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Jeanne Roselys

Jane

Yrsa Delacroix

Yrsa

Tobias Olsson

Tobias

Tristan Harker

Tristan

Lucas Roselys

Lucas

Walter Penfrom

Walter

Hannah Galaway

Hannah

Tome 1 : la BMRA - Partie 2

Chapitre 13 : « Enfer glacé »

Année 2116 | 26 décembre, 9 h 30 – Site Mu, Golden Valley, Santa Clarita - Californie

Un mois après le décès de Sarah, des changements notables avaient transformé HOPE. Chaque résident s’était vu implanter un nanocapteur, permettant à l’intelligence artificielle de les localiser en temps réel. Jane elle-même avait accepté le traitement, pour donner l'exemple. Aleksandr, désormais responsable de la maintenance informatique, du transfert et de l’analyse des données, bénéficiait d'un accès privilégié aux systèmes de la BMRA grâce à Jane. En étroite collaboration avec HOPE, le mercenaire néo-russe supervisait la construction d’Héliosis 2. Cette entente entre l'IA et Aleksandr avait permis d’optimiser la gestion et la sécurité de la maison selon des protocoles renforcés.

Avec patience et détermination, Hiro continuait sa psychothérapie avec le docteur Sorel. Il sentait sa relation avec Lydia évoluer subtilement, se demandant si elle nourrissait des sentiments à son égard. Il préférait néanmoins attendre avant de s'engager dans une relation sérieuse. Observatrice, Jane n’intervenait pas, tant que leur rapprochement ne perturbait pas leur mission. Hiro avait été ravi d’apprendre que son ami Walter avait été retrouvé en vie, mais la nouvelle perdit de son éclat lorsque Jane lui annonça que Walter ne pouvait pas revenir à HOPE pour le moment, un mystère qui justifiait son propre déplacement au site Mu. Malgré sa maîtrise des émotions, l’inquiétude de Jane transparaissait.

Lucas, de son côté, restait profondément marqué par la trahison de Sarah, qui ravivait de sombres souvenirs. Il avait déjà affronté cet ennemi mortel, celui-là même que Jane désignait comme une menace constante pour les Roselys. Seule Jane semblait connaître les véritables motivations de ce chef de secte pour anéantir sa famille. Tourmenté, Lucas entreprit une thérapie avec Lydia pour surmonter les événements et faire la paix avec son passé. Cependant, il ressentait la distance qu’Aleksandr et Hiro avaient mise entre eux, leurs rapports s’étant détériorés après ses critiques sévères à l’encontre de Sidonie et Hannah.

 

Lucas n’arrivait toujours pas à pardonner à Hannah pour ce qui s’était passé à Seattle. Bien qu’elle lui ait présenté des excuses sincères, il évitait autant que possible son regard. Il ne souhaitait pas rompre leur amitié, mais le traumatisme était encore trop vif. Il passait ses journées à s’entraîner seul dans un simulateur de combat en réalité augmentée, un espace où tout semblait étrangement réel. Chaque résident devait s’exercer à maîtriser ses capacités, pour que HOPE puisse analyser et améliorer leurs performances. Lucas s’efforçait de reprendre la main avec son catalyseur et de mieux contrôler son don énergétique, mais sa colère persistante entravait ses progrès.

 

Il se préparait également au départ de sa mère, Illyria, qui allait s’installer dans un appartement luxueux à Santa Monica, à une dizaine de minutes de HOPE. Cette séparation s'avéra moins douloureuse que dans l’autre réalité ; Jane avait tenu sa promesse. Mais, pour l'instant, la comtesse avait interdit toute communication extérieure, empêchant Lucas de voir sa mère. Profitant d'un rare moment de répit, le groupe décida de célébrer Noël, malgré l’interdiction des rassemblements festifs imposée par l’Agence et le gouvernement. Illyria se joignit à eux et, avec ses talents de cuisinière, prépara un festin somptueux malgré les pénuries. Pendant quelques heures, l’atmosphère se fit plus légère, et Jane distribua à chacun un cadeau soigneusement choisi.

De son côté, Aleksandr s’absenta pour superviser la construction d’Héliosis 2, comme promis par Jane. Il se rendit en Alaska, où le marché noir facilitait l'acquisition de pièces introuvables au sein de la Fédération Unie. Il affronta seul l’hiver rude du nord et sollicita l'aide de HOPE pour concevoir une intelligence artificielle auxiliaire, dérivée de son propre code source, afin de piloter le futur engin avec plus de précision. Contrairement à Sarah, Aleksandr trouvait en HOPE une alliée pragmatique et constructive, qui ne jugeait ni ne contestait ses décisions concernant ce projet ambitieux. Il était soulagé de l’absence de Sarah au sein de HOPE.

Lydia, encore perturbée par la trahison de Sarah, se consacrait à la rédaction de plusieurs études commandées par Jane. Elle s’attelait à démanteler la propagande de la BMRA et à restaurer la réputation de scientifiques indépendants qui soutenaient ses théories. La thèse principale de Lydia, basée sur une documentation rigoureuse, démontrait que la mutation naturelle des variants était une évolution biologique normale. Jane autorisa la diffusion de ces travaux, malgré les interdictions.

Malgré tout, Tobias accepta d’aider Sidonie à tenter de sortir Kahlan de son coma. Sidonie passait ses journées en communication psychique avec lui, découvrant qu’il était piégé dans son subconscient depuis trois ans. Tobias, cependant, gardait ses distances pour ne pas se laisser envahir par les émotions. L’état de Sidonie inquiétait cependant HOPE et Lydia, cette dernière observant des crises psychiques chez la jeune femme, indépendantes de son pouvoir. Jane confia au docteur Sorel la surveillance de Sidonie, tandis que Lydia notait minutieusement les signes de réaction chez Kahlan, malgré l'absence de certitude quant à son rétablissement.

Depuis la mort de Sarah, la méfiance régnait, renforcée par les menaces qu’elle avait proférées avant de mourir. Chaque sortie, même anodine, était empreinte de prudence, et la sécurité de HOPE avait été redoublée. Personne ne savait ce que Jane avait fait du corps de Sarah, et personne n’osait aborder le sujet, bien qu'il se murmure que les robots-serviteurs en avaient pris soin.

***

Très tôt dans la matinée du 27 décembre 2116, Jane entra dans la chambre de Tobias et le réveilla brusquement, l’invitant à se préparer pour une mission. Le jeune homme sursauta, mal réveillé et encore en sous-vêtement sous sa couette. Il maudit une fois de plus la comtesse française pour ses méthodes militaires. Il avait à peine dormi, hanté par des pensées perturbantes qui l’empêchaient de trouver la paix. À quoi — ou à qui — pensait-il réellement ? Avec Aleksandr en mission, Jane avait également convoqué Lucas et Hannah pour le départ.

Après un rapide café, Tobias s’installa dans la voiture, Jane au volant, tandis que Lucas et Hannah prenaient place dans un autre véhicule. Il trouva étrange ce choix, sachant que Lucas et Hannah s'évitaient depuis leur dispute. Par précaution, chaque voiture avait un itinéraire différent. Jane, sans casque de réalité augmentée, se fiait à sa parfaite connaissance des routes menant au site Mu, situé dans les hauteurs de Santa Clarita, à une quarantaine de minutes de HOPE selon le trafic. Comme toujours, la circulation se densifiait en approchant du nord de Los Angeles. Finalement, après un long silence, Jane prit la parole.

  • Je vous imaginais plus bavard, Tobias. Étonnant, dit-elle en souriant.

  • Je n’ai pas grand-chose à dire, répondit-il en regardant la route défiler par la vitre.

  • Vous ne m’avez même pas demandé pourquoi je vous ai fait venir ?

  • Parce que vous m’aimez bien ?

  • Vous savez bien que je n’aime personne, ironisa-t-elle. Non, jeune homme, j’ai besoin de vous.

  • Pourquoi ?

  • Tout d'abord, je suis ravie de voir que vous progressez dans l’usage de votre don télépathique. Mais la vraie raison de votre présence est simple : depuis la trahison de cette petite intrigante de Sarah, je préfère me baser sur des faits plutôt que sur mon instinct, même si je me trompe rarement. Vous en êtes la preuve vivante, n’est-ce pas ?

  • C’est reparti ! Vous me voyez toujours comme le traître, ou un petit con !

  • Ni l’un ni l’autre, quoique la seconde option m’ait parfois effleuré l’esprit. Je vous l'ai déjà dit, vous me rappelez un de mes fils, autrefois ; un garçon fougueux qui ne mesurait pas les conséquences de ses actes.

  • J’essaie d’oublier votre passé, Jane, répondit Tobias avec une pointe de malaise. Vos pensées et vos émotions sont lourdes à porter…

  • En effet. Quoi qu’il en soit, j’ai voulu saisir cette occasion pour parler avec vous, car quelque chose semble vous tracasser. Vous n’êtes pas le premier à être en quête de liberté ici, Tobias. Vous êtes jeune, en quête d’un idéal qui n’existe plus. Comme tous les jeunes, vous poursuivez des chimères jusqu’à vous perdre, et je m'efforce de canaliser cela en chacun de vous. Avec le temps, la maturité viendra. Vous avez pris un engagement, c’est la première étape ; il est difficile de faire marche arrière. Mais vous vous y ferez, si vous vous en donnez la peine.

  • Donc, c’est impossible de sortir…

  • Après ce qu’il s’est passé, je doute que nous passions inaperçus dehors, malgré toutes nos précautions. Je ne vais rien vous apprendre : le monde est plein de dangers, et votre don ne vous protégera pas de tout. Vous devez cesser de croire que nous sommes invincibles ou que la BMRA n’est pas une menace sérieuse. En sortant de HOPE, vous devenez vulnérable et mettez en péril tous vos camarades. C’est intolérable, surtout après le sacrifice de Sidonie.

  • Ok, mais je ne vais pas resté cloitré toute ma vie à supporter tout le monde et ne sortir que quand vous l’aurez décidé, pour aller combattre je ne sais qui !

  • Et pourtant, vous n’avez pas le choix. C’est pour le bien du groupe et de notre cause. Ce n’est rien de personnel, Tobias. Vous avez tout le loisir de créer des liens au sein de HOPE, je n’interdis pas les interactions, je les encourage même.

  • Sauf que la plupart des gens ici ne respirent pas la joie de vivre. Les filles sont casées ou adorent leur célibat, et les gars sont tous un peu instables. Moi, j’ai besoin de voir des gens « normaux », des gens qui ne passent pas leur temps à pirater l’agence la plus dangereuse du monde ou à tirer sur tout ce qui bouge. Je suis jeune, j’ai besoin de contacts !

  • J’ai toujours pensé que chaque génération perdait en intelligence. Aucun doute, la vôtre est devenue aussi bête qu’incapable, à vouloir vivre sans contrainte, comme si tout était facile.

  • Repartez dans le passé avec Sidonie alors, répondit Tobias sèchement.

  • Ne me tentez pas, vous pourriez être du voyage…

  • Je n’ai rien dit…

  • En parlant du passé, je sais ce qui est arrivé à votre famille avant votre départ pour la Fédération Unie.

 

Jane conduisait de manière plus brusque que sa descendante, Illyria. Elle savourait les sensations fortes, doublant les autres véhicules pour le simple plaisir de la vitesse et du temps gagné. Cependant, elle respectait les distances de sécurité, surtout dans les zones surveillées où la police pouvait intervenir. Son faux badge de la BMRA lui offrait une certaine immunité. Après avoir enfin dépassé San Fernando, Tobias, perdu dans ses pensées, reprit la conversation là où elle s’était interrompue. Il se sentait toujours un peu déstabilisé par Jane, qui semblait avoir un coup d’avance sur tout le monde.

  • Que savez-vous exactement sur ma famille ?

  • J’ai connu bien des familles en Europe à travers les siècles. Et il semblerait que vous ayez fait quelques bêtises, jeune homme. Sans parler de ce scandale que vous avez réussi à étouffer… jusqu’à ce que la presse s’en mêle. Quel était son nom, déjà ?

Tobias repensa à cette personne attentionnée dont parlait Jane, qui l’avait épaulé dans un moment crucial. Puis, agacé, il reprit son attitude bougonne face à la cheffe de HOPE.

  • Je n’ai pas envie d’en parler. De toute façon, vous semblez tout savoir avant même que je le découvre moi-même. C’est insupportable !

  • Vous avez peur que vos anciennes erreurs viennent vous rattraper ?

  • Vous aviez promis de ne rien dire !

  • J’ai promis de ne pas dévoiler votre véritable identité, mais rien ne m’interdit de vous parler de votre passé, surtout quand nous sommes seuls.

  • Et ça va changer quoi ? Ma mère savait que moi et mon frère sommes des variants, et elle m'a obligé à lui obéir sans broncher. Quand on m’a balancé, mes parents étaient catastrophés, c’était presque jouissif ! J’ai profité de cette relation, c’était ma première vraie histoire à dix-sept ans. Mais pour eux, ça n’entrait pas dans leurs "plans d’avenir". J'ai refusé de rompre et de me conformer à leurs conneries, alors ils m'ont exilé à NickroN Renaissance il y a trois ans. Je n’oublierai jamais ce type, soi-disant mon géniteur, qui menaçait de m'exécuter avec son flingue si je n'obéissais pas, lança-t-il avec mépris. Quant à mes parents, ils ont dû être ravis de m’écarter pour traumatiser davantage mon petit frère, dit-il, la voix chargée d’émotion.

  • Il vous manque, n'est-ce pas ? demanda Jane.

 

Tobias prit un moment, l’esprit tourné vers son frère Wilhelm, plus jeune de quatre ans, dont l’enfance avait été marquée par une profonde dépression. Un mélange de regret et de rancœur envers ses parents envahissait Tobias.

  • Oui, avoua-t-il difficilement. Mais nos parents nous ont toujours traités comme des pions. Ces salauds ! Je les hais ! Qu’ils crèvent ! s’emporta-t-il.

  • D’autres garçons auraient apprécié la vie que vos parents vous offraient.

  • Connerie ! Je m’en fous de ce que les autres pensent, Jane. Je ne voulais pas de leur vie parfaite, à obéir comme un robot. Je veux effacer mon passé et qu’on me foute la paix !

  • Si vous voulez un conseil, n’embrassez pas la haine ni la vengeance, Tobias. Ces sentiments consument et finissent par vous aveugler. Au lieu de ça, trouvez un but, combattez la BMRA par exemple. Quant à votre famille, inutile de vous inquiéter, je m’en suis déjà chargée.

  • Sérieux ? Vous les avez tués ?

  • Je me renseigne sur beaucoup de choses, mais je n’ai pas ce pouvoir-là. Non, ils sont en vie. J’ai rencontré votre mère il y a bien des années. Elle avait déjà cette soif de pouvoir, mais j’ai remarqué que le doute l’a lentement consumée. J’ai tenté de l’en détourner, mais elle a préféré écouter votre véritable père. C'est moi qui leur ai conseillé de vous envoyer à NickroN, plutôt que de vous interner dans un centre de reconditionnement.

 

​Tobias écarquilla les yeux, abasourdi.

  • Vous... je ne vous avais jamais vue ! C’est vous qui m’avez exilé dans ce pays ?

  • Et je suppose que vous avez su profiter de la vie malgré votre départ de Britannie du Nord. Je vous ai, en quelque sorte, sauvé la vie. Et j’ai brouillé les pistes pour que personne ne puisse vous retrouver. Considérez cela comme un service rendu — vestige d’un lointain instinct maternel... ou d’un simple calcul. Je suis une cheffe de guerre, et en tant que telle, je protège ceux qui me sont loyaux, et qui peuvent m'aider à détruire la BMRA. Rien de plus.

  • Merci, répondit Tobias, la voix teintée de surprise et de gratitude qu’il ne chercha même pas à dissimuler.

***

Aucun mot n'avait été échangé entre Lucas et Hannah durant la majeure partie du trajet. La tension était palpable, et tous deux évitaient de rompre le silence pesant. Hannah, concentrée, tenait fermement le volant d'une main, suivant la route guidée par ses lunettes de réalité augmentée. De temps à autre, Lucas la dévisageait, remarquant ses yeux rougis. Malgré tout, il restait hanté par un mélange de remords et de rancœur.

  • Il faut qu’on parle, s’il te plaît, murmura Hannah d’une voix tremblante.

  • Pour dire quoi ? répondit Lucas, acerbe.

  • Tu m’en veux toujours, et tu as le droit de me haïr, je le sais. Mais... je pensais qu’avec le temps, peut-être que les choses s’arrangeraient. Je t’assure, Lucas, je ne voulais pas te faire de mal. J’ai regretté dès que je t’ai vu devant le restaurant, à Seattle. Je n’avais pas le choix.

  • Vraiment ? Ou encore un mensonge ? demanda-t-il avec méfiance.

  • Non, Lucas, c’est la vérité. Même si tout le monde pense que je suis une menteuse...

 

Lucas détourna le regard, ses mains se crispant.

  • Alors pourquoi m’as-tu drogué et torturé ? Tu ne voyais pas que j’étais terrifié ? Ça aussi, c’était la "mission" ? M’humilier et me faire crever de peur ?!

  • Si, j’ai bien vu... je savais ce que je te faisais. Tu ne peux pas imaginer à quel point je regrette. Tu étais stressé par ce rendez-vous, et je devais te mettre en confiance... Quand j’ai lu tes messages avec Ethan...

  • En plus, tu t’es immiscée dans mes conversations privées ?! C'est... c'est incroyable.

  • Je suis désolée, vraiment. Je devais jouer ce rôle, celui de ce salaud qui voulait te vendre à la BMRA. J’avais refusé, mais Jane ne m'a pas laissé le choix avant notre départ. Elle s'est montrée très... persuasive, tu la connais. Même si je ne te connaissais qu’à travers tes écrits, j’avais appris à t’apprécier. Je devais seulement te ramener dans cette chambre, laisser Sidonie te parler, mais... Sidonie a eu un contretemps, et moi... j’ai paniqué. J'ai improvisé, je n'ai pas su gérer la situation. Je suis désolée.

  • Et la seringue ?

  • Un simple médicament contre les nausées, rien de plus.

Un silence lourd s’installa. Lucas détourna le regard, luttant contre ses émotions.

  • Ce que je n’arrive pas à comprendre, c’est comment tu n’as pas pu simplement m’avouer que tout était faux, un tissu de mensonges.

  • J’ai essayé, Lucas, je t’assure... Sidonie m’avait prévenue que tu devais avoir confiance en nous. Maintenant, je me sens sale de te demander pardon, avoua-t-elle, les larmes coulant sur ses joues pâles.

 

​Lucas détourna les yeux, la gorge serrée.

  • Toute ma vie, j’en ai bavé. Mon père... il a été tué quand j’avais quatorze ans, ma mère capturée. Je croyais qu’elle était morte. J’ai fui vers la Fédération Unie, mais... là-bas, j'ai été pris au piège, ce... ce type m’a kidnappé. Il..., s’étouffa Lucas.

  • On n'est pas obligés d’en parler, Lucas, murmura Hannah

  • Oui, c'est mieux comme ça. Je ne sais même pas si je pourrais te refaire confiance un jour.

 

Hannah hocha la tête, un air de tristesse résigné sur le visage.

  • Je comprends... et je n’ai jamais voulu te mettre mal à l’aise. Mais la trahison de Sarah a tout ravivé pour toi, n’est-ce pas ?

  • Oui, répondit-il en soupirant, la douleur visible dans son regard. Cette angoisse, elle me hante depuis des années. Jane et les autres variants m’ont sauvé, mais il m’a fallu des années pour... pour retrouver un semblant de paix. Puis Ludovik, mon demi-frère, m’a poussé à sortir des ordres de Jane, de ma famille. Mais ils sont tous pareils, tu comprends ? Même lui, il me surveillait... je ne supportais plus cette emprise. Et quand je suis retourné à NickroN, trois ans plus tard, il a été détruit... C’est Sidonie qui m’a prévenu, et je n’ai pas pu laisser Tobias derrière moi. Je voulais qu’il survive. Alors oui, ma vie n’est qu’une suite d’échecs, de sauvetages, de... pathétique. Je suis un type qu'on doit constamment sauver parce que je ne sais pas m'en sortir seul.

 

Hannah retira son casque et le regarda avec une compassion sincère. Elle hésita, comme si elle voulait lui prendre la main pour le rassurer.

  • Ne dis pas ça, Lucas. Tu as sauvé Tobias, tu nous as protégés à Epsilon. Ça compte, tout ça.

  • Peut-être... mais la peur m’empoisonne depuis trop longtemps. La solitude m’a rongé, tu sais. J’ai tenté de rencontrer d’autres personnes, une erreur, au final. Quand Jane m’a dit qu’Ethan comptait me livrer à la BMRA... j’ai compris que, malgré tout, vous aviez veillé sur moi.

  • C’est grâce à Sidonie, oui. Je lui fais confiance, comme j’aimerais que tu puisses retrouver la tienne envers moi, un jour.

 

Un silence pesant s’installa. Lucas hésita, mais une question lui brûlait encore les lèvres, une question laissée en suspens depuis le soir où Sarah avait été supprimée.

  • Hannah, que s’est-il vraiment passé avec ton ex ? demanda-t-il finalement, presque à contrecœur.

 

Elle sembla se raidir, mais finit par répondre, sa voix empreinte d'une douleur contenue.

  • Tu lui ressembles tellement, physiquement seulement, répondit-elle avec une note amère. Pendant mes études, Kévin et moi vivions un amour parfait... jusqu’à ce que ma sœur Christelle lui révèle que j'étais une variante. Je ne sais pas comment elle l’a su. Seuls mes parents connaissaient ma condition, et ils m’avaient promis de garder le secret. Je revois encore le regard cruel de Kévin, Christelle à ses côtés, quand il m’a avoué m’avoir dénoncée pour elle. Ils riaient en me pointant du doigt, comme si je n'étais plus qu'une chose à leurs yeux.

  • Putain, quel enfoiré... souffla Lucas, bouleversé. Je suis désolé. Je... je n’en savais rien.

  • Merci, mais ce n’est pas ta faute, Lucas. Juste avant que la BMRA ne m’emmène, Jane est venue avec deux variants pour m’offrir le choix que je t’ai imposé, en quelque sorte. Rejoindre HOPE, ou mourir. Plus tard, j’ai eu la folie d’appeler Kévin. Il m’a dit qu'il m’aimait toujours, sans une once de remords. Encore un mensonge. Une erreur d'avoir cherché des explications. Mais aujourd'hui, je peux aller de l'avant.

 

Lucas baissa les yeux, méditant chaque mot.

  • Je comprends, murmura-t-il. Mais je ne suis pas lui, Hannah.

  • Oh non, tu es quelqu'un de formidable Lucas, répondit-elle avec douceur, une lueur d'espoir dans le regard. Je crois que tu te tortures trop intérieurement. Je ne suis pas parfaite et je suis sans doute trop optimiste ou naïve. Je sais que… je voudrai te dire ce que j’ai sur le cœur Lucas… J’ai peur de ta réaction.

  • C’est mieux de me le dire, répondit-il doucement.

 

Elle prit une profonde inspiration, et baissa les yeux.

  • J’ai des sentiments pour toi, Lucas. Pas comme un petit ami, mais... quelque chose de plus fort, comme une amitié profonde.

 

Lucas ne dit rien, le poids de ses propres émotions rendant sa réponse difficile. Hannah commençait à penser que tout était terminé entre eux, mais au bout de quelques instants, il brisa enfin le silence.

  • Je ne sais pas quoi dire, Hannah. Ma mère m’a toujours dit de ne pas être ingrat quand on te tend la main. Alors, merci. Pour tout ce que tu as fait pour moi, toi et Sidonie. Vous m’avez sauvé, et même si j’aurais préféré que Martha soit là aussi... Laisse-moi juste du temps. C’est tout ce que je peux te promettre.

  • Merci, Lucas, murmura-t-elle, soulagée.

 

Ses yeux s’illuminèrent légèrement, et elle remit ses lunettes, dissimulant mal la lueur d’espoir qui renaissait en elle. Lucas remarqua qu’elle se pinçait les lèvres pour contenir ses émotions, tandis que des larmes continuaient de couler doucement. Elle les essuya plusieurs fois avec sa manche, et il sentit un poids se lever de son esprit, un apaisement qu’il n’avait pas ressenti depuis longtemps.

Il avait pris la bonne décision. L’amertume qui le rongeait s’éloignait peu à peu. Hannah n’avait pas à porter le fardeau de toutes les horreurs qu’il avait traversées, ni de ses échecs passés. Malgré le traumatisme et la rancœur, leur amitié restait plus forte. En silence, il pensa à Sidonie, qui, de son côté, continuait de veiller sur Kahlan. Un regret sourd monta en lui : celui de ne pas avoir su l'épauler davantage, elle aussi, dans ses épreuves.

***

La tension s'intensifiait pour Tobias, qui ne comprenait toujours pas les intentions de Jane à propos de ce voyage, ni pourquoi elle revenait sans cesse sur des souvenirs douloureux de son passé. Incapable de lire dans ses pensées à cause du bandeau anti-télépathie qu'il portait, il finit par céder à sa curiosité.

  • Pourquoi on doit se rendre au site Mu ?

  • J’ai besoin de savoir pourquoi Walter ne revient pas à HOPE, et je m’attends aussi à ce qu'elle me fasse un sermon pour les récents événements.

  • Par "elle", vous voulez dire qu’on va vous virer ?

  • C’est ce que vous voudriez, Tobias ?

  • Je l’admets, ça m’arrangerait... Mais avec notre chance, la prochaine pourrait être pire que vous, plaisanta-t-il à demi.

  • C’est possible, surtout si vous aimez la vie militaire. En comparaison, je suis un ange. Tout a un prix dans ce monde, et je ne vous l’apprends pas, ajouta-t-elle en haussant un sourcil. Yrsa Delacroix, la directrice ici, m’a toujours soutenue dans ce projet, malgré nos différences d’opinions. Nous étions même amies, autrefois.

 

​Tobias soupira, se tournant vers la fenêtre, visiblement agacé.

  • Encore des heures de palabres... Super le plan foireux, marmonna-t-il.

  • Nous ne sommes pas seuls, jeune homme.

  • Sauf votre respect, Lucas est ennuyant comme pas possible et Hannah n’est jamais loin de lui. Enfin, plus maintenant, on dirait... Peut-être que j’ai mes chances avec elle, non ?

 

Jane réprima un sourire.

  • J’en doute sincèrement, Tobias. Vous avez un don pour attirer les ennuis. Évitez de vous en créer de nouveaux, et j’espère que vous n'avez pas oublié...

  • Oui, oui, je sais...

  • Bien. Nous allons arriver, restez concentré.

 

Ils roulèrent en silence jusqu'à l’arrivée, Tobias paraissant légèrement penaud à la réponse de Jane, mais le mystère restait entier. De quoi parlait-elle ? Seuls eux deux semblaient comprendre.

En peu de temps, ils furent face au portail d’une imposante école privée, guidés par les panneaux de signalisation lumineux recouverts de neige. Golden Valley School semblait un endroit improbable pour une section du projet HOPE, et aucun soupçon des autorités ou de la BMRA n’avait jamais pesé sur ce site. Tout y était minutieusement organisé pour passer inaperçu. Les lourdes grilles de fer s’ouvrirent automatiquement, les accueillant dans une ambiance glaciale et calme. Des arbres centenaires bordaient le sentier vers le bâtiment, leurs branches ployant sous une neige récente et dense. En sortant des véhicules, ils ressentirent immédiatement le poids d’un silence oppressant.

Face à la bâtisse imposante, aux fenêtres sombres et menaçantes, Tobias sentit une vague de malaise l’envahir.

La directrice, Yrsa Delacroix, se tenait devant la porte d’entrée, le visage impassible. D’une soixantaine d’années, cette femme à l’apparence bienveillante appartenait à une branche activiste de HOPE, privilégiant l’action directe et violente aux infiltrations plus subtiles de Jane. Elle possédait un don d’ubiquité astrale, lui permettant de se dédoubler temporairement dans un autre lieu par la pensée. Malgré son air amical, Tobias sentait chez elle une détermination froide et calculatrice.

Yrsa fixait le groupe avec un sourire finement poli, mais son visage était austère. Cette femme d’origine islandaise, divorcée d’un français, plutôt grande, attendait Jane en haut des escaliers, vêtue d’une chaude veste d’hiver en raison du froid glacial qui avait figé la nature.

  • Chère comtesse, jeunes gens, je ne m’attendais pas à vous voir si tôt, s’exclama Yrsa sans s’avancer pour serrer la main de Jane.

  • Arriver en avance a parfois ses avantages, ma chère Yrsa, répondit Jane en hochant la tête. Merci de nous accueillir. Je m’étonne seulement de votre non-présence.

 

Hannah, Lucas et Tobias ne comprenaient pas où Jane voulait en venir. 

  • Avec ce qui vous est arrivé, je pensais que vous préfèreriez rester dans votre section, répliqua Yrsa, éludant la remarque.

  • Je crois que vous me sous-estimez, riposta Jane avec un demi-sourire. Voici Edward, Pixy et Omaël, qui m’accompagnent.

 

Les jeunes variants firent un signe de tête respectueux, frissonnant légèrement dans le froid tandis qu'une tempête de neige approchait.

  • Enchantée de faire votre connaissance, jeunes gens, dit Yrsa en les observant. Entrons vite. Vous apprécierez une bonne tasse de thé pour vous réchauffer.

 

Dans le grand hall désert de l’école, Jane ressentit un mélange de nostalgie et d’appréhension. Le silence pesant, entrecoupé de bruits sourds impossibles à identifier, la ramenait à l’époque où elle avait vécu au refuge de NickroN. Tandis qu’ils avançaient, Yrsa leur montrait le chemin avec une certaine insistance, leur laissant passer chaque porte en premier. Les couloirs, faiblement éclairés et encombrés de meubles en bois et de tapis lourds, créaient une atmosphère lugubre.

Une fois dans le grand salon, baigné par la chaleur d’un feu crépitant, Yrsa les invita à se détendre et à prendre un thé ou un café. Jane et Hannah préparèrent rapidement des tasses de thé brûlant tandis que Tobias et Lucas, fidèles à leurs habitudes, optèrent pour un café bien corsé. Assis autour de la cheminée, les jeunes variants observaient avec intérêt les détails de la pièce, décorée avec un goût prononcé pour l’ancien.

Après les avoir installés, Yrsa invita Jane dans son bureau, un espace cossu où les boiseries, les étagères remplies de livres, et quelques objets d’un autre temps ajoutaient une touche de mystère. Assises devant le bureau en merisier, les deux femmes échangèrent d’abord quelques banalités. Dans le salon, Tobias se levait régulièrement pour inspecter les photos et trophées, attisant la méfiance de Lucas, qui le surveillait discrètement. Hannah, quant à elle, échangeait des informations avec HOPE pour faire un point de situation.

Dans le bureau, Yrsa jeta un coup d’œil en direction de Lucas, observant ce jeune homme qui, d’un regard vif, suivait les déplacements de son camarade.

  • Vous ne m’aviez pas dit que ce jeune homme était votre descendant direct, remarqua-t-elle en indiquant Lucas d’un geste du menton. Charmant, je dois l’admettre.

  • Rien ne vous échappe, Yrsa. Vous avez bonne mémoire, sourit Jane, sans pour autant se détendre.

  • Quant à l’autre, j’ai l’impression de l’avoir déjà vu, ajouta-t-elle, les yeux plissés.

  • Ils finissent par tous se ressembler, répondit Jane, d’un ton neutre. Mais allons droit au but. Je doute que vous m’ayez fait venir en pleine tempête, avec tous les risques que cela comporte, pour parler de ma famille.

 

Le visage d'Yrsa se fit plus grave.

  • Vous avez raison. Malheureusement, j’ai de mauvaises nouvelles concernant Walter. Il est toujours trop faible pour reprendre du service avec vous.

  • C’est-à-dire ? demanda Jane en fronçant les sourcils, le ton inquiet.

  • Il n’a pas récupéré, et le collectif a pris une décision : plusieurs changements vont être opérés dans votre section. Ils estiment que vos choix sont devenus trop risqués ces dernières semaines.

 

Jane sentit une colère sourde monter en elle. Le "collectif" – cette assemblée de chefs de section qui surveillaient de près les opérations du Projet HOPE – remettait en question ses décisions. Depuis qu’elle avait refusé de gérer les missions depuis un quartier sécurisé, le collectif s'était scindé en factions, certaines soutenant des approches violentes, d’autres préférant la discrétion et l’infiltration. Elle savait que tout chef de section pouvait être remplacé si la majorité l’exigeait, mais cette remise en cause lui paraissait injuste et infondée.

 

Les mots de la cheffe de section raisonnaient comme des échos d'accusations voilées, nourries par des mois de tensions entre les factions du Projet HOPE.

Piquée au vif, Jane essaya de maîtriser son irritation.

  • De quels choix parlez-vous au juste ? lança Jane avec un sarcasme glacial. Je suis venue ici pour des réponses, pas pour une leçon de morale, encore moins de votre part.

  • Jane, tout le monde est à cran, ce n'est pas une nouveauté. Nous savons tous que la BMRA prépare une offensive majeure. Les événements d'Epsilon en sont la preuve. Votre section, Alpha, est infiltrée jusqu’à la moelle, et cela ne vous ressemble pas, poursuivit-elle, laissant planer une pointe de reproche. Et puis, qui vous dit que vous n’êtes pas déjà suivie ou compromise en venant ici ?

 

Jane inspira profondément, luttant contre la montée de la rage. Yrsa, quant à elle, restait impassible, les bras croisés, le regard froid et calculateur.

  • C’est tout ? Vous pensez vraiment que j’ai traversé ce froid glacial pour subir un jugement comme une élève ayant échoué à un examen ? Je suis déçue, Yrsa. La facilité, c’est de céder à la peur. Et vous l'avez choisie.

  • La facilité ? C’est là où vous vous trompez, Jane, répondit Yrsa avec une dureté égale. Ce rôle ne me plaît guère, vous le savez. Je préfère l’action aux palabres inutiles. Mais si l’on veut survivre, il faut faire des choix pragmatiques. J'ai vu trop de sang et de vies brisées pour m'attacher à des idéaux creux.

 

Jane dévisagea Yrsa avec un mépris palpable.

  • Voilà ce qui nous sépare, Yrsa. Pour vous, les variants que nous recueillons ne sont que des soldats, mais pour moi, ce sont mes frères d'arme, comme ma famille. Je refuse de les sacrifier aveuglément. Si nous en arrivons là, nous ne vaudrons pas mieux que ceux que nous combattons. Nous ne sommes pas des monstres !

  • Et tous ces mutants abandonnés, Jane ? Qu'en faites-vous ? demanda Yrsa d’une voix acide. Ce sont mes « soldats » qui ont retrouvé Walter, ce sont eux qui risquent leur vie chaque jour.

 

​Jane secoua la tête, refusant de se laisser atteindre par ces paroles. Elle savait ce que ses choix impliquaient et n’en démordrait pas.

  • Vous parlez de sacrifices, mais avez-vous oublié NickroN ? Les horreurs qui s'y sont déroulées, deux fois en dix ans ? Ces créatures qui grouillent dans les égouts, résultat des expériences de la BMRA… Imaginez les ravages si le public venait à apprendre leur existence ! Et nous en paierions le prix.

  • Peut-être, ou peut-être pas, répliqua Yrsa avec un sourire cynique. Nous n’avons pas les ressources pour corriger chaque injustice. À un moment, il faut choisir : soit on s’impose, soit on subit. Mais il faut accepter le changement, Jane.

  • S’imposer ? Vous croyez que la violence apportera la paix ? Tant d’autres ont tenté de gouverner, de dominer… et ils ont échoué, laissant le chaos derrière eux. Ce que nous avons bâti ici n’a de sens que si nous maintenons notre humanité, Yrsa, répondit Jane, sa voix faiblissant sous le poids de la lassitude. Ce n’est pas en provoquant des bains de sang que nous obtiendrons le respect.

 

Yrsa haussa les épaules, un brin d'ironie dans le regard.

  • La plupart des chefs pensent différemment. Mais je crois que vous avez déjà pris votre décision, n’est-ce pas ? Vous êtes restée fidèle à votre ligne, malgré tout.

  • En réclamant sans cesse du changement, on finit par ne plus savoir où l’on va… Bien, je veux voir Walter.

  • Ce sera compliqué, Jane. Il a besoin de repos, et…

  • Je n’en ai cure, Yrsa. Menez-moi à lui.

 

Après un moment de silence, Yrsa finit par acquiescer.

  • Très bien. Mais sachez que le collectif a statué : Walter ne pourra pas revenir à HOPE pour l’instant.

  • Vous plaisantez, j'espère, rétorqua Jane, incrédule.

  • Certains chefs craignent vos réactions, Jane.

  • L’humanité dans toute sa splendeur, non ? conclut-elle avec un sourire las.

 

***

 

Tobias commençait à trouver le temps long, arpentant la pièce qu’il partageait avec Hannah et Lucas. Le ton de l’échange entre Jane et Yrsa s’était nettement alourdi, et une tension palpable flottait dans l’air.

Il remarqua que ses deux camarades ne semblaient plus s’éviter, contrairement aux jours précédents. S’installant entre Hannah et Lucas, le Suédois chercha à lancer une conversation, oubliant un instant qu’ils étaient en mission en dehors de HOPE.

  • Pourquoi on est venu ici ? demanda-t-il en soupirant.

 

Personne ne lui répondit. Hannah était absorbée dans la liaison avec HOPE, et Tobias ne supportait pas le silence. Il relança, sans se démonter.

  • Quelle poisse de me retrouver avec vous deux ! Les seuls variants capables de vous faire mourir d’ennui…

  • Tu vas nous gonfler encore longtemps ? T’avais qu’à rester dans la voiture, répondit Lucas, visiblement irrité.

  • Pour me geler ? T’es con ou quoi ?

 

Lucas, agacé, se leva, prêt à en découdre, mais Hannah intervint rapidement pour calmer le jeu.

  • C’est quoi ton problème ? demanda-t-elle à Tobias.

  • Oh, je vois, tu défends ton petit copain…

  • On est en mission ! s’agaça-t-elle, tentant de garder son calme.

  • C'est quoi cette mission pourrie, à part attendre ? Bon, c’est décidé, je me casse, répondit Tobias d’un ton désinvolte.

  • Non, répliqua Hannah, d’un ton ferme.

  • Non ?

  • Je t’ai dit non. Tu restes ici avec nous. Jane nous a demandé de ne pas nous éloigner, c’est clair ?

  • Pff… Et j’imagine que c’est interdit d’aller pisser pendant une mission…

  • Laisse-le partir, c'est un petit con, lâcha Lucas avec dédain.

 

D’un pas nonchalant, Tobias se dirigea vers la porte. Avant qu’il ne l’atteigne, celle-ci s’ouvrit brusquement sur un homme imposant, à la peau sombre et aux épaules larges. Ses cheveux argentés, coiffés en arrière sur le sommet de sa tête, étaient rasés sur les côtés, et une barbe assortie encadrait son visage carré. Ses yeux, tatoués d’un vert émeraude, lançaient un regard perçant et dérangeant sur l’équipe de HOPE. Vêtu d’une combinaison noire, semblable à celles des militaires, il dégageait une aura de sérieux et de détermination.

L’inconnu scruta Tobias avec méfiance, le poussant instinctivement à reculer. La puissance brute émanant de cet homme aurait pu le réduire en un geste. Il promena son regard sur chaque membre de l’équipe, et un silence pesant s’installa, paralysant Lucas et Hannah.

  • Vous êtes qui ?! lança-t-il d’une voix rauque et grave.

  • Je m’appelle Pixy, et lui, c’est Omaël… répondit Hannah, tentant de garder son calme.

  • Et toi, morveux ? aboya l’homme en direction de Tobias.

  • Hé ! T’as un problème ?!

  • Tu vas en avoir un si tu cherches des embrouilles avec tes copains. Qu’est-ce que vous foutez ici ?!

  • Nous avons ordre d’attendre que notre responsable, Ann Sinclair, termine sa réunion avec Mme Delacroix, répondit Hannah.

  • Ah, vous voilà, Tristan. Rentrez, ordonna Yrsa, se tenant dans l’encadrement de la porte de son bureau.

 

Tristan, le chef des opérations spéciales de cette section, inspira un respect évident de la part d’Yrsa. Tobias nota la fierté qu’elle semblait éprouver pour cet allié de circonstance. Tristan, nourri d’une haine féroce envers la BMRA, ne reculait devant rien pour abattre chaque agent de l’agence sur son passage. Ancien militaire, expert en projectiles et armes blanches, il avait un talent rare pour infliger des souffrances atroces à ses cibles avec n’importe quel objet. Même ses immenses mains, capables d’empoigner un crâne, semblaient des armes en elles-mêmes, songea Tobias.

Dans le passé, la comtesse de Roselys avait refusé que Tristan rejoigne HOPE, jugeant sa soif de vengeance incontrôlable. Elle rappela que cet homme avait exterminé une trentaine de miliciens venus l’arrêter après l’assassinat de sa famille. Elle savait que la BMRA avait orchestré ce massacre pour éliminer l’ancien membre des Forces Armées spéciales. Son seul crime avait été d’aimer une femme variante, ce que les services de la BMRA ne pouvaient tolérer dans l’armée américaine. Si la légitimité de sa vengeance pouvait être admise, la violence inouïe de ses actes le rendait indésirable dans la plupart des sections. Certains pensaient même qu’il avait influencé le changement de tempérament d’Yrsa Delacroix. Contre toute attente, Tristan était un humain, dépourvu de toute mutation biologique.

L’homme, âgé d’une trentaine d’années, dévisagea Jane sans la moindre expression, avant de se placer aux côtés d’Yrsa, tel un soldat en attente d’instructions. Jane nota le tatouage vert émeraude dans les yeux de Tristan. À cette époque, beaucoup de personnes optaient pour ce type de modifications permanentes, changeant la couleur de leurs yeux pour affirmer leur style.

  • Voici Tristan Harker, alias Finn. Il est mon meilleur élément…

  • Je connais monsieur Harker, intervint Jane. Sa réputation le précède…

  • Je ne peux pas en dire autant de la vôtre, grogna Tristan avec défi. Sa voix grave et déterminée ne sembla pas ébranler Jane le moins du monde.

  • Peu m’importe ce que vous pensez de moi, soldat.

  • Ahem. Parlez-moi plutôt de cette Sidonie, reprit Yrsa. D’après votre rapport, sans elle, votre section aurait été anéantie, et l’intelligence artificielle HOPE serait désormais aux mains de notre ennemi mortel.

  • Je ne peux le nier, répondit Jane calmement.

  • Croyez-vous vraiment qu’il soit sage de laisser une variante capable de manipuler le temps faire de telles « modifications » ? questionna Yrsa.

  • Elle sait ce qu’elle fait. Grâce à elle, notre section est sauve, et le traître a été éliminé.

  • Certes, elle pourrait être utile. Mais d’après les rapports, son instabilité psychologique semble exacerbée par son don. Cela fait d’elle une cible privilégiée pour la BMRA.

  • Comme nous tous, Yrsa. Je préfère la savoir avec moi plutôt que livrée à elle-même, poursuivie puis capturée par l'agence, qui pourrait ensuite changer le passé. Cela ne doit pas arriver !

  • Sans doute. Mais un tel atout pourrait aussi devenir notre perte. La neutralisation de Sidonie Wallorn nous éviterait de la voir passer à l’ennemi, vous en conviendrez ?

  • Soyons clairs : il en est hors de question. J’ai une confiance totale en Sidonie, et cela devrait vous suffire. Elle n’est pas qu’une arme pour affronter nos ennemis…

  • Vous avez échoué, intervint Tristan sèchement. Les années vous ont rendue sentimentale, madame.

  • En quoi cela vous regarde ? répliqua Jane, le défiant du regard. L’assurance de la réponse amusa Tristan, qui ne baissa pas les yeux.

  • Quoi ? Ça vous énerve ? Je vais le répéter plus clairement : vous avez échoué si un traître a pu infiltrer votre section et la dévaster presque entièrement, lança-t-il de sa voix grave.

  • Il est facile de juger quand on ne connaît qu’une partie de la vérité. Yrsa, je ne vais pas tolérer que ce rustre me parle de cette façon. Tempérez votre agent.

  • Tristan, s’il vous plaît. Montrez-vous plus courtois envers notre invitée, ordonna Yrsa.

  • Je ne suis pas courtois avec les incompétents, cheffe. Vous savez ce que je pense, je ne mâche pas mes mots. Mais puisque je dois aller à HOPE, je veillerai à relever le niveau de ces amateurs.

  • Parfait, conclut Yrsa, visiblement satisfaite.

 

Jane fusilla Tristan du regard, tandis qu’Yrsa savourait la tension palpable entre les deux fortes têtes. La directrice de HOPE percevait qu’Yrsa avait orchestré cette confrontation pour la faire plier, tentant de bafouer son autorité et sa doctrine modérée.

  • Est-ce une plaisanterie ? demanda Jane, se tournant vers Yrsa.

  • On ne plaisante jamais ici, répondit Tristan.

  • Yrsa, vous vous moquez de moi ? Je n’y crois pas !

  • Non, Jane, dit Yrsa d’un ton posé. Je vous confirme que Tristan va vous accompagner pour surveiller votre équipe, assurer la sécurité et vous soutenir. Il est temps de revoir certaines méthodes et de planifier des actions concrètes. Vos résultats sont faibles depuis plusieurs semaines. Vous avez perdu trop de temps à rechercher votre descendant et vous avez frôlé la capture à Los Angeles. De plus, vos relations avec vos protégés semblent nuire à votre capacité à diriger…

  • Comment osez-vous ! Je n’ai pas de comptes à vous rendre quant à mes choix, Yrsa. Vous oubliez à qui vous parlez ? C’est moi qui ai initié ce projet et maintenu notre espoir depuis la chute de NickroN Renaissance il y a trois ans. Et maintenant, vous manigancez pour m’imposer cet homme dangereux ? Et si je refuse ?

  • Votre section sera dissoute, répondit Yrsa calmement.

  • Vous me menacez en plus ! s’exclama Jane en frappant le bureau du poing.

  • Je ne fais que vous informer de la décision de la majorité des chefs de section. Je reconnais que vous avez montré la voie et que vous êtes l’origine de notre mouvement. Personne ne conteste cela, mais cela ne vous octroie aucun passe-droit. Certains éléments mettent tous nos efforts en péril, et il est de notre devoir d’y remédier. Tristan vous accompagnera, que cela vous plaise ou non.

  • Si je dois supporter votre présence, lança-t-elle à Tristan, comment puis-je être sûre que vous ne tuerez pas mon équipe une fois à HOPE ?

  • Je ne tue que ceux qui se dressent sur mon chemin ou qui servent la BMRA. Mais vu le niveau des petits branleurs qui vous accompagnent, je crois que ma présence est plus que nécessaire pour remettre de l’ordre dans le site Alpha.

 

Jane dissimulait difficilement sa colère, fixant Yrsa d'un regard ferme et intransigeant. Elle connaissait les règles du mouvement qu’elle avait elle-même fondé : chaque membre pouvait être démis de ses fonctions en cas de crise, ou si la sécurité collective semblait compromise. Les règles du jeu étaient claires. Résignée, Jane comprit qu’elle n’avait pas d’autre choix.

  • Vous en supporterez les conséquences, Yrsa. Et j’aimerais aussi savoir pourquoi cet endroit est désert, ainsi que la raison pour laquelle vous avez préféré utiliser votre don astral pour éviter d’être ici en personne !

  • Mes réserves sur votre gestion ont nécessité cette précaution, répondit Yrsa calmement. J’avais des craintes pour la sécurité de mon groupe. Tristan, lui, s'est porté volontaire, malgré les risques. Vous avez de la chance : c'est un élément de grande valeur qui vous rejoint.

  • Puisque vous allez intégrer mon équipe, reprit Jane en fixant Tristan, montrez-moi où trouver Walter Penfrom. C'est la seule chose qui m'importe. Refusez, et je saurai me montrer persuasive.

 

Tristan consulta du regard Yrsa, qui acquiesça. Ce simple geste surprit Jane, mais n’apaisa en rien sa fureur. Ses yeux laissaient transparaître sa rage, et elle se résolut à parler sans détour avec son ancienne amie et collègue.

  • J’espère que vous avez apprécié cette pitoyable manœuvre, Yrsa. Vous avez dû vous en délecter. Je vous savais ambitieuse, mais pas au point de trahir vos propres alliés. Je ne l’oublierai pas, je vous le promets.

  • Ne vous formalisez pas, Jane. Je n’aimerais pas que vous perdiez pied… encore une fois.

 

Jane sortit de la pièce avec une détermination féroce, suivie de son équipe à un rythme soutenu. Elle se dirigea vers le hall, où ils attendraient que Tristan les mène à Walter. Lucas, tendu, observait nerveusement les alentours, un léger frisson parcourant son échine. Son catalyseur fermement en main, il était prêt à intervenir si nécessaire. Tous s’étaient préparés, enfilant bonnets, gants et vestes pour affronter la tempête qui faisait rage dehors.

Dans le hall, Jane arpentait les lieux, visiblement agitée. Personne n’osa l’interrompre pour lui demander ce qui s’était passé dans le bureau. Après une profonde inspiration, elle se frotta les yeux fatigués et alluma une cigarette, tentant de retrouver son calme. Dehors, le vent hurlait, s’acharnant contre les fenêtres et la grande porte d’entrée.

  • J’ai une mauvaise nouvelle et une autre encore pire, annonça-t-elle à ses protégés.

  • Que voulez-vous dire, madame ? demanda Hannah, inquiète.

  • La mauvaise nouvelle est que nous risquons d’être coincés ici à cause de la tempête de neige qui approche. Espérons qu’Yrsa sera assez hospitalière malgré notre échange.

  • Elle vous a virée ? intervint Tobias, surpris.

  • Pas exactement.

  • Et la nouvelle catastrophique ? osa-t-il.

  • Vous vous souvenez de l’homme qui est venu ? Il s’appelle Tristan. Ils jugent que je ne suis plus assez compétente pour diriger HOPE, alors il vient inspecter le site Alpha et « remonter le niveau ».

  • Bon sang… lâcha Hannah, clairement contrariée par cette annonce, connaissant les rumeurs sur Tristan Harker.

  • Ce dingue ? On dirait un tueur en série ! ajouta Tobias, sidéré.

  • C’est à peu près ça, malheureusement, concéda Jane avec gravité, ce qui fit blêmir Tobias.

  • Pourquoi lui ? demanda Lucas.

  • Selon eux, mes choix et mes actions passées ne suffisent plus. Voilà pourquoi Walter ne pourra pas rentrer avec nous. Peu importe, ils ont oublié à qui ils ont affaire. Personne ne m'empêchera de le voir, car il fait partie de notre groupe. Un conseil à vous trois : ne jouez pas les effrontés avec Tristan. Contrairement à moi, il n’a aucune patience, et il ne se contente pas de simples mots. Considérez-vous prévenus.

 

La simple idée que Tristan prenne part à HOPE troublait profondément Tobias, Lucas et Hannah. Leur bref échange avec lui avait suffi à semer le doute : le site Alpha ne serait plus aussi accueillant ni aussi serein sous sa supervision. L’atmosphère devenait de plus en plus oppressante, et soudain, un froid anormal envahit le hall, tandis que les lumières clignotaient sans cesse. Ce phénomène accentuait le malaise et renforçait l’étrangeté du lieu désert.

Lucas, tout aussi troublé, s’approcha discrètement de Jane, veillant à ne pas élever la voix.

  • Parle, mon fils. Que se passe-t-il ?

  • Je trouve étrange qu’il n’y ait personne dans un internat de ce genre, avoua Lucas.

  • Étrange en effet, tu as raison. C’est aussi ce qui m’a frappée, et Yrsa n’a pas répondu à ce sujet. J’ai également remarqué un détail insignifiant qui s’est glissé dans mon esprit. Restez vigilants, tous les trois. Être sur un autre site ne nous garantit aucune sécurité. Tobias, enlevez votre bandeau anti-télépathie quand vous verrez quelqu’un afin qu’on puisse savoir ce qu’ils pensent réellement. Et vous, Hannah, gardez vos armes prêtes… 

  • Compris, madame.

 

***

 

Après une attente d'une trentaine de minutes, Tristan ouvrit une porte et s'approcha du groupe avec un sac sur l'épaule. Il le déposa sur un banc et fit signe à Jane de le suivre. Jane donna alors l'ordre à ses protégés de se mettre en marche, provoquant un bref échange tendu avec Tristan. Malgré plusieurs tentatives pour contacter Yrsa sans succès, Tristan finit par consentir à ce que la comtesse soit accompagnée de son équipe.

Ils avancèrent dans les couloirs déserts et glacés pendant plusieurs minutes, le silence pesant et l'absence de toute présence humaine suscitant une inquiétude grandissante au sein du groupe.

Soudain, un bruit lointain, semblable à des portes qui s'ouvraient, fit stopper net le groupe avant qu’ils n'atteignent une grande ouverture menant aux dortoirs des garçons. Jane et Tristan trouvèrent cela suspect ; ils s’attendaient à davantage d’activité dans cet endroit.

Ils franchirent la porte, et une odeur poisseuse les envahit aussitôt. Tous s’arrêtèrent net. Tristan saisit son arme à feu et adopta une posture de combat. Lucas, surpris, activa son catalyseur métallique, tandis qu’Hannah dégainait son pistolet et se plaçait en retrait avec Tobias. Leurs regards se posèrent sur une large traînée de sang maculant le sol, comme si un corps avait été traîné à travers la pièce. Des empreintes de pas récentes marquaient la surface ensanglantée, et la quantité de liquide répandu laissait peu d’espoir de survie pour la personne concernée. Tobias sentit le stress monter, alors que Lucas parvenait à garder son calme.

  • C’est quoi ce merdier l ! jura Tristan en éclairant le sang avec sa torche.

  • Je suppose qu’Yrsa s’est bien gardée de vous mentionner ce détail, ironisa Jane en sortant elle aussi son arme de poing.

  • Mais putain, c’est quoi tout ce sang ! s’écria Tobias, paniqué.

  • Silence ! ordonna Jane d'une voix ferme. Avançons tous ensemble.

Elle se rendit rapidement compte, avec les autres membres du groupe, que ces traces les menaient à une porte située au fond du long couloir. Les murs étaient maculés d'empreintes de mains ensanglantées, témoignant d'une lutte violente. C’était une scène horrible. Que s’était-il passé ici ? Tristan, comme les autres, découvrait le carnage avec appréhension, prêt à réagir à la moindre menace. Il prit la tête de l’avancée, scrutant chaque recoin avec prudence. Hannah sortit une autre arme et la tendit à Tobias, qui semblait déconcerté. Jamais il n’avait utilisé d’arme auparavant et paraissait terrifié à l'idée d'affronter un danger aussi monstrueux. Jane fit signe au groupe de se taire, puis se positionna derrière eux pour surveiller leurs arrières, une impression de déjà-vu l’envahissant.

Tristan remarqua des traces de matière organique, semblable à des viscères, sur le sol. L’odeur de sang saturait l’air, amplifiant l’angoisse palpable du groupe. Seuls lui et Jane semblaient garder leur sang-froid, probablement en raison de leurs expériences passées dans des situations similaires. Le silence fut soudain rompu par des coups frappés sur une porte, puis d’autres, provoquant un sursaut général. Qui pouvait être là ? Leurs cœurs battaient à tout rompre.

En passant devant une chambre ouverte, ils remarquèrent une traînée de sang partant du lit pour rejoindre le couloir principal. Un rapide coup d'œil à l'intérieur confirma qu’il n’y avait personne.

La quantité de sang répandue sur le sol les força à ralentir leur marche pour éviter de glisser. Chaque seconde s'étirait, alourdissant l’angoisse croissante. Enfin, ils atteignirent une porte fermée à clé. Tristan tenta de tourner la poignée, sans succès. D’un coup d’épaule violent, il fit céder la porte, révélant Walter, inconscient sur un lit. Jane s’approcha de lui et, en vérifiant son pouls, constata qu’il respirait encore. Elle lança un regard insistant à Tobias, lui indiquant d'essayer de réveiller Walter par télépathie. Walter ne semblait pas blessé, du moins en apparence. Tristan referma la porte et la bloqua avec un meuble, au cas où quelque chose ou quelqu’un tenterait de pénétrer dans la pièce.

  • Bravo pour la discrétion, Tristan. Ils vont nous repérer ! s’énerva Jane.

  • Il faut se barrer d’ici ! pesta Tristan avec mépris.

  • Et que faites-vous d’Yrsa et des probables survivants ?

  • Ils se débrouilleront sans nous. C’est chacun pour soi maintenant.

  • Bel esprit d’équipe. Je comprends pourquoi notre hôte n’était pas présente avec nous…

  • Hors de question de crever ici ! rétorqua Tristan.

  • Où est Yrsa ? demanda Hannah, confuse.

  • Elle se trouve certainement en sécurité dans une autre partie du bâtiment via l’ubiquité astrale. Soit Yrsa sait ce qu’il se passe et veut nous tendre un piège, soit elle est en danger, tout comme nous. Le sang a coagulé, donc cela ne s’est pas produit récemment.

  • Réveillez votre gars et on bouge d’ici ! ordonna Tristan.

 

Hannah envoya un message de détresse à HOPE, mais le protocole Héliosis ne put être activé en raison de la construction du second prototype qui n'était toujours pas opérationnelle. Sidonie, Lydia, Walter et Aleksandr ne pouvaient pas les aider pour l’instant. HOPE tenta de pénétrer le système de surveillance du site Mu, mais se heurta à un pare-feu complexe. Elle avertit Hannah qu’il lui faudrait plusieurs heures, avec l’aide d’Aleksandr, pour prendre le contrôle du système et les guider à travers cet immense complexe. La présence de Tristan s’avérait précieuse pour éviter de se perdre dans les longs couloirs.

Tobias, quant à lui, peinait à se concentrer pour entrer en contact avec l’esprit de Walter. Il était hanté par des visions des créatures des égouts, où Jane, Aleksandr, Walter et Lydia avaient failli périr. Les images de ces monstruosités dévorant des humains dans l’obscurité le hantaient, alimentant ses peurs les plus profondes. Sur le point de craquer, il trouva soutien auprès de Lucas et Hannah, qui restaient à ses côtés pour le rassurer. Tobias n'était pas un soldat aguerri et n'était pas habitué à ce genre de situations. Hannah le fit asseoir et informa Jane qu’il ne serait pas en mesure de les aider pour l’instant. Jane tenta alors de réveiller Walter, qui semblait plongé dans un état comateux. En examinant son bras, elle remarqua de nombreuses piqûres.

  • Qu’est-ce que votre section a fait à mon agent ? s’insurgea Jane en direction de Tristan.

  • Je n’en sais rien ! Et je m’en fous. On doit partir. Vous venez avec moi, ou vous restez avec lui.

  • Pas question de le laisser seul ici sans savoir ce qu’il se passe, répliqua Jane. Contentez-vous de nous guider vers un endroit sûr jusqu’à ce que la tempête de neige se calme. Nous ne pourrons pas quitter Golden Valley en voiture pour l’instant.

 

Tobias fut pris de panique en repensant aux souvenirs de Jane. L'idée d'être dévoré vivant ou plongé dans l'obscurité l'horrifiait. Jane tenta de le raisonner en lui tenant le visage, cherchant à calmer sa respiration rapide et incontrôlée. Ses lèvres et son corps tremblaient de peur, et il sanglotait.

  • Tobias, regardez-moi, regardez-moi ! Tout va bien se passer. Remettez votre bandeau pour essayer de vous calmer et reprenez votre respiration, d’accord ? Vous n’êtes pas seul.

  • Je ne veux pas mourir… Ils vont nous dévorer ! balbutia-t-il, terrifié.

  • Mauviette, lâcha Tristan avec hargne. C’est ça, les agents de la puissante section Alpha ?

  • Taisez-vous, Tristan, ordonna Jane en le fusillant du regard. Gardez la porte. Vous tous, restez toujours ensemble, quoi qu’il arrive, c’est compris ? Hannah, essayez d’aider Tobias. Lucas, tu vas devoir faire quelque chose pour moi.

  • Que voulez-vous dire ? demanda Lucas.

 

Jane se rapprocha pour lui parler à voix basse, en français.

  • Si quelqu’un est contaminé, tu devras intervenir. Est-ce que tu as compris ?

  • Mais… hésita-t-il.

  • Fais ce que je te dis ! Surtout, protège les autres. N’utilise ton don qu’en cas d’extrême nécessité.

 

Lucas hocha la tête, puis Jane l’encouragea du regard, posant une main rassurante sur sa joue pour apaiser ses doutes. Tobias s’était assis à côté du lit, tandis qu’Hannah fouillait dans sa sacoche pour trouver un médicament capable de réveiller Walter. Préparée pour toutes les éventualités en dehors de HOPE, elle avait emporté plusieurs seringues de remèdes. Elle finit par injecter le médicament à Walter, qui ouvrit les yeux quelques minutes plus tard.

 

Un autre coup résonna tout près, arrachant un sursaut à Walter, qui semblait émerger d’un cauchemar. Depuis que la section Mu l’avait trouvé dans les tunnels près de la sortie des égouts, il n’avait connu que l’obscurité. Ébloui par la lumière, il scruta autour de lui, reconnaissant enfin les visages familiers. Le jeune homme, grelottant et vêtu seulement d’une blouse, tenta de se redresser.

  • Madame… Hannah… murmura-t-il faiblement.

  • Walter, ravie de vous revoir. Désolée de vous brusquer, mais nous devons fuir cet endroit immédiatement ! ordonna Jane à tout le groupe.

 

Walter tenta de se lever, mais il vacilla. Lucas le soutint pour l’empêcher de retomber sur le lit.

  • Merci… Rah, j’ai mal à la tête, gémit Walter, sa main sur son crâne.

  • Vous êtes sûr que ça va ? demanda Jane, inquiète.

  • Je survivrai, madame. Qu’est-ce qui se passe ? Où sommes-nous ?

  • Sur le site Mu. Je crains que des agents d’Yrsa aient été contaminés par les créatures lors de votre sauvetage. Il semble que le chaos règne ici depuis votre arrivée.

  • Merde ! lâcha Walter d’un souffle rapide. Où sont les autres ?

  • Il n’y a que nous…

  • Vous aurez tout le temps de discuter plus tard, magnez-vous le cul ! coupa Tristan.

 

Il avait raison ; ce n’était pas le moment pour des explications. La tension était palpable, et bientôt des bruits de pas rapides résonnèrent dans le couloir, se rapprochant dangereusement. Scrutant par le trou de la serrure, Tristan plaqua sa main contre la porte pour la maintenir fermée. Des gouttes de sueur coulaient le long de son cou tandis qu’il luttait pour contenir son agitation. Parmi les cinq individus qui se rapprochaient, deux étaient d’anciens membres infectés depuis un mois, et la faim les rendait particulièrement agressifs.

Une fois mordu, le sujet subissait une fièvre intense jusqu’à un décès cérébral. Selon le système immunitaire de la victime, le virus réactivait certaines cellules mutantes, préservant quelques fonctions de base : se nourrir, sentir, voir, et toucher. La vitesse et la force des infectés étaient décuplées par cet agent pathogène. Ces créatures se délectaient de chair humaine ou animale, tant que leurs proies n’étaient pas elles-mêmes infectées. Elles ne communiquaient pas, hormis par des grognements primitifs, et agissaient selon un instinct de prédation. Pour l’instant, aucun remède n’avait été trouvé par les laboratoires du docteur Crane à la BMRA.

Hannah utilisa son don pour vêtir temporairement Walter. Après plusieurs minutes d’attente, où le temps semblait suspendu, les créatures paraissaient s’être éloignées. Tobias, debout aux côtés de Lucas et Hannah, fixait un stylo qu’Hannah transformait en fusil pour Walter, qui pourrait se servir de son hyperosmie pour détecter les créatures.

  • Il faut viser la tête, ou frapper assez fort pour briser leur boîte crânienne, prévint Walter à voix basse. Les autres blessures ne font que les ralentir ; elles ne les empêcheront pas de nous attaquer.

  • Comment tu sais ça ? Tu l’as rêvé ? lança Tristan, sceptique.

  • Parce que j’ai failli y rester quand l’une d’elles m’a attrapé dans les égouts. J’ai réussi à m’en sortir in extremis. Mon don m’a permis de les sentir, entre autres.

  • Merci, Walter, intervint Jane. Tristan, est-ce que ce complexe a un système d’autodestruction ?

 

Tristan ne comprenait pas la nécessité de détruire le complexe.

  • Pourquoi ne pas simplement partir ?

  • C’est impossible, ce mal ne doit pas se répandre à l’extérieur ! Si la BMRA s’en empare, nous serons tous condamnés. Nous ne pouvons pas fuir pour nous terrer à HOPE en attendant que le monde sombre dans la pandémie et le chaos. Dites-moi où et comment activer ce système.

  • Dans le bureau d’Yrsa, répondit Tristan sans hésiter.

  • Bien, allons-y. Quoi qu’il arrive, restez ensemble. En avant !

 

Tristan ouvrit la porte doucement, vérifiant que personne ne se trouvait dans le couloir. Des grognements résonnaient au loin, mais aucun danger immédiat n’était visible. D’un signe de main, il invita les autres à le suivre en silence. Alors qu’ils progressaient lentement, les lumières s’éteignirent brusquement, les plongeant dans une obscurité oppressante. Jane et Hannah allumèrent leurs montres, dont les faibles lueurs éclairaient à peine le couloir. Lucas, quant à lui, fit émettre une légère lueur dans la sphère encastrée de son catalyseur qu'il tenait des deux mains. Tobias, tremblant, se pinçait les lèvres, luttant contre la panique grandissante. Il détestait l’obscurité depuis l’enfance, et ses mains ne cessaient de trembler, suivant constamment la faible lumière émise par le bâton de son camarade.

 

Walter, à côté de Jane, avançait difficilement, épuisé et en proie aux souvenirs traumatiques de sa récente épreuve. La migraine qui pulsait dans son crâne rendait sa vision floue. Sentant son état, Jane posa une main sur son épaule pour le soutenir. Ce geste simple lui donna le courage de continuer. Derrière, Hannah gardait un œil sur Lucas, tandis que Tobias se rapprochait d’elle, le cœur serré de regrets pour son comportement de la veille. Jane observait Lucas et Hannah avec admiration, impressionnée par leur sang-froid.

Soudain, les bruits de pas se rapprochèrent, annonçant une confrontation imminente. Tristan, en tête, savait que les jeunes variants derrière lui n’étaient pas préparés au combat. Où pouvaient-ils se réfugier ? La salle des armes était trop éloignée et inatteignable dans cette obscurité. Le bureau d’Yrsa restait leur seule option.

Ils atteignirent une porte fermée. Lucas, en tête, tenait son bâton à la verticale pour éviter tout obstacle. Avançant avec précaution, chacun retenait son souffle pour rester aussi silencieux que possible. Tristan remarqua alors du sang suintant sous la porte, qui s’ouvrit brusquement. Trop tard. Trois individus infectés les avaient repérés et fonçaient vers eux.

Leurs visages étaient défigurés, des plaies sanglantes ouvertes autour de leurs bouches où un sang sombre dégoulinait. Dans l’ombre, leurs silhouettes menaçantes se dessinaient, révélant des yeux exorbités et des dents acérées, prêtes à déchiqueter. Tristan reconnut immédiatement deux anciens camarades, des agents infectés dans les égouts de Los Angeles. Sans hésiter, il tira dans la tête des deux premiers avec une précision glaciale. Le troisième se jeta sur lui, visant sa gorge. Tristan esquiva, lui assénant un violent coup de pied pour le faire reculer, mais la créature bondit de nouveau. Lucas réagit instinctivement, activant son don. Une énergie scintilla au bout de son catalyseur et jaillit en direction de l’ennemi. La créature fut projetée contre le mur, laissant Tristan le temps de tirer dans sa tête. Le corps s’effondra au sol, bouche béante, les yeux livides. Maculé de sang, Tristan se redressa et remercia Lucas d’un signe avant de reprendre la marche.

Le bruit des tirs avait sans doute alerté les autres infectés. Des grognements et des pas précipités résonnaient dans les couloirs. Même Tristan, pourtant aguerri aux situations extrêmes, laissait transparaître une inquiétude croissante. Ils arrivèrent devant une porte verrouillée. Tristan tenta de l’ouvrir d’un coup de pied, sans succès, puis tira dans la serrure pour la forcer. Les hurlements gutturaux des créatures se rapprochaient dangereusement. Jane, le visage tendu, pointa sa montre vers les silhouettes menaçantes et tira plusieurs fois pour les repousser, tandis que Tristan dégondait la porte à coups d’épaule. 

Une fois à l’intérieur, ils bloquèrent la porte en détruisant le système de verrouillage holographique. Ils continuèrent leur chemin dans des couloirs partiellement éclairés. Le grand hall d’entrée n’était plus qu’à quelques mètres.

La porte ne résisterait pas longtemps aux assauts frénétiques des créatures qui la griffaient et la frappaient brutalement, utilisant leurs têtes et leurs mains comme des béliers. Soudain, Yrsa apparut au centre du hall dans son corps astral, un sourire narquois flottant sur ses lèvres.

  • Toujours en vie ? Impressionnant, lança-t-elle, cynique.

  • Vous ! Cessez immédiatement cette folie, Yrsa ! hurla Jane.

  • Non, je veux vous voir désespérée et souffrir, comme moi j’ai souffert. C’est à cause de vous que tout ceci est arrivé, comtesse de malheur. Tous mes agents ont été contaminés, et ce complexe est en ruine depuis des semaines.

  • Arrêtez ça ! s’enragea Tristan, tirant en vain sur l’apparition astrale.

  • Oh, Tristan… j’avais presque oublié votre existence. C’est dommage que vous n’ayez pas été là au début de tout ceci !

  • Vous avez perdu l’esprit ! rugit Jane.

  • Si seulement je n’avais pas suivi votre demande absurde de descendre dans les égouts pour ce stupide agent, ma section serait encore debout…

  • C’est vous qui avez échoué, Yrsa. Je ne porterai pas la responsabilité de votre échec. Je vais détruire ce complexe avec vous à l’intérieur si vous ne revenez pas ici. Dernière chance de nous rejoindre.

  • Si elle se montre, je lui mets une balle dans la tête, lança Tristan avec une haine palpable dans chacun de ses mots.

  • Ne vous inquiétez pas, vous n’en aurez plus pour très longtemps, ricana Yrsa. Contemplez la mort de vos protégés… et de votre descendant, ajouta-t-elle avant de disparaître. Lucas, Hannah et Tobias ne cachaient plus leur terreur.

  • C’est ma faute, murmura Walter, accablé par le remords et une migraine tenace.

  • Je vous interdis de dire ça, Walter, rétorqua Jane. Qu’est-ce que… ?

 

Une voix robotique annonça le protocole de destruction, lançant un compte à rebours de cinq minutes. Des lumières rouges clignotèrent au plafond, et les portes se fermèrent brusquement. Pris au piège, ils étaient enfermés. Seules deux portes restèrent entrouvertes, l’une bloquée par un robot-gardien hors service, tandis que des hurlements terrifiants retentissaient de l’autre côté.

La sirène stridente, déclenchée par Yrsa, accéléra le rythme de leurs cœurs, attirant les créatures vers le hall. Mourir dévorés ou dans une explosion, voilà le "cadeau" que leur réservait la cheffe de la section Mu. Affolé, Tobias courut jusqu’à la grande porte, tentant désespérément de l’ouvrir à mains nues. En vain : elle était verrouillée.

Désespéré, il s’effondra au sol, observant les autres se rapprocher de lui, à l’exception de Tristan. Peut-être pouvaient-ils faire exploser la porte… mais même cela semblait impossible : elle était conçue pour résister aux attaques les plus féroces.

  • Je dois arrêter ce merdier ! hurla Tristan, montant les escaliers vers la porte à demi ouverte et bloquée.

  • Non, Tristan ! Restez ici, ordonna Jane.

  • Si je reste, tout va sauter ! Je dois y aller seul !

  • Pas question, on reste ensemble.

  • Non ! Vous ne ferez que me ralentir !

 

Jane le laissa partir, comprenant qu'il n’avait pas d’autre choix. Tristan partit en courant, comme pour échapper à la mort elle-même. Pendant ce temps, Hannah tenta de relever Tobias, mais il refusait, répétant sans cesse que tout le monde allait mourir, muré dans son désespoir. Lucas s’approcha, et ensemble, lui et Hannah le forcèrent à se relever. Tobias leva les yeux vers Lucas, réalisant peut-être qu’il voyait ce visage pour la dernière fois.

  • Je suis désolé, murmura Tobias à l’oreille de Lucas.

 

Jane et Walter rejoignirent le groupe, et tous formèrent un cercle au centre du hall, prêts pour l’assaut. Walter, affaibli par une violente migraine, se tenait la tête. Inquiète, Jane posa une main sur son front, sentant que quelque chose n’allait pas, mais elle reprit sa position sans broncher. Ils n’avaient plus qu’une chose en tête : survivre.

Les lumières du hall s’éteignirent, plongeant la pièce dans l’obscurité, rendant leurs tirs plus incertains. Ils ne pouvaient plus compter que sur les faibles éclats de leurs montres pour distinguer les silhouettes ennemies. La sirène cessa soudainement, laissant place à un silence oppressant. Jane leva son arme vers l’entrée. Tobias, pris au dépourvu, avait laissé tomber la sienne de la porte verrouillée. Il n’aurait désormais plus que sa télépathie pour se défendre. Lucas le tenait lui tenait le bras, brandissant son catalyseur éclairé pour identifier la menace qui se rapprochait. Une dizaine d’infectés apparurent près de l’entrée, à gauche.

Jane tira à plusieurs reprises, abattant deux créatures. Hannah en toucha une autre. Tobias, retirant son bandeau, tenta de d'influer psychiquement l’un des infectés qui fonçait sur lui. Immobilisé, il offrit à Walter l’opportunité de viser sa tête. Tobias ressentit alors brièvement la faim et la douleur de l’infecté, un flot d’émotions qui lui déchira l’esprit. Jane pivota pour éliminer deux créatures qui s’approchaient dangereusement d’elle. Lucas, quant à lui, asséna un violent coup de bâton à une créature, la faisant chuter, puis frappa sa tête d’un mouvement vif, déclenchant une onde de choc qui la fit exploser. Il empêcha ensuite une autre créature d’atteindre Hannah, qui l’abattit d’un tir précis. Walter, rassemblant ses forces, neutralisa les deux derniers infectés, les mettant hors d’état de nuire avec une détermination implacable.

La situation aurait pu être bien pire. Tout le monde avait survécu à ce premier assaut, mais ils étaient épuisés. Ils se dirigèrent vers les bancs devant les panneaux holographiques éteints pour reprendre leur souffle. Cependant, avant même d’y parvenir, Walter s’effondra brusquement au sol, pris de convulsions et submergé par une fièvre brûlante.

  • Walter ! s’alarma Jane, se précipitant pour s’agenouiller près de lui.

  • Madame… je… je crois que… c’est terminé…

  • Tenez bon, Walter ! Hannah, aidez-le !

 

Hannah fouilla frénétiquement dans son sac, désespérée de trouver quelque chose pour le soulager. Mais elle savait bien qu’aucun remède ne pourrait contrer ce virus incurable. Les larmes, retenues trop longtemps, jaillirent finalement alors que l’impuissance la submergeait.

  • Je ne vous abandonnerai pas, Walter, pas cette fois ! jura Jane. Nous allons trouver un moyen !

  • J’ai… eu beaucoup de chance… d’être avec vous, madame, avec vous tous… je ne serai pas seul…

  • Non ! Ne fermez pas les yeux, Walter !

  • Tuez-moi… je ne veux pas vous faire de mal…

 

Lucas et Tobias observaient la scène avec horreur. Ils savaient tous que Walter avait été contaminé peu avant l'arrivée de l’équipe HOPE. Jane, incapable de se résoudre à abréger la vie de ce jeune homme si dévoué, sentait son arme dans sa main, mais son cœur refusait de l’utiliser. Pas lui, pas encore. Hannah, les larmes aux yeux, se retourna vers son ami agonisant et lui prit la main.

  • Je suis dés…olé, Hannah, murmura Walter d’une voix faible.

  • Walter…

  • Tu as toujours été là pour nous… tu dois vivre… je vous en prie… ne me laissez pas vous faire du m… argh !

 

Walter fut secoué de violentes convulsions. Son corps n’opposait plus de résistance au virus qui ravageait son esprit. De la mousse s’échappait de ses lèvres tandis que ses yeux se dilataient sous l’assaut de la douleur. Tobias, partageant mentalement la souffrance de Walter, dut remettre son bandeau pour se couper de ce calvaire. Jane, impuissante, assistait à cette tragédie. Un râle guttural s’échappa de la gorge de Walter. Ses yeux s’ouvrirent, mais ce n’était plus lui qui les regardait.

Lucas réagit instantanément, se précipitant pour sauver Jane de l’attaque de ce variant nouvellement transformé. Dans un accès de rage incontrôlée, il frappa violemment la créature, son bâton fracassant sa tête sans relâche. Chaque coup semblait exorciser une fureur enfouie en lui, et le sang jaillissant de la boîte crânienne détruite réveillait en lui un souvenir douloureux. Jane, pétrie de remords, restait immobile, incapable d’intervenir.

 

Lorsqu’enfin Lucas relâcha son arme, elle tomba dans un bruit sourd sur le sol. Tremblant, il porta une main à sa bouche, pris de nausée et de tristesse. Tobias et Hannah se rapprochèrent pour le soutenir, conscients de la douleur qui l’envahissait.

  • Putain… qu’est-ce que j’ai fait ? murmura Lucas, sous le choc.

  • C’est fini, souffla Hannah, posant une main apaisante sur son épaule. Calme-toi… ça va aller.

 

Jane se redressa, et son visage glaça les trois variants. Ils eurent l’impression qu’elle avait vieilli de plusieurs années en quelques instants, comme si elle pouvait les anéantir sur-le-champ. Une fureur sauvage brillait dans ses yeux, où ne subsistaient que la vengeance et la haine. La comtesse était devenue aussi imprévisible que redoutable.

D’un geste sec, elle ramassa le bâton de Lucas et le lui tendit, son regard empreint d’une détermination sans faille.

  • Je t’ai dit de le garder toujours sur toi ! Si vous voulez vivre, c’est le moment ou jamais de continuer à vous battre !

 

Des sifflements stridents déchirèrent l'air. Un groupe d'une trentaine d'infectés fit irruption dans le hall où se tenaient les quatre variants de la section Alpha. Jane se dressa devant eux, son arme prête à tirer, tandis que Hannah, Lucas et Tobias se tenaient derrière elle. À cet instant, Jane ne pensait plus à sa propre survie ; son seul désir était de permettre à ses compagnons de s'en sortir. Elle tira, accompagnée par Hannah, et plusieurs infectés s'effondrèrent, le sang sombre éclaboussant le sol en larges flaques. Certains n'étaient que blessés, touchés à l'épaule ou au cou, mais ils continuaient à avancer, implacables. Leur nombre surpassait de loin celui des membres de la section Alpha.

Lucas leva son catalyseur, qui s'illumina d'une lueur intense, tout comme ses yeux, brillant d'une manière encore jamais observée. Un bouclier d'énergie se matérialisa autour du groupe, formant un dôme infranchissable et opaque. Les créatures se heurtaient au bouclier, sans pouvoir le traverser. Ce répit, bien que temporaire, leur offrait un précieux instant de répit. Mais bientôt, le bouclier faiblit et s'évanouit.

  • Baissez-vous ! s’exclama Jane.

 

Retirant ses gants et rangeant son arme, Jane se prépara. Le bouclier de Lucas avait disparu, et malgré son désir de le recréer, Lucas sentait son bras lourd, incapable de se mobiliser à nouveau. Il vacilla en arrière, rattrapé de justesse par Tobias et Hannah, qui se plaquèrent au sol, non loin du corps de Walter et des infectés morts.

Jane, toujours debout, tendit ses mains vers les créatures qui s'apprêtaient à fondre sur elle. Avant qu'elles ne puissent l'atteindre, leurs corps se figèrent. Les jeunes variants, au sol, observèrent avec horreur la peau des créatures se flétrir, leurs cheveux blanchir. Les hurlements de souffrance retentirent, insoutenables. Sous leurs yeux, la chair des infectés tomba en lambeaux, laissant leurs os se désagréger en une masse gélatineuse. Jane Roselys possédait le pouvoir de manipuler les cellules responsables du vieillissement, accélérant la décomposition pour provoquer la mort. Un fardeau aussi lourd que son immortalité. L’effort l’affaiblit, et Tobias la retint pour l’empêcher de vaciller.

Hannah aida Lucas à se relever. Il s’appuyait sur son catalyseur métallique, brûlant sous ses doigts. Tous étaient exténués, à bout de souffle, et désireux de fuir cet enfer. Soudain, Yrsa réapparut derrière eux, furieuse de les voir encore en vie. Mais avant qu’elle ne puisse dire un mot, son image astrale se dissipa, comme si quelque chose l'avait forcée à interrompre sa manœuvre.

Le robot leur annonça qu’il ne restait qu’une minute avant l’autodestruction. Jane les regarda tour à tour, puis les enlaça tous.

  • Dix, neuf, huit, sept, six, cinq…

 

Et puis, le silence.

La voix robotique se tut, les lumières rouges cessèrent de clignoter. Un immense soulagement se propagea dans le groupe en réalisant que Tristan avait réussi à arrêter le compte à rebours juste à temps.

  • Que fait-on, madame ? demanda Hannah.

 

Jane resta silencieuse, son regard perdu.

  • Nous devons retrouver Tristan, répondit Lucas.

  • Pourquoi ne pas partir tout de suite ? proposa Tobias.

  • Impossible, répondit-il. La tempête de neige dehors nous tuerait. Nous n’irions pas loin avant de mourir de froid. Rien de cassé, Hannah ?

  • Merci, Lucas, je vais bien. Mais… je crains que mes transformations ne durent plus très longtemps. Nous devrions trouver un abri…

  • Allons au bureau d’Yrsa, trancha Lucas.

 

Une décision périlleuse et désespérée, mais ils n’avaient pas d’autre choix. Rester dans le hall les exposait trop, et trouver un refuge sûr était leur seule chance de survie. Malgré leurs dons, ils ne pouvaient pas combattre indéfiniment les créatures qui les traquaient. Doté d’une bonne mémoire, Lucas reprit le chemin qu’ils avaient emprunté pour rejoindre au plus vite le bureau de direction. L’obscurité ralentissait leur progression, accentuant leur fatigue et l’angoisse de tomber sur d’autres infectés.

Tout au long du couloir, Jane et les autres découvrirent des cadavres d’infectés abattus par balle, sans doute par Tristan. Le silence de mort n’était brisé que par le son de leurs pas et de leur respiration haletante. Le bureau d’Yrsa n’était plus qu’à quelques mètres

Une fois à l’intérieur, Tobias referma la porte et la bloqua via une commande. Jane découvrit le corps inerte de son ancienne collègue et amie, étendu sur le sol. Une perte amère, mais elle avait besoin de comprendre pourquoi la directrice de la section Mu avait sombré dans une telle folie, condamnant quiconque tentait de fuir le site.

Pendant que Lucas et Tobias barricadaient la porte, Jane jeta un coup d’œil à l’extérieur, où la visibilité était quasiment nulle à cause du blizzard et des rafales de vent. Soudain, l'ordinateur d’Yrsa refusa de s’allumer, et Jane abandonna la tentative, rejointe par Hannah.

  • Comment vont les garçons ? demanda-t-elle à la jeune femme.

  • Lucas est exténué, et Tobias surveille la porte.

 

Alors que Hannah discutait avec Jane, Tobias observa Lucas, assis sur un canapé, en silence. La tension était palpable ; ils transpiraient tous abondamment, à tel point qu’ils finirent par retirer vestes et pulls. Rongé par les remords, le jeune Suédois brisa le silence.

  • Je suis désolé pour tout à l’heure.

  • De quoi tu parles ? répondit Lucas.

  • J’ai paniqué dans le couloir, avoua Tobias.

 

Lucas regarda ses mains et ses vêtements encore couverts de sang, nettoyant son catalyseur avec un chiffon.

  • On a survécu… mais je ne peux pas oublier ce que j’ai fait à Walter.

  • Mec, tu as fait ce qu’il fallait.

  • Je suis un monstre…

 

Tobias se leva et posa une main rassurante sur l’épaule de Lucas, un geste sincère qui surprit ce dernier.

  • Non, c’est faux, t’as compris ? Tu as sauvé Jane et Hannah, tu m’as aidé quand j’avais perdu espoir dans le hall. T’as pris les bonnes décisions. Franchement, t’as assuré durant cette galère.

  • Pourtant, j’avais dit à Jane que je n’étais pas un soldat…

 

Tobias prit courageusement la main de Lucas, un geste qui semblait l’apaiser.

  • Tu es bien plus que ça.

 

***

Les heures passèrent, le soleil se couchant tandis que la tempête de neige faisait rage dehors. À l’aide du briquet de Jane, ils rallumèrent le feu dans la cheminée, profitant de sa chaleur et d'une faible lueur, l’électricité étant coupée. Malgré les flammes, ils gardèrent leurs vestes pour se protéger du froid mordant qui s’insinuait dans la pièce. Jane retira la veste du corps d’Yrsa pour s’en servir de couverture, puis s’absenta un moment en fermant la porte derrière elle. Les trois variants restèrent en silence, observant les flammes crépitantes, tandis que l’inquiétude pour Tristan pesait dans l’air.

Tobias ouvrit un compartiment contenant des boissons et des en-cas, qu’il distribua aux autres. Il était plus de vingt-deux heures lorsque Jane réapparut, le visage sévère, marqué par la fatigue.

  • Nous devons nous reposer.

  • Vous pensez que Tristan a survécu ? demanda Tobias.

  • Je l’ignore. Il est peut-être humain, mais sa rage et son adresse au combat en font un adversaire redoutable. Seul le temps nous le dira. Soyons discrets pour la nuit et espérons que les infectés ne nous repèrent pas.

 

Ils acquiescèrent, conscients de la nécessité de préserver leurs forces pour ce qui les attendait. Lucas et Hannah se dirigèrent vers le bureau, où Jane avait recouvert le corps d’Yrsa avec un rideau, rendant un dernier hommage à l’ancienne amie qu’elle avait été. Lucas ouvrit la porte, et Hannah s’installa sur le divan. Elle s’étonna de voir son ami s’allonger au sol, faute de place pour dormir à deux sur le fauteuil. Elle repensa à cette nuit à l'hôtel, où ils s’étaient entassés avec Sidonie et Martha.

Lucas garda son catalyseur près de lui, activé, puis il se tourna vers Hannah.

  • Tu devrais venir à côté de moi…

  • Ne t’inquiète pas pour moi, Lucas. Repose-toi.

Déterminé, Lucas semblait aussi inébranlable que son ancêtre, et Hannah, trop fatiguée pour discuter, se laissa submerger par le sommeil.

Une heure plus tard, Lucas se réveilla, arraché à un cauchemar sans fin. Il sentit la présence d’Hannah, plus proche qu’il ne l’avait imaginé. Doucement, il posa une main rassurante sur son visage, tentant de lui offrir un instant de paix dans ce monde en proie au chaos. Leurs regards se croisèrent, éclairés par la faible lueur d’une montre posée à proximité. Le silence était lourd de sens, aucun mot ne pouvant exprimer pleinement leurs émotions.

Hannah esquissa un merci silencieux, puis se risqua à embrasser Lucas. Il se laissa faire, malgré sa réticence habituelle. Blottis l’un contre l’autre, le besoin d’un réconfort physique prit le dessus, un acte impulsif qui semblait alléger un peu la tension omniprésente. Lucas sentit qu’Hannah se rapprochait, ses gestes empreints de douceur et de tendresse, lui offrant un instant d’évasion de ce cauchemar éveillé. Alors qu’elle l’embrassait doucement dans le cou, puis de nouveau sur les lèvres, Lucas posa une main hésitante sur ses hanches. La chaleur de leurs corps se mêlait, et, dans un silence complice, ils laissèrent la passion les submerger.

Chaque geste était à la fois doux et précipité, leur désir accentué par l’imminence du danger autour d’eux. Les risques de se faire surprendre, de voir leur intimité brisée à tout moment, rendait leur union encore plus intense, plus réelle. Les créatures pouvaient surgir d’un instant à l’autre, et la conscience de leur vulnérabilité donnait à ce moment une profondeur nouvelle.

Finalement, après cet instant de tendresse volé, ils se rhabillèrent en silence, frissonnant dans la froideur de la pièce. Ils échangèrent un dernier regard, sans attente ni parole, avant de s’abandonner à un sommeil réparateur. Pour un instant, le monde extérieur, les infectés et la mort s’étaient éclipsés, les laissant seuls face à leur humanité retrouvée.

Quelques heures plus tard, Lucas et Hannah se retrouvèrent à leur tour de garde, veillant sur le feu crépitant et la porte. Tobias, visiblement épuisé, s’était assoupi sur une chaise à proximité. Tandis qu'ils s'installaient près du foyer qui faiblissait peu à peu, le souvenir de leur récente intimité troublait Lucas. Il se demandait si ce moment intense avait été un rêve ou une réalité tangible. La fatigue les accablait, mais une tension palpable régnait entre eux, imprégnant l’atmosphère d’un silence lourd.

Lucas fixait les flammes, son regard perdu dans leurs mouvements dansants, tandis qu'Hannah évitait soigneusement de le regarder, elle aussi submergée par leurs émotions. Après un long moment de silence, elle finit par murmurer doucement, brisant enfin le mutisme qui pesait sur eux.

  • Je suis désolée…

  • Je préfère ne plus en parler, murmura Lucas. Je ne peux pas t’offrir ce genre de relation, Hannah, pardonne-moi.

  • Je comprends…

 

​Elle hocha légèrement la tête, détournant le regard. Lucas la regarda un instant, puis soupira.

  • Tu comptes beaucoup pour moi, comme une amie. Maintenant, je le sais.

 

Hannah baissa les yeux, un faible sourire se dessinant sur ses lèvres.

  • Merci, Lucas… merci pour tout.

***

Deux jours plus tard, le bureau d'Yrsa était vidé de ses provisions en vivres et en eau. Jane, après quelques heures de sommeil, se dirigea vers le salon où le reste du groupe était réuni. Les nouvelles n'étaient pas bonnes : HOPE et Aleksandr avaient réussi à pirater le système de Mu, découvrant qu'il restait une trentaine d'infectés disséminés dans tout le site. Toutes les portes étaient verrouillées depuis que Yrsa avait enclenché l'autodestruction via un générateur auxiliaire.

Jane observa un moment Lucas et Hannah, assis côte à côte, tandis que Tobias restait immobile sur sa chaise. L'incertitude pesait lourdement sur eux, chacun cherchant désespérément une issue à cette situation désastreuse.

  • J'ai des nouvelles. La tempête devrait se calmer demain. Quelle est la situation ? demanda-t-elle à Tobias.

  • Rien pour l’instant, répondit le jeune homme.

  • Et vous avez autre chose à me dire ?

 

Tobias, dont le bandeau était relevé, fixa Jane un instant, mais resta silencieux, ce qui parut étrange aux autres.

Soudain, un bruit sourd retentit contre le mur. Puis un autre. Était-ce des infectés ? Impossible de le savoir dans l'obscurité oppressante. Puis, une voix puissante, masculine, résonna à travers la pièce.

  • Ouvrez cette putain de porte !

  • Tristan ! Il a survécu, constata Jane, à moitié rassurée.

  • Magnez-vous de sortir d'ici, tout va péter ! On n’a pas beaucoup de temps.

 

Tobias et Lucas retirèrent rapidement le meuble qui bloquait la porte, prêts à fuir dans le couloir où se trouvait Tristan. Ce dernier, essoufflé après avoir couru dans les longues coursives du complexe, se dirigea vers la salle d'armes, où il avait trouvé un peu de matériel : des munitions, quelques armes utiles, et des vivres. De plus, il avait découvert un moyen de quitter l'endroit sans attendre la fin de la tempête.

  • Personne n'a été mordu ? demanda Tristan, son arme au poing.

  • Non...

  • Dommage, ça fera toujours des infectés de moins à buter, répondit-il cyniquement, ce qui irrita Jane et les autres.

 

Une fois dans un grand réfectoire moderne, en désordre, Jane décida de faire le point. Lucas, Hannah et Tobias semblaient avoir du mal à suivre, épuisés par le manque de sommeil, le froid mordant de la tempête, ainsi que le manque de nourriture.

  • Il reste une trentaine d’infectés sur tout le site, d'après HOPE et Aleksandr. Je suppose que vous avez un plan ?

  • On va se barrer avec le camion d’intervention. On y placera des chaînes sur les pneus pour la neige. Ou sinon, l'un de vos gosses devra faire un truc…

  • Je ne peux pas faire fondre la neige, répliqua Hannah.

  • Je ne sais pas si ça marchera, avoua Lucas, toujours mal au bras.

 

Tous se mirent en route, difficilement. Jane et Tristan prenaient la tête du groupe.

  • Suis-je certaine de prendre la bonne décision en vous incluant, Tristan ? demanda Jane à voix basse.

  • Je pense qu’on a les mêmes buts, malgré nos méthodes différentes. Je ferai en sorte de collaborer avec vous pour détruire cette agence de merde. C'est à prendre ou à laisser, mais je ne resterai pas les bras croisés à me planquer derrière des murs.

  • Vous êtes conscient que nous ne pourrons pas attaquer la BMRA à dix. Et vous êtes un humain.

  • Ne me jugez pas à mon ADN, s'agaça Tristan. Je pourrais tuer vos trois gamins sans trop de peine. Vous aurez besoin de moi pour vous infiltrer.

  • Nous en reparlerons une fois en sécurité, conclut Jane.

  • Allez, on se casse !

 

Une camionnette les attendait derrière une grande baie vitrée, partiellement recouverte de neige. Bien que le vent ait faibli, la quantité de neige tombée ces derniers jours rendait la situation encore plus difficile.

Les vitres du complexe étaient blindées, impossibles à briser par la force physique, mais Tristan avait trouvé une solution : un lance-roquette ionique volé dans un entrepôt de l’armée américaine. Le froid devenait mortel, mais ils se glissèrent tous dans le véhicule après que Lucas eut dispersé la neige grâce à son don d’énergie.

L’effort laissa Lucas épuisé, au point de presque s’évanouir, ce qui inquiéta Tobias. Une fois tous installés, Tristan jeta un dernier coup d'œil dans le rétroviseur et vit une immense explosion détruire le site de Golden Valley.

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