recherches pour la retrouver ? Si elle contrôle le temps, elle sera difficile à localiser, suggéra Hiro.

  • Pas nécessaire. Elle veut qu’on la retrouve. Et je compte honorer sa demande. Préparez-vous. Vous m’accompagnerez au Cecil Hotel pour rencontrer notre nouvelle recrue.

Hiro et Walter, bien que honteux d’avoir été dupés, obtempérèrent sans broncher. L'extraction de Sidonie devait être préparée minutieusement. Le cours du temps avait été respecté, et la jeune femme ne disparaîtrait pas de la réalité.

Sidonie Wallorn

Sidonie

Hiro Hawk

Hiro

Jeanne Roselys

Jane

Hannah Galaway

Hannah

Sarah Garden

Sarah

Martha Moore

Martha

HOPE

HOPE

Année 2116 | 27 octobre (présent) – 10h49, QG HOPE, Santa Monica, Los Angeles - Californie

Sidonie vacilla dangereusement en atterrissant après un nouveau saut temporel, censé la ramener au présent. Ses jambes fléchirent sous son propre poids, et tout son corps tremblait, secoué par des spasmes douloureux. Chaque mouvement devenait une épreuve pour elle, comme si son propre corps se rebellait contre l'effort violent qu'il venait de subir. Le front perlé de sueur, Sidonie sentit une nausée incontrôlable monter en elle. Elle n’eut pas le temps de réagir avant de vomir sur le sol, expulsant tout le contenu de son estomac. Ses forces l'abandonnèrent, et elle s'effondra sur le lit, épuisée et tremblante.

Personne ne semblait avoir remarqué son absence. Le temps de son saut était si court que les autres résidents ne s'en étaient pas rendu compte, plongés dans leur propre routine. Mais Sarah, fidèle à son habitude, se présenta avec un plateau de nourriture, comme elle le faisait chaque jour. Dès qu'elle vit l'état de Sidonie, ses traits se figèrent d'inquiétude. Elle s’agenouilla rapidement à côté du lit, cherchant à comprendre ce qui s’était passé.

  • HOPE, je crois qu’on a un problème, murmura Sarah, en demandant à l’intelligence artificielle d’analyser la situation.

HOPE répondit aussitôt, projetant un léger hologramme lumineux qui scanna Sidonie. Les données défilèrent rapidement sous les yeux de Sarah, qui fronça les sourcils en lisant les résultats.

Sarah caressa doucement les cheveux de Sidonie, sa main tremblante d'inquiétude, tandis qu'elle l'aidait à se remettre convenablement sous les couvertures.

  • Qu’est-ce qui t’est arrivé ? murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour obtenir une réponse immédiate.

  • Je constate que Sidonie s’est brièvement absentée du site, en effectuant un bond temporel, répondit HOPE. Selon les symptômes actuels, elle a utilisé son don pendant une durée difficile à évaluer dans l’autre réalité. Il y a de fortes probabilités que cette utilisation excessive de la chronokinésie provoque des effets secondaires dangereux : maux de tête, vomissements, sueurs, jusqu'à un risque de coma si cela persiste.

  • D'accord, merci HOPE, répondit Sarah, presque soulagée malgré l’inquiétude. Je ne pensais pas que son don pouvait être à la fois aussi puissant et dangereux. Surveille ses constantes pendant que je vais chercher une perfusion et tout ce qu’il faut pour la stabiliser. Préviens-moi au moindre changement. Je vais également en référer à Jane.

  • Inutile, Sarah. Madame Roselys est déjà au courant et sera là dans quelques minutes, précisa HOPE avec une voix calme et assurée.

Quelques instants plus tard, Jane entra effectivement dans la chambre, accompagnée d’Hiro. Le silence était lourd, presque oppressant, alors que le robot-serviteur s’affairait à nettoyer discrètement le sol, remettant un semblant d’ordre dans la pièce.

Hiro se tenait un peu en retrait, ses bras tatoués croisés, le regard fixant Sidonie, allongée et inconsciente sur le lit. Il ne comprenait pas encore pleinement les dangers liés aux dons temporels, mais voir Sidonie dans cet état provoquait un malaise palpable en lui. Il se sentait impuissant face à cette situation, mais espérait qu’elle se rétablirait rapidement.

Jane s'approcha silencieusement du lit et observa Sidonie avec attention, son visage neutre, masquant ses pensées.

  • Sarah, dans combien de temps Sidonie se réveillera ? demanda Jane, brisant ainsi le silence lourd qui planait sur la pièce.

  • Avec du repos, quelques jours, tout au plus, répondit Sarah, sans quitter des yeux le visage affaibli de Sidonie. Je me porte volontaire pour m'occuper d'elle, madame.

  • Merci, Sarah, mais j'ai besoin de vous pour d'autres tâches. En descendant, demandez à Hannah de monter, je vous prie.

Sarah acquiesça sans un mot et tourna rapidement les talons, quittant la chambre sans un regard pour Hiro. Le silence entre eux avait toujours été pesant. Sarah n'était pas connue pour être la plus sociable des résidents. Sa froideur et son désir de solitude la tenaient souvent à l'écart des autres, et ses rapports avec Martha et Aleksandr étaient tendus. Elle fit un détour pour prévenir Hannah, avant de retourner à ses tâches quotidiennes.

Quelques minutes plus tard, Hannah entra dans la chambre de Sidonie, son visage habituellement jovial assombri par la vue de la jeune femme dans cet état.

  • Hiro, Hannah, j'exige que vous preniez soin d'elle à tour de rôle jusqu'à son réveil.

  • Elle est en danger, madame ? demanda Hiro, visiblement inquiet, sans comprendre où Jane voulait en venir.

  • Mais que lui est-il arrivé ? s'enquit Hannah, son ton trahissant sa nervosité.

  • Je vous ai demandé quelque chose, me semble-t-il ! s'impatienta Jane, coupant court à toute autre question.

Hannah et Hiro échangèrent un regard perplexe avant d'acquiescer ensemble à l'ordre de Jane. La comtesse se plaça devant la vitre, son regard fixé sur le paysage extérieur. Le silence retomba lourdement dans la pièce, laissant les deux jeunes variants déconcertés, incapables de poser de nouvelles questions de peur d'une autre remontrance de leur supérieure.

Jane savait qu'elle jouait gros avec Sidonie. La mission de retrouver son descendant pouvait échouer, et elle savait qu'un tel échec mettrait tout en péril. Pourtant, elle choisissait de ne pas intervenir directement. Elle avait d'autres plans.

Face à l’incompréhension visible de Hiro et Hannah, Jane soupira doucement. Il devenait clair qu'une explication plus détaillée était nécessaire pour clarifier la situation.

  • Bien. Ce que je vais vous dire est strictement confidentiel. Comme vous le savez, Sidonie est capable de manipuler le temps. Mais ce don a des conséquences dangereuses, parfois mortelles, continua Jane, son ton se faisant plus grave. Je vous demande de surveiller Sidonie attentivement. Si, à un moment donné, elle montre des signes de perte de contrôle ou qu'elle devient un danger pour nous, vous devez détruire immédiatement son pendentif. Compris ?

  • Lors de ma prochaine mission, je vais veiller sur elle, assura Hannah, son visage marqué par la détermination. Est-ce que je peux l'aider d'une autre manière, madame ? insista Hannah.

  • Non, Hannah, cela vous dépasse. Sa vie n'a été qu'une suite de bonds temporels qui l'ont progressivement éloignée de la réalité. Elle commence même à perdre certains souvenirs. Mais elle se souvient toujours de mon nom et des événements qui se sont déroulés à NickroN Renaissance, il y a trois ans. Cependant, je ne suis même pas certaine que "Sidonie Wallorn" soit son véritable nom. Nous ne savons presque rien d’elle, ni de ce qu’elle cache vraiment. Mais mon intuition me dit qu’elle peut accomplir de grandes choses pour nous, malgré les risques. 

  • Vous voulez dire qu’elle pourrait revenir dans le passé si une mission tourne mal ? intervint Hiro, intrigué.

  • Pas exactement. Ce n'est pas aussi simple que cela, Hiro, même si c’est tentant de penser que tout peut être réparé. Modifier le passé à tout prix n’est pas sans conséquence. Il est possible de changer certains événements, mais cela peut avoir des effets dévastateurs. La réalité elle-même pourrait être altérée à jamais. Sidonie a déjà pris ce risque, et je crois que cela l'a marquée. Elle a laissé ses émotions prendre le dessus, et c'est une pente dangereuse. Mais ce qui m'inquiète le plus, c'est que je ne connais toujours pas ses véritables motivations.

Jane se tourna vers eux, son regard perçant.

  • Quoi qu'il arrive, vous ne devez jamais accepter de modifier votre passé, même si elle vous le propose. Certaines choses ne peuvent pas être changées.

Jane savait que le don de Sidonie était bien trop précieux pour ne pas attirer l'attention de la BMRA, la plus redoutable agence du monde, ou même de simples individus qui, par jalousie ou ambition, viendraient à la côtoyer. Ce don expliquait en partie pourquoi Sidonie évitait les relations humaines, ne s'autorisant que de rares exceptions comme Lucas ou Kahlan, des âmes qui, malgré leur passé tourmenté, n'avaient jamais voulu le changer.

  • Hannah, je suis persuadée que votre caractère positif et votre optimisme seront d'une aide précieuse pour votre camarade. Vous aussi, Hiro. Je ne peux pas demander à Martha, Walter, Sarah, ou même Aleksandr, ils n'ont pas la personnalité requise pour une telle tâche, ajouta Jane. Je dois vous laisser maintenant. N'hésitez pas à me prévenir à la moindre alerte.

Après le départ de la comtesse, Hannah et Hiro restèrent seuls dans la chambre. Le silence s'installa, lourd et pesant. Les paroles de Jane tournaient encore dans leur esprit, loin de les rassurer. Hiro s'assit près d'Hannah, qui ne détachait pas son regard du visage mélancolique de Sidonie, encore inconsciente.

  • C'est incroyable... lâcha Hiro, toujours stupéfait par ce qu'ils venaient d'apprendre.

  • Oui, murmura Hannah. Je n'aurais jamais imaginé que Sidonie portait un tel fardeau.

  • Je me demande jusqu’où elle est capable d’aller... répondit Hiro, visiblement troublé.

 

Le regard fixe de Sidonie semblait cacher des secrets que ni l'un ni l'autre n'étaient prêts à découvrir.

  • Tu voudrais changer ton passé, Hannah ? demanda Hiro, repensant aux avertissements de Jane sur les risques des altérations temporelles.

  • Non, répondit-elle avec assurance. Et toi ?

  • Je ne sais pas, à vrai dire, je pense qu'il vaut mieux écouter Jane. Elle sait de quoi elle parle, répondit-il en se grattant l'arrière de la nuque. Tu vas bien, Hannah ?

 

La jeune femme hésita, baissant les yeux avant de répondre.

  • Cette mission me dérange, Hiro. Je n'aime pas mentir, et on m'ordonne de convaincre de force le descendant de madame Roselys de nous rejoindre. J'ai un mauvais pressentiment... je ne veux pas faire ça.

  • Tu veux que j'y aille à ta place ? proposa-t-il, sincère.

  • C'est gentil, mais je ne pense pas qu'elle nous le permettra, fit Hannah, découragée.

  • Ne t'inquiète pas, Hannah. Variant ou non, on a tous des moments de doute, surtout quand on est confronté à des choix pour survivre, répondit-il, un soupçon de lassitude dans la voix. Je sais que tu détestes les mensonges et certaines de nos méthodes. C'est d'ailleurs ce que j'apprécie chez toi, ta gentillesse.

 

Hannah sourit faiblement.

  • Merci, Hiro. C'est rare qu'on parle aussi sérieusement.

  • Ça fait du bien, parfois, de dire les choses à voix haute. Et je suis sûr que tu y arriveras si tu ne stresses pas.

 

Hannah le remercia en posant doucement sa main sur la sienne. Aucune des deux jeunes variants ne remarqua que le pendentif de Sidonie vibrait faiblement sur sa poitrine. Son visage se crispa brièvement dans son sommeil, mais Hannah continua la conversation.

  • J'espère que tu ne l'as pas mal pris, ce que j'ai dit l'autre jour, pendant la réunion ?

  • De quoi ? demanda Hiro, intrigué.

  • À propos de ma blague sur toi et Lucas Roselys.

 

Hiro soupira, amusé.

  • Tu voulais me charrier, comme à ton habitude. Oublie ça, ok ?

  • D'accord.

  • Je vais me reposer pour rester auprès de Sidonie cette nuit. Ça te va ?

  • Oui, pas de problème, Hiro. À plus tard.

Hiro posa une main réconfortante sur l'épaule de sa camarade avant de sortir de la pièce. Hannah, quant à elle, s'installa à côté de Sidonie sur le lit, veillant sur son sommeil. Le pendentif cessa alors de vibrer et retrouva son immobilité.

Sidonie se réveilla quelques jours plus tard, à la fois affaiblie et soucieuse. Hannah et Hiro cessèrent de venir la voir à sa demande. Elle voulait rester seule, réfléchir à la suite des événements et aux doutes qui la rongeaient.

***

Martha se tenait contre le mur, les bras croisés, guettant Jane qui descendait l’escalier en marbre avec une grâce indifférente. Le regard perçant de la comtesse indiquait qu’elle avait rapidement compris que Martha avait quelque chose sur le cœur depuis leur dernière réunion. L’arrivée de Sidonie avait clairement perturbé l’atmosphère, et Jane voyait bien que l’attitude de la jeune femme devenait problématique. C’était le moment de régler les tensions qui planaient.

 

  • Madame, je peux vous parler ? demanda Martha d’un ton tendu.

  • Bien sûr, répondit Jane d’un ton détaché, si cela peut éviter que vous abîmiez les murs avec vos humeurs. Je ne tolérerai plus aucun écart de ce genre.

  • Oui… désolée pour ça, admit Martha, visiblement mal à l’aise.

  • J’aimerais surtout connaître la raison de ces accès de mauvaise humeur et des altercations avec vos camarades, continua Jane en descendant tranquillement.

  • C’est une mauvaise idée d’inclure Sidonie ! Laissez-moi partir avec Hannah, je vous ramène votre descendant dans quelques jours, lança Martha, l’anxiété perçant dans sa voix.

 

Jane, arrivée au pied de l’escalier, se dirigea vers un grand miroir dans le hall. Elle ouvrit son poudrier, ajustant son maquillage avec un calme déconcertant, tandis que Martha attendait nerveusement que la comtesse réponde à son insistance.

  • Vos arguments ? demanda finalement Jane, le ton toujours glacial.

  • On ne la connaît pas, dit Martha rapidement. Elle débarque ici avec un don instable. Qui nous dit qu’elle ne va pas flancher ou même nous trahir ? Je refuse que tout tourne mal en pleine mission à cause d’elle.

Jane tourna la tête lentement, son regard froid et calculateur.

  • Seriez-vous en train de remettre en question l'une de mes décisions, Martha Moore ? dit Jane d’une voix posée, mais qui laissait percevoir un danger latent.

  • Non, ce n’est pas ça… Mais avec les dernières pertes… hésita Martha.

  • Très bien, parlons-en, répliqua Jane. Inutile de vous rappeler la mort de Drew. Ce jeune homme a choisi d’ignorer mes ordres, de suivre son instinct, et cela l’a mené droit à sa perte. Je vous l’ai dit à tous : il faut des années pour maîtriser vos dons. De nombreux facteurs jouent un rôle crucial en situation de stress. Nos émotions, notre égo, et une mauvaise évaluation des risques sont les principales causes de nos échecs. Nos dons ne suffisent pas.

Martha hocha la tête, incapable de répondre.

  • Si vous savez tout cela, alors ressaisissez-vous, continua Jane, impassible. Votre chagrin et votre colère ne doivent pas altérer votre jugement. Vos émotions ne doivent surtout pas perturber la cohésion que j’essaie de maintenir au sein de HOPE.

Martha, malgré elle, sentit la rage monter.

  • Alors pourquoi est-ce qu’on attend ? Nous devrions déjà être en route vers Seattle ! lâcha-t-elle, frustrée.

 

Jane, toujours aussi imperturbable, ne cilla même pas.

  • Prenez le temps qui vous est accordé pour vous recentrer et contrôler votre colère. Cela vous sera utile, à vous comme aux autres. Autre chose à ajouter ?

 

Martha serra les poings, sentant que discuter ne servirait à rien.

  • Non, répondit-elle finalement, difficilement.

  • Martha, ajouta Jane, je vous déconseille fortement d’aller importuner Sidonie pour l’instant. Elle a besoin de repos. Maintenant, partez.

 

Martha hésita, une dernière réplique sur le bout de la langue. Mais l’inflexibilité de Jane était indéniable. Il n’y avait rien de plus à dire. Silencieuse, elle tourna les talons et s’éloigna, son cœur lourd de colère contenue.

Mais malgré les paroles de Jane, Martha n’avait pas changé d’avis sur Sidonie. Tandis que chacune partait de son côté, un sentiment de défi couvait encore dans le cœur de la jeune femme.

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