


Stanley

Jun

Catherine

Yasmine

Christian
Chapitre 11 : « Retour en arrière »
Année 2116 | 30 novembre, 12 h 30 – Salle d'exécution de la BMRA, Atlanta - Géorgie
Dans son bureau, Stanley Miller, tendu par les préparatifs du protocole 101, s'apprêtait à accueillir les journalistes vedettes de FedNews. Acteur dans l’âme, il savait garder son calme dans la plupart des situations, mais l’arrivée de sa maîtresse, Catherine O’Hara, laissait toujours filtrer une lueur d’agitation dans son regard. Elle, d’un simple coup d'œil, n’avait jamais laissé le moindre doute quant à ses intentions.
Catherine, une femme brune à la quarantaine élégante, portait un sourire charmeur qui faisait grimper l’audience autant que son ambition. Sa carrière à FedNews avait été fulgurante, balayée par sa détermination à éclipser tous ses rivaux, hommes comme femmes. Redoutée et admirée, Catherine était l’icône de la chaîne, en particulier par opposition à leur concurrent plus critique envers la BMRA et ses pratiques.
En tailleur et jupe noire, elle entra, suivie de plusieurs techniciens. Stanley, impeccable dans sa chemise blanche et sa cravate rouge, les accueillit avec un sourire professionnel.
-
Bonjour, madame O'Hara, messieurs, bienvenue à la BMRA, lança-t-il d’un ton cordial.
-
Bonjour, monsieur Miller, répondit Catherine avec un sourire en retour.
Stanley remarqua l'absence d'un visage familier pour des millions d'américains.
-
Votre collègue Thomas Lektar n'est pas avec vous ?
Catherine fit une moue désolée très peu crédible.
-
Malheureusement, Thomas est alité depuis hier soir. Une mauvaise grippe. Je couvrirai donc seule le protocole 101. J’espère que cela ne pose pas de problème ?
-
Aucun. Nous avons encore quelques détails à régler avant l’interview.
Catherine hoca la tête.
-
Très bien. Les gars, installez le matériel sur le plateau, vous connaissez la procédure. Exécution.
Les techniciens prirent leur matériel, se dispersant vers le plateau de l'Agence pour préparer la diffusion en direct. Pendant ce temps, Stanley servit un verre de bourbon à Catherine, une tradition avant chaque grande émission pour atténuer le stress.
-
Pourquoi nous avoir convoqués ici ? demanda Catherine, l’œil brillant de curiosité.
Stanley sourit en lui tendant le verre.
-
Vous gâcheriez la surprise si je vous le disais tout de suite. Je préfère voir votre réaction en direct.
-
Nous sommes justement doués pour ça, répondit-elle, malicieuse. La vérité, après tout, n’est pas le seul ingrédient qui compte.
-
Vous avez raison, mais il y a des consignes strictes à respecter. Mon équipe vous remettra tous les détails nécessaires.
Les préparatifs continuaient en arrière-plan tandis que Catherine retirait sa veste et s’approchait de Stanley. Elle posa son regard sur lui, un regard intense. Sans attendre, ils échangèrent un baiser passionné, leurs corps s’enlaçant dans un désir palpable.
-
Enfin seuls... J’apprécie ce genre d’accueil, murmura Stanley entre deux baisers.
-
Mon étalon, tu m’as manqué, susurra Catherine. Quelle est cette fameuse surprise ?
-
Il te faudra un peu plus qu’un baiser pour le découvrir, répondit-il avec un sourire espiègle.
Avec un sourire carnassier, Catherine laissa ses mains explorer le dos de Stanley, jusqu’à dégrafer sa ceinture. Juste au moment où elle s’apprêtait à approfondir leur étreinte en s'agenouillant, la porte s’ouvrit brutalement. Yasmine, la directrice des renseignements de la BMRA, se tenait là, visiblement exaspérée. Catherine s’écarta brusquement, gênée, tandis que Stanley remettait précipitamment sa chemise et sa ceinture en place.
-
Yasmine ? balbutia Stanley, surpris. Que… que voulez-vous ? Nous étions en train de finaliser certains détails avec Catherine O'Hara.
Yasmine lui lança un regard perçant.
-
SSi tu dois me mentir, Stanley, fais-le correctement et vite. Je sais très bien ce que vous faisiez.
Catherine, tentant de détendre l'atmosphère, s'approcha de Yasmine et tendit la main.
-
Miss Lefer, un plaisir de vous voir.
-
C’est ce que vous dites, répondit-elle sèchement avec mépris sans lui serrer la main. J'aurais des questions concernant certaines informations que FedNews a diffusées sans l’accord de la BMRA.
-
Désolée, il faudra voir ça avec notre rédacteur en chef, répondit Catherine avec détachement. Stanley, on se retrouve sur le plateau.
Alors qu’elle passait près de Stanley, Catherine murmura à voix basse, « GLG », en référence à l'hôtel où elle attendrait Stanley. Un léger sourire lui échappa alors qu’elle effleurait subtilement son entrejambe avant de quitter la pièce, sous le regard irrité de Yasmine.
Ils se désiraient si ardemment que cette adrénaline de la situation leur était nécessaire afin de pimenter leur vie sexuelle. Stanley était fou de Catherine, lui qui était connu pour coucher avec de nombreuses femmes sans aller jusqu'à des relations sérieuses. C'était différent avec la journaliste vedette de FedNews, ils se complétaient parfaitement dans un subtil jeu de séduction et de pouvoir. Catherine était d’une intelligence rare et d'une ambition sans fin, et ses capacités pour être persuasive troublait grandement le porte-parole de l'agence. Ils mêlaient en secret leur vie sentimentale et leurs ambitions professionnelles depuis plusieurs mois, et chacun utilisait l’autre pour son plaisir personnel et atteindre leurs objectifs.
Yasmine, quant à elle, connaissait bien l’histoire de cette liaison "discrète". Elle attendit que la porte se referme avant de se tourner vers Stanley, le visage impassible.
-
Ce que tu fais de ton temps libre ne me regarde pas, Stanley. Mais ne recommence plus à coucher avec cette femme au sein de l'Agence, sinon je ferai éclater votre petite aventure au grand jour.
-
Serais-tu jalouse, Yasmine ? demanda-t-il en haussant un sourcil, visiblement amusé par la situation. Je pensais que je n'avais aucun intérêt à tes yeux.
-
Continue sur ce chemin, et tu le regretteras, Stanley, prévint-elle en le fusillant du regard.
Elle quitta la pièce sans un regard en arrière, tandis que Stanley, encore sous l'effet de l’échange avec Catherine. Il ne prêtait aucune attention à la menace, y voyant seulement une pointe de jalousie de la part de Yasmine suite à sa relation avortée avec William.
***
Christian ouvrit la cellule où Jun, devenu incontrôlable, était détenu. Les yeux injectés de sang de Jun, grands et furieux sous la lumière crue, semblaient presque prêts à jaillir de leur orbite. Solomon Crane, le médecin en chef, lui avait administré des tranquillisants, mais il était trop tard : les effets irréversibles du virus expérimental de la BMRA se propageaient déjà dans ses veines. L'infection transformait peu à peu Jun en une créature semblable à celles errant dans les égouts de Los Angeles. Crane avait préféré observer cette transformation de près, laissant de côté les rapports souvent biaisés. Fasciné par les résultats, il savait que ce virus de type "V" pourrait bien servir d'outil pour contraindre tout gouvernement opposé aux idéaux de la BMRA.
Le PDG réclama un rapport de son subordonné, qui confirma la dégradation des capacités cognitives de Jun. Relié à une batterie de machines émettant des bips réguliers, Jun était en proie à une fièvre incontrôlable, son corps dévoré par une soif insatiable de chair et de sang. Christian le regarda avec une étrange combinaison de mépris et de regret : Jun avait été un soldat discipliné et efficace, un élément difficile à remplacer. Mais dans ce jeu, la mort n’était qu’une variable manipulable. S'approchant du jeune homme à l'agonie, Christian murmura :
-
C’est terrible, ce qui t’arrive… mais ne compte pas sur mes excuses, ce ne serait pas professionnel. Merci pour tes services. Adieu.
Il observa les larmes qui coulaient des yeux de Jun, ultime vestige de son humanité. Puis il referma la porte de la cellule et regagna son bureau.
Une demi-heure plus tard, les journalistes étaient prêts à entrer en scène. Stanley prit place sur un siège rouge, tandis que Catherine et Thomas – arrivé au dernier moment, au grand agacement de sa collègue – lui faisaient face. Les tensions entre eux étaient palpables, et les échanges se faisaient rares.
-
Attention, antenne dans dix secondes, lança le technicien. 5, 4, 3, 2… générique !
La musique énergique et reconnaissable de FedNews marqua le début de l’émission. Catherine O'Hara, en direct du siège de la BMRA, ouvrit l'émission :
-
Bonjour, ici Catherine O'Hara. Nous sommes aujourd'hui en compagnie de Stanley Miller, porte-parole de la BMRA, qui a une annonce importante concernant les variants. Un débat suivra, que j'espère, sera des plus enrichissants. Bonjour, monsieur Miller, et merci pour votre invitation. Que souhaitez-vous nous révéler aujourd'hui ?
Stanley afficha un sourire professionnel.
-
Bonjour, madame O'Hara. Comme vous le savez, des terroristes ont frappé en plein cœur de Los Angeles le 16 novembre dernier, causant de nombreuses pertes innocentes. Je tiens à adresser mes plus sincères condoléances aux familles des victimes au nom de la BMRA. Protéger et servir la population est notre priorité. Pour alléger cette peine, sachez que nous avons déjà pris des mesures pour traquer les responsables.
-
Vous connaissez leur identité ? demanda Catherine avec un faux étonnement.
-
Oui, répondit calmement Stanley. Et voici notre première preuve.
À l’écran apparut l’image de Jun, agonisant, les lèvres retroussées, les dents apparentes, comme s'il cherchait à satisfaire une faim insatiable. Solomon Crane avait averti Christian Pieriam que la transformation, désormais à son apogée, capterait inévitablement l’attention des spectateurs. Stanley fit signe au technicien de couper les micros, au cas où Jun aurait encore la capacité de murmurer des paroles. Mais à en juger par son état, il ne pouvait que gémir en silence.
Catherine, impressionnée par l’état de Jun, savait déjà que cette diffusion allait augmenter l'audience, et donc, son succès.
-
Pouvez-vous nous en dire plus, monsieur Miller ? demanda-t-elle.
-
Il s’appelle Jun, un ressortissant chinois en exil, venu saboter nos institutions. Ses motivations semblent n’être rien d’autre qu’une campagne de terreur.
-
Comment s’est déroulée son arrestation ? poursuivit Catherine.
-
Simplement, répondit Stanley. Les unités d’intervention de la BMRA l’ont neutralisé et mis hors d’état de nuire. La sécurité de nos citoyens est notre priorité.
-
N’y avait-il pas deux assaillants ?
Stanley esquissa un sourire.
-
Vous avez l’œil, madame O'Hara. En effet, ils étaient deux, poursuivant un groupe de variants également dangereux. L’autre mutant a été neutralisé. Nous en avons la certitude.
-
Et pour ce Jun, dans quel état se trouve-t-il ?
-
Nous pensons qu’il est porteur d’un virus, et nous poursuivons les analyses. Il pourrait s'agir d'un agent biologique importé de son pays d’origine ou d’une arme créée par les variants. Rien n'est écarté pour l'instant.
-
Une pandémie est-elle possible ? s’alarma Catherine
-
Nous n’avons pour l’instant aucun élément indiquant une transmission large. Nous pensons que la contamination exige un contact rapproché avec un infecté en phase avancée. Je recommande néanmoins à nos téléspectateurs de garder leurs distances avec tout variant.
-
Et pour ce terroriste, quelle sera la suite ? Nos téléspectateurs sont certainement impatients de savoir !
-
Il a été condamné à mort par la Cour suprême il y a trois heures. Vous allez assister à l’exécution, en direct.
À l'écran, le juge fédéral et des agents s’approchèrent de Jun, dont la rage et l'agressivité avaient redoublé. Ses poignets et ses chevilles saignaient à force de se débattre, et il bavait, possédé par une faim monstrueuse. Contrairement aux exécutions publiques habituelles de FedNews, celle-ci se ferait par injection létale, en raison de l'état de santé du prisonnier.
Catherine, profitant du direct, éteignit son micro et caressa discrètement l’entrejambe de Stanley avec son pied, jouant de cette scène pour enflammer la tension entre eux. Stanley lutta pour garder son sérieux. L'agent injecta le produit, et Jun convulsa, déchiré par la douleur. Le venin avait été modifié pour prolonger l’agonie, afin que la souffrance soit vue en haute définition. Le message était clair : être un variant exclu avait un prix.
Après plusieurs minutes d’agonie, Jun expira dans un dernier spasme, des caillots noirs s'échappant de sa bouche. La population, profitant de ce moment macabre, pouvait enfin se sentir vengée. La caméra se recentra sur Stanley, un sourire satisfait aux lèvres.
Il fixa l’objectif, s'adressant aux variants :
-
Vous avez vu ce qui vous attend. Vous attaquez des innocents, et vous payez le prix. Place au débat, non ?
-
En effet, après une page de publicité, reprit Catherine en rendant l'antenne, un sourire triomphant aux lèvres.
Le succès du protocole 101 était total pour la BMRA.

Jane

Tobias

Walter

Illyria

Sarah

HOPE

Lucas

Sidonie

Hannah

Lydia
Année 2116 | 30 novembre, 9 h 30 – QG HOPE, Santa Monica, Los Angeles - Californie
Tobias arriva à HOPE dans l’après-midi du 29 novembre, essayant d’oublier ce qu’il avait perçu dans l’esprit de Jane, une femme marquée par un destin hors du commun. Des flashs et des sensations désagréables le poursuivirent durant le trajet. Après le contrôle habituel du véhicule, HOPE permit au groupe de pénétrer les lieux, Tobias gardant toujours son bandeau anti-télépathie autour de la tête. Jane n’eut pas besoin de le présenter aux autres résidents comme elle l’avait fait pour Sidonie.
La comtesse française, plongée dans ses pensées, semblait préoccupée par une énigme qui la hantait depuis quelque temps. Elle repensait à sa dernière discussion avec Sidonie, suspectant la possible présence d’un traître au sein de HOPE. Chacun pouvait être coupable, excepté Lucas et Sidonie. Jane ne pouvait prendre le risque de prévenir tout le monde, car le traître pourrait se sentir menacé et essayer de semer la suspicion ailleurs. Quant à lancer une enquête officielle, cela risquerait de créer des tensions exacerbées entre les membres du groupe.
Le recrutement de Tobias n’était pas une simple option pour Jane Roselys ; ses dons de télépathie pouvaient s’avérer précieux. Elle fut informée de la mort de Jun à la télévision, exprimant en silence une satisfaction certaine pour la neutralisation de cet ennemi coriace qui avait fini par succomber aux machinations de l'Agence.
En entrant dans le bâtiment, Tobias, un sac jeté sur son épaule, masquait le traumatisme du site Bêta derrière une attitude détendue et un air « cool » de jeune adulte de vingt ans. À l’entrée, Hannah l’accueillit d’un sourire chaleureux. Sidonie l’accompagnait, tandis qu’à l’extérieur, Aleksandr et Jane échangeaient à propos d’une mission d’importance critique. La situation était préoccupante, et Aleksandr devait partir pour une mission de reconnaissance.
Ils discutèrent de la finalisation du projet Héliosis 2, laissant Aleksandr sans voix. Jane lui promettait un crédit illimité, exploitant ses compétences de mercenaire et d’ingénieur. Le Russe esquissa un rare sourire sincère en signe de gratitude. La perspective de piloter une machine améliorée l’enthousiasmait, mais avant de partir pour le Nord, il devait accomplir d’autres missions pour lesquelles Jane plaçait une confiance inébranlable en lui.
Elle lui rappela de rester vigilant en raison du contexte actuel. Il avait pour mission de retrouver la trace de Martha, et de la supprimer si elle refusait de revenir à HOPE. Aleksandr devait également conduire Illyria dans une autre section, et à son retour, superviser l'entrainement de Lucas.
En parallèle, Hannah, Sidonie et Tobias traversèrent le hall marbré, majestueux, en se dirigeant vers la cuisine. Le regard de Tobias s’attarda sur une inscription : Éphésiens 6:12 : « Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes. » Comme Sidonie à son arrivée, Tobias trouva ces mots puissants et symboliques.
Ils atteignirent la cuisine, d’une propreté exemplaire, où l’hologramme de HOPE apparut devant Tobias comme pour chaque nouvel arrivant.
-
Bonjour, Tobias Olsson, bienvenue à HOPE. Je suis ravie de faire votre connaissance.
-
HOPE ! répondit-il en la saluant de la main.
-
Tu connais HOPE ? releva Sidonie, intriguée.
-
Oh, eh bien, fit-il en remettant ses cheveux en arrière, c’est une longue histoire. Quand toi et le dingue russe êtes sortis, on a discuté, Jane et moi… de certaines choses… et voilà. Et toi, c’est Hannah, c’est bien ça ? ajouta-t-il, désireux de dissiper ce souvenir encore vif.
-
En effet. Heureuse de te rencontrer.
Hannah et Tobias échangèrent un salut bref, puis il observa le décor et la lumière filtrant par les hautes baies vitrées. L’endroit lui plaisait déjà.
-
C’est calme ici, je m’attendais à quelque chose de… plus militaire, fit-il remarquer.
-
C’est généralement le cas quand tout va bien, répondit Hannah avec une pointe de mélancolie en pensant aux résidents disparus. Tu veux boire quelque chose ?
-
Une petite bière ?
-
Tobias Olsson, l’alcool est prohibé à HOPE, sauf autorisation spéciale, rappela HOPE.
-
Un soda, alors !
-
Je t’apporte ça, et je te montrerai ta chambre ensuite.
-
Ok, cool ! Merci !
Sidonie, le visage préoccupé, le regarda intensément.
-
Tobias…
-
Oui ? Ah… je vois, mais il nous faut l’autorisation de Lydia, non ?
-
Nous devons justement aller la voir. Cela fait trop longtemps que j’attends.
-
Je sais, j'ai dit que je t'accompagnerai, promit Tobias.
Le visage chaleureux du jeune homme s’évapora, laissant place à une expression plus sérieuse. Il voulait se montrer rassurant et déterminé à aider la jeune femme, comme il le lui avait promis dans la voiture.
-
De quoi parlez-vous ? demanda Hannah, s’approchant d’eux.
-
Je dois aider Sidonie à… commença Tobias.
-
Retrouver la mémoire, coupa Sidonie, évitant de mentionner la salle Enigma et la personne qui s’y trouvait.
-
Tiens, voici ton soda. C’est quoi ton don, d’ailleurs ? demanda Hannah.
-
La télépathie, répondit Tobias, le sourire en coin.
Tobias avala son soda d’une traite, comme s’il n’avait pas bu depuis des jours. Il n’avait rien dans le ventre depuis la veille, et le sucre lui donna un semblant d’énergie. Hannah l’observa avec une certaine surprise ; un télépathe pouvait déceler des informations secrètes, bien souvent soigneusement dissimulées.
-
Je vais prendre une pomme, j’ai une faim de loup. Au fait, où est Sarah ? lança-t-il.
-
Je suis là, répondit-elle.
Sidonie, Hannah et Tobias se retournèrent et aperçurent Sarah appuyée contre le mur, les bras croisés. Ses cheveux argentés cachaient son œil droit blanc, et elle semblait les observer depuis un moment, son visage impassible laissant transparaître une énigmatique curiosité.
Sarah s’approcha de Tobias qui portait son bandeau anti-télépathie sur son front. Il remarqua brièvement une lueur singulière dans son œil gauche encore valide.
-
Tobias, c’est bien ça ? Tu voulais me voir ?
-
Eh bien, oui, histoire de faire connaissance. C'est étrange de connaitre les gens sans jamais les avoir rencontrés, répondit-il avec un ton détendu.
Les jeunes femmes furent surprises par les paroles de Tobias qui n'avaient aucun sens. Sarah, toujours impassible, reprit en essayant de rester courtoise :
-
On aura l’occasion de le faire, mais j’ai encore du travail. Je dois préparer ton badge et tes accès.
-
Pas de souci, répondit Tobias en haussant les épaules.
-
Ah, et il faudra que tu passes me voir pour un prélèvement sanguin et pour l’implantation d’un nanocapteur. On pourra discuter à ce moment-là si tu veux. À plus tard.
Sarah se retira en direction de son laboratoire pour programmer les accès de Tobias. Sidonie la regarda s’éloigner, se demandant pourquoi elle restait si distante avec tout le monde. Elle pensait que Sarah préférait rester en retrait pour ne pas subir un choc émotionnel en cas de disparition d'un camarade.
-
C’est quoi, cette histoire de nanocapteur ? demanda Tobias, une fois Sarah partie.
-
Jane veut probablement te géolocaliser en permanence, expliqua Sidonie d’un ton neutre. Elle a fait pareil pour Lucas.
-
Quoi ?! C’est une blague ?!
-
Hum… HOPE, tu peux nous en dire plus ? demanda Hannah.
-
La déduction de Sidonie est correcte, mais je ne suis pas autorisé pour l’instant à donner tous les détails concernant les nanocapteurs. Madame Jane vous en informera en temps voulu. Je peux vous fournir les données techniques ou la date de fabrication, si vous le souhaitez.
-
Pas question que je fasse ça ! s’emporta Tobias en agitant un doigt dans le vide. Je suis un humain, pas un animal !
-
Vous n’avez pas le choix.
-
Je vais dire deux mots à cette vieille folle !
-
Calme-toi, Tobias, l’attaquer de front n’arrangera rien, l’avertit Sidonie en posant une main apaisante sur son épaule.
-
Comment elle peut me faire ça ? Comment Lucas a-t-il pu accepter ? pesta-t-il.
-
Il n’a pas eu le choix non plus, répondit Sidonie. Si tu veux éviter les ennuis, fais ce qu’on te dit. Personne ici ne peut rivaliser avec Jane, et aller contre elle est perdu d’avance.
Agacé par l’idée de se plier à une surveillance aussi stricte, Tobias sentit croître son aversion à obéir à une femme qui aurait toujours l’ascendant, peu importe la situation. Contrairement à Lucas, il n’avait pas l’intention de se soumettre sans broncher.
-
Hannah, tu as vu Lydia ? demanda Sidonie.
-
Elle est avec Walter, il n’est pas en grande forme ces derniers jours. Je vais lui rendre visite, si possible.
-
Tu as raison. On se retrouve plus tard. Tobias, calme-toi un peu et va te reposer. N'oublie pas, lança-t-elle en quittant la cuisine.
Hannah et Tobias restèrent seuls dans un silence pesant. Elle préférait les moments animés ; les silences lui inspiraient une certaine gêne. Tobias, lui, ruminait sa décision de venir à HOPE, fixant sa canette de soda vide. Peut-être que Sidonie avait raison : l’attaque frontale contre Jane pourrait finir par lui attirer des ennuis insurmontables.
Après quelques minutes de silence, Hannah se tourna vers lui, accoudée au réfrigérateur, les bras croisés.
-
Je n’aurais pas dû venir ici, murmura Tobias. Elle aurait dû me tuer ou les laisser me capturer. Ma vie est pourrie depuis bien trop longtemps.
-
Tu ne peux pas dire ça. Ici, tu as une chance de repartir de zéro, mais cela demande quelques concessions.
-
Je ne serai pas un chien obéissant comme les autres ! Ce n’est pas dans ma nature.
-
Nous avons tous traversé des moments difficiles, Tobias…
-
Ouais. Je suis né en Britannie du Nord, enfin, en Suède, et quand mes géniteurs ont appris que j’étais un variant, ils m’ont envoyé ici pour que je sois « soigné » par NickroN Renaissance. Ces idiots ont été bien bernés ! J’en ai assez qu’on m’impose ma vie !
-
Eh bien, ça te fait au moins un point commun avec Lucas. Tu le connais bien, pas vrai ?
Un bref éclat de mélancolie traversa le visage de Tobias avant qu’il ne reprenne son masque grognon.
-
Lucas ? Ce type ennuyeux ? T’as pas idée !
-
Tu exagères, Tobias !
-
Vous êtes ensemble ? demanda-t-il, intrigué. Ça m’étonnerait, vu la réputation qu’il se traînait à NickroN.
-
De quoi parles-tu ? répliqua Hannah, surprise. Et, au risque de te décevoir, non, nous ne sommes pas ensemble.
Tobias esquissa un sourire carnassier.
-
Je vois qu’il reste fidèle à ses goûts, ricana-t-il. Tu sais, le beau blond au cœur brisé qui réserve son affection aux mecs.
-
Évite d’être vulgaire, Tobias, répondit Hannah, agacée.
-
Oui, je sais, répondit-il en haussant les épaules. Il n’est pas méchant, et je le charriais gentiment, à ma façon, ajouta-t-il en se levant. Bon, je suis crevé. Tu me montres ma chambre ? On pourra discuter tranquillement, si ça te dit.
-
Suis-moi.
Tobias n’avait aucune envie de se rendre dans le laboratoire de Sarah, malgré l’avertissement de HOPE. Se soumettre à cette surveillance renforçait son amertume et son incompréhension. Malgré la tournure de la discussion précédente, Tobias appréciait la démarche d’Hannah, tout comme son charme naturel. Leur différence d’âge ne le gênait pas, mais il percevait en elle une maturité qui le poussait à se montrer plus prudent qu’à l’accoutumée, bien qu’il soit connu pour sa maladresse et ses paroles souvent trop franches.
Il se leva pour jeter sa canette dans le compartiment de recyclage, puis ils montèrent ensemble jusqu’à sa chambre. Hannah entra la première, lui offrant une visite rapide des lieux. Tobias fut surpris par la grandeur de la pièce, même s’il en avait déjà eu un aperçu dans les souvenirs de Jane. En voyant le lit immaculé couvert d’une grande couette blanche, il eut envie de s’y jeter pour enfin se reposer. Ce décor impeccable lui paraissait presque inconfortable, lui qui avait toujours préféré un certain désordre organisé. L’immensité de la pièce, son style impersonnel dépourvu de touches personnelles, ravivèrent en lui des souvenirs enfouis.
Hannah détourna soudain le regard, prise par un élan de nostalgie. Elle avait accueilli tant de camarades de cette manière, suivant une sorte de tradition informelle qui, avec le temps, s’était alourdie de douleur et de pertes. Aujourd’hui, cette « coutume » lui pesait plus que jamais.
-
Quelque chose ne va pas, Hannah ? demanda Tobias, remarquant son trouble.
-
L’ambiance est étrange ces derniers jours… c’est difficile à expliquer, avoua-t-elle, un peu confuse.
-
Je comprends. Et, au fait, ce que j’ai dit tout à l’heure à propos de Lucas… je dis souvent des bêtises, alors ne prends pas tout au sérieux, répondit-il, sincère. C’est juste que je suis énervé par les manigances de la vieille.
-
Si je peux me permettre, évite de l’appeler ainsi devant elle ou Aleksandr. Tu pourrais le regretter… prévint-elle.
-
Hum, oui, je m’en souviendrai, soupira-t-il en repensant à la brutalité d’Aleksandr.
Elle observa le bandeau autour de sa tête et préféra changer de sujet.
-
Pourquoi tu portes ce bandeau ?
-
La télépathie n’a pas que des avantages, tu sais. Ce bandeau m’aide à ne pas ressentir vos émotions par empathie. Parfois, ça peut me paralyser.
-
Comment ?
-
Si tu es triste, je le ressens comme si c’était moi. Imagine avec la colère ou la haine… c’est insupportable. Par contre, si tu es amoureuse de moi… plaisanta-t-il avec un sourire charmeur.
-
Je ne savais pas que l’empathie pouvait être si difficile à gérer, répondit-elle avec un sourire. Ce bandeau te donne un petit côté aventurier, plaisanta-t-elle.
-
Ah oui ? Moi, je suis toujours partant pour l’aventure ! blagua-t-il, tentant une approche maladroite.
-
Bien tenté, Tobias, répliqua-t-elle en riant.
-
Il faut bien essayer dans la vie, non ?
La plaisanterie salace la fit sourire, lui permettant d’oublier un instant la morosité qui régnait dans la maison ces derniers jours. Tobias, avec son caractère spontané et différent de la plupart des hommes qu’elle avait connus ici, lui apportait une bouffée d’air frais. Mais ce sentiment fut de courte durée : elle repensa soudain à Hiro, qui partageait le même humour pour la taquiner. Le souvenir d’Hiro lui serra le cœur ; elle aurait voulu qu’il soit là, qu’il passe la porte et qu’ils puissent encore échanger des plaisanteries comme avant.
***
Hannah quitta Tobias et se dirigea vers la chambre de Lucas et Illyria. En tendant l’oreille, elle entendit la voix inquiète de la femme, en train de rassurer son fils. Les mots échangés dans leur langue natale lui échappaient partiellement, mais quelques bribes lui parvinrent.
-
Pourquoi tu dois partir, maman ?
-
Il le faut, Jeanne en a décidé ainsi. Mais tu n’es pas seul, mon chéri. Jane, Sidonie, Hannah… tout le monde sera là pour t’aider. Je ne veux pas te savoir malheureux…
Illyria s’assit près de Lucas et le prit tendrement dans ses bras pour apaiser son chagrin. Le jeune homme posa la tête sur son épaule, lui rappelant à quel point il tenait à elle. Le voir ainsi, si triste et impuissant, lui déchirait le cœur.
-
Nous venons à peine de nous retrouver, et cette femme prend un malin plaisir à nous séparer de nouveau, murmura Lucas, le visage sombre.
-
Ne perds pas espoir, tu es bien plus fort que tu ne l’imagines, répondit-elle en essayant de le réconforter. Tu as une chance de commencer une nouvelle vie…
-
Une vie de servitude et de remontrances, tu veux dire, répliqua-t-il avec amertume.
Lucas sortit une petite photo usée de sa poche, où son père John et Illyria posaient derrière lui, bien plus jeunes. Ils se remémorèrent silencieusement cette journée de balade près d’un étang à Arras, leurs souvenirs se mêlant aux larmes, en hommage à l’époux et père disparu depuis quatorze ans.
-
Mon dieu… murmura Illyria, émue. Après toutes ces années ! Tu te souviens de cette journée que nous avions passée tous les trois. Garde ce précieux souvenir avec toi, Lucas. Et si la solitude te pèse, souviens-toi que tu es entouré. Tes amis doivent devenir ta priorité. Si tu ne veux pas te battre pour toi, protège-les, mon fils. Garde espoir !
La voix de Lucas trembla :
-
Je ne veux pas devenir orphelin, je t’en prie.
-
Allons, Lucas… Et puis, je suis sûre que nous pourrons nous revoir bientôt. Je…
Elle craqua à son tour, incapable de dissimuler son émotion face aux supplications de son fils. Le quitter si vite après leurs retrouvailles lui déchirait l’âme, mais elle savait que Jane ne reviendrait pas sur sa décision.
Elle admira les traits angéliques de Lucas, si semblables à ceux de son père. La fierté se mêlait à la douleur de cette séparation forcée. Elle écarta tendrement quelques mèches blondes de son visage, et ils s’enlacèrent, partageant ce dernier moment de tendresse, cette promesse muette qu’une mère fait à son enfant : que tout ira bien.
À cet instant, Jane apparut silencieusement derrière Hannah, lui tapotant le dos d’un index sec et faisant sursauter la jeune femme.
-
Vous écoutez aux portes, Hannah ? l’accusa-t-elle d’un ton sévère.
-
Je suis désolée, madame. Je voulais m’assurer que tout allait bien, mais je n’ai pas osé entrer et les interrompre.
-
Touchant. Cependant, veillez à ne plus recommencer à l’avenir. Tobias est-il bien installé ?
Hannah hocha la tête.
-
A-t-il fait sa prise de sang et reçu son implant ?
-
Je ne crois pas, répondit Hannah.
-
HOPE, ordonne à notre nouvel hôte de se rendre immédiatement auprès de Sarah. S’il ne le fait pas, applique le protocole 72.
-
Bien, madame, répondit la voix de l’IA.
-
Quant à vous, Hannah, descendez préparer le dîner. Ce sera tout.
Jane s’exprima fermement, sans pour autant sembler en colère. Se sentant fautive, Hannah acquiesça, puis tourna les talons pour rejoindre la cuisine. Tandis qu’elle s’exécutait, ses pensées restaient tournées vers Lucas et la peine qui l’habitait. Cela la rendait elle aussi profondément triste.
Jane toqua à la porte et entra sans attendre dans la chambre de Lucas, encore dévasté à l’idée de voir sa mère partir. Lorsqu’il aperçut Jane, sa peine se transforma soudain en colère.
-
Vous ! s'écria Lucas. Comment pouvez-vous vous regarder dans un miroir en étant si cruelle ?!
-
Calme-toi, mon fils, tempéra Illyria. N'oublie pas ce que je t’ai dit.
-
Allons, Illyria. Le moment est venu, Aleksandr vous attend au portail.
Lucas agrippa son catalyseur posé sur le lit. Jane vit les larmes dévaler les joues rouges d'émotion d'Illyria, et la promesse silencieuse qu'elle lui réclamait. Lucas activa son arme, la sphère encastrée dans son bâton d'adamantium s’illuminant d'une lueur intense. Ses mains tremblaient, prêtes à déchaîner sa colère, mais Jane éloigna Illyria d'un geste assuré.
-
Lucas, arrête, je t'en prie ! supplia sa mère.
-
HOPE, ne fais rien, ordonna Jane à l’intelligence artificielle. Que vas-tu faire maintenant ? Me tuer ?
-
Ne m’obligez pas à le faire ! cria Lucas. Laissez ma mère tranquille !
-
Je suis ravie de voir qu'il te reste de la colère en toi. Oser t’attaquer à moi montre que tu as plus de courage que tu ne veux bien l'admettre, répondit Jane avec un sourire implacable. Tu en auras besoin.
-
Taisez-vous ! Vous n'êtes qu'une vieille mégère ! Vous avez détruit ma vie, ma mère, mon père, tout le monde ! hurla-t-il. Je ne serai jamais le héros que vous voulez !
-
Lucas, non ! Ça suffit ! implora sa mère, prête à utiliser son don pour figer la scène.
Jane lança un regard perçant vers Lucas, et il comprit soudain qu'il avait dépassé les limites. Tremblant, il laissa échapper un éclat lumineux, un rayon d’énergie. Mais Jane réagit plus vite, déviant le projectile avec une télékinésie habile, détruisant le mur adjacent. Avant que Lucas n'ait pu bouger, elle attira son catalyseur d’un geste, le désarmant sans effort. Puis, tendant l’index et le majeur dans sa direction, elle le propulsa contre le mur avec une précision maîtrisée. Lucas ressentit une douleur cuisante à la tête, ses membres immobilisés par l’emprise de Jane.
-
Nous réglerons ce différend plus tard, dit-elle gravement. Fais tes adieux à ta mère.
Lucas retrouva l’usage de ses membres et s’effondra au sol. Son regard de haine envers Jane brûlait d’une intensité palpable. Sa mère se précipita vers lui pour l’aider à se relever, puis ils quittèrent la chambre ensemble, descendant lentement les escaliers, chaque marche étant un supplice.
Éloigner Illyria n’était pas une décision facile pour Jane, mais elle savait que cela protégerait sa descendante. Laisser Illyria auprès de son fils n’aurait fait que renforcer sa dépendance envers elle, l’empêchant de faire face à la réalité pour endurcir son caractère. Il fallait protéger Lucas de lui-même, d’une manière ou d’une autre.
Restée seule dans la chambre, Jane observa le catalyseur de Lucas, qu’elle avait elle-même conçu dans une fonderie près d’Arras. Elle en réduisit la taille et murmura, avec une gravité prophétique :
-
La mort nous fauchera tous. Personne n'y échappera.
À cet instant, dans le hall, Lucas avait envie de crier tant il peinait à contenir ses émotions ; sa sensibilité rendait la situation plus difficile encore. Illyria jeta un dernier regard autour d’elle, gravant chaque détail en mémoire pour emporter avec elle un souvenir impérissable de HOPE. Lucas, vacillant sous le choc reçu à la tête, s’accrocha à elle comme si sa vie en dépendait. Les larmes dévalaient silencieusement ses joues tandis qu’il souffrait déjà de l’absence à venir de sa chaleur et de son amour. Blottissant sa tête contre l’épaule de sa mère, il sentit la caresse apaisante de ses doigts glisser dans ses cheveux.
Depuis le haut de l’escalier, Jane observait la scène, agrippant la rampe d’une main ferme. Ses doigts se resserrèrent à mesure qu’elle tentait de ne pas regretter sa décision ; la pression lui fit bientôt mal. L’espace d’un instant, un doute fugace l’envahit, mais elle se ravisa rapidement. Relâchant la rampe, elle remonta lentement les marches. Sidonie fit son entrée dans le hall et resta silencieuse en écoutant les adieux déchirants entre Illyria et son fils.
Illyria déposa un dernier baiser sur le front de Lucas. Sa bouche tremblait et ses yeux, rougis à force de se frotter, étaient noyés de larmes. Elle posa doucement une main sur la joue de Lucas et lui sourit tendrement. Chaque pas qui les séparait accentuait la douleur qui les étreignait. La porte s’ouvrit, et Illyria le regarda une dernière fois avant de monter dans la voiture où Aleksandr l’attendait déjà. Lucas voulut la suivre, mais la porte se referma avant qu’il ne puisse la rejoindre.
Il ignorait que, derrière cette porte, sa mère s’effondrait en larmes en prenant place à côté d’Aleksandr. Celui-ci, silencieux, détourna le regard, incapable de supporter ses pleurs, car il voyait dans ces émotions une faiblesse à laquelle il ne souhaitait pas se confronter. Pourtant, un élan de souvenirs enfouis de sa propre enfance — quand on lui avait appris qu’un homme ne devait jamais pleurer — s’invita à son esprit.
Il se contenta de lui tendre un mouchoir, avant de replonger dans son silence, taciturne. Tout au long de la route, ils restèrent ainsi, muets, laissant Illyria se réfugier dans ses souvenirs de Lucas et de son mari défunt. Elle remercia le destin d’avoir pu le revoir une dernière fois.
Hannah et Sidonie s’approchèrent alors rapidement de Lucas. Alors que l’une tentait de le prendre dans ses bras pour le réconforter, il libéra soudain toute sa rage en frappant violemment le mur. Une profonde fissure s’ouvrit sous la force du coup, malgré l’absence de catalyseur, et HOPE fut aussitôt placé en alerte.
Furieux et dévasté par la peine, Lucas gravit les marches en chancelant, presque en trébuchant dans sa hâte de regagner sa chambre. À cet instant précis, Tobias descendait sans se douter de ce qu’il se passait et fut bousculé sans cérémonie par Lucas, qui l’ignora complètement. Même s'il portait constamment son bandeau anti-télépathie, Tobias n’eut aucun mal à percevoir le désespoir et la colère qui émanaient de son ancien camarade.
Tobias jeta un coup d'œil à Sidonie avant de s’éclipser discrètement. Mais Sidonie le rattrapa, suivie d'Hannah, visiblement préoccupées par les événements.
-
Tobias… Attends. Tu ne pourrais pas aider Lucas ?
-
À quoi ?
-
Tu sais très bien où je veux en venir, répondit Sidonie.
-
Ah oui ? Non, je ne vois pas.
-
Es-tu aveugle ? Sa mère vient de le quitter, il est dévasté, s’inquiéta Hannah. On doit faire quelque chose.
-
Désolé pour lui, répliqua Tobias, mais je ne vais pas m'immiscer dans sa tête et encaisser sa douleur à sa place ! Il est assez grand pour ça maintenant.
-
Comment peux-tu dire ça ? Vous vous êtes connus il y a des années, non ? Je ne comprends pas pourquoi tu te défiles, répliqua Sidonie, agacée par son manque d'empathie.
-
Et alors ? Je ne suis pas son psy ! Il doit apprendre à couper le cordon à son âge.
-
Tu dis ça pour lui ou pour toi ? objecta Sidonie avec provocation.
-
Vous commencez vraiment à m'emmerder là !
Le Suédois quitta brusquement les deux jeunes femmes, qui s’éloignèrent ensuite vers la cuisine pour décompresser.
-
Je l’aiderai, à ma façon. J'ai une dette envers lui, murmura Tobias pour lui-même.
Il s’éloigna d’un pas lourd, le poids de sa décision pesant sur ses épaules. Il se connaissait assez pour reconnaître sa tendance à éviter les confrontations émotionnelles, préférant se cacher derrière une façade d’indifférence plutôt que d’affronter les tourments des autres. Pourtant, malgré sa réticence, une pointe de culpabilité perçait en lui à l’égard de Lucas.
La vue du laboratoire de Sarah accentua son malaise. Il savait ce qui l'attendait à l'intérieur : une série de procédures aussi invasives que désagréables, sous le regard froid de sa nouvelle collègue peu bavarde. Chaque échange avec elle semblait empreint d'une certaine distance, ce qui ne faisait qu'alourdir l’atmosphère pesante de la pièce.
Lorsque la nanopuce fut implantée dans son bras, Tobias ressentit une douleur sourde qui lui rappela à quel point il était désormais lié à Jane et à son organisation. Il avait l’impression que chaque battement de son cœur résonnait avec le poids de cette décision, l’entraînant un peu plus dans un abîme de doutes et de regrets.
Sarah vérifia ensuite son taux d’alcoolémie, encore trop élevé. Il reçut une injection censée atténuer l'effet de manque, mais celle-ci déclencha une migraine intense et une profonde fatigue.
Lorsque tout fut terminé, Tobias quitta le laboratoire avec un mélange de soulagement et d'amertume. La nanopuce faisait désormais partie intégrante de lui, rappel incessant de ses choix et de leurs conséquences. Tandis qu'il regagnait sa chambre, accablé de lassitude, il se sentait plus isolé que jamais, perdu dans un océan de pensées sombres et de tourments intérieurs.
***
Walter, allongé sur son lit, souffrait d’une fièvre intense qui commençait lentement à redescendre. Jane entra discrètement dans la chambre, apercevant Lydia debout près du jeune homme, concentrée sur la tablette holographique de suivi. Sous un simple drap couvrant son torse, Walter semblait dormir paisiblement, bien que son front et sa poitrine moites trahissent la lutte de son corps.
-
Comment va-t-il ? demanda Jane, la voix empreinte d’inquiétude.
-
La fièvre baisse, mais il n’est pas encore tiré d’affaire. J’ai effectué plusieurs examens pour écarter tout risque de contamination par les créatures des égouts.
-
Bonne initiative, répondit Jane avec approbation. Qu’est-ce qui cause alors cet état ?
-
Les analyses montrent une prolifération inhabituelle de lymphocytes T spécifiques aux variants. Cela ressemble à un choc cytokinique, mais en réalité… c’est un phénomène inflammatoire massif. Nous sommes en train de définir le meilleur protocole. HOPE m’a transmis plusieurs hypothèses possibles.
-
En effet, intervint la voix de l’intelligence artificielle. Cette prolifération cause une modification structurelle de son ADN, un processus d’évolution, pour ainsi dire. Les cellules mutent au lieu de mourir. Selon mes calculs, un stress ou un événement traumatique pourrait accélérer ces changements dans le don du variant, causant des symptômes proches d’un état grippal. Le système immunitaire perçoit cette mutation comme une infection, déclenchant une réponse immunitaire intense.
Jane soupira, l’air à la fois préoccupé et résolu.
-
Merci, HOPE, je suis déjà passée par là plus d’une fois. Ce jeune homme a besoin de repos. Je te demande de surveiller ses constantes et de prévenir Lydia à la moindre anomalie. Ce garçon mérite toute notre attention.
-
Enregistré, madame, répondit HOPE.
-
Rah… gémit Walter faiblement.
-
Doucement, Walter, murmura Lydia. C’est moi, Lydia. Jane est avec nous.
-
Que… pourquoi je suis ici ? Qu’est-ce qui m’arrive ?
-
Ton don semble être en train d’évoluer, expliqua Lydia avec douceur. Ressens-tu quelque chose de particulier ?
-
Mes oreilles… elles me font si mal ! Ce sifflement est insupportable…
Lydia examina ses oreilles, mais ne remarqua rien d’anormal.
-
Je vais faire quelques tests auditifs, annonça-t-elle calmement. Je vais te placer un casque anti-bruit pour atténuer les sons et te soulager un peu.
-
Merci… répondit le jeune homme d’une voix à peine audible.
-
Reposez-vous, Walter, rassura Jane.
Lydia partit chercher le casque pendant que Jane restait près de lui, pensive. Peu après, Lydia revint, et en silence, elle ajusta le casque sur les oreilles de Walter pour diminuer les bruits ambiants. Jane lui tendit une tablette sur laquelle elle avait inscrit une question : « Ça va mieux ? » Walter hocha la tête, plus apaisé, et elle en prit note, soulagée elle aussi.
Les deux femmes s’éloignèrent alors discrètement de la chambre pour échanger à voix basse.
-
Des nouvelles concernant Kahlan Raven, le compagnon de Sidonie ? demanda Jane en baissant légèrement la voix.
Lydia répondit, le visage grave :
-
Oui, il est toujours sous observation dans la salle Enigma. Son état est stable, mais… Les scanners montrent des fluctuations cérébrales que nous n’arrivons pas à comprendre pleinement. Il reste dans une sorte de léthargie, même si ses signes vitaux sont normaux. HOPE continue d’analyser les données pour en savoir plus.
-
Aucun signe d’éveil ?
-
Non, rien depuis sa dernière mission. Nous soupçonnons une altération neurologique, mais les examens ne nous donnent pas de réponses claires. C’est comme si une barrière mentale l’empêchait de revenir complètement à lui.
-
La télépathie de Tobias pourrait nous aider à lever ce mystère, conclut Jane.
***
Quelques jours plus tard, Jane s’installa au bout de la table, l'air grave et attentif. Elle savait qu'il était crucial d'envoyer un signal fort pour maintenir le moral des troupes et éviter que l’abattement ne s’installe. Lydia, en blouse blanche, se tenait près de Sarah, qui manipulait un ordinateur portable. Lucas et Hannah furent les derniers à entrer. Lucas évita soigneusement le regard de Jane, qui lui avait confisqué son catalyseur pour l'inciter à suivre une thérapie comportementale. Il était malade à l’idée de partager la même pièce que son aïeule ; la tête dans les mains, les coudes appuyés sur la table, il demeurait silencieux, ignorant même Hannah et Sidonie.
Face à une assemblée réduite, Jane patienta quelques minutes, puis commença avec calme :
-
Bien. Je vous ai réunis pour apaiser certaines tensions et incompréhensions, notamment les tiennes, Lucas. Ensuite, je vous exposerai notre situation et nos objectifs.
-
Qu'est-ce que vous avez encore inventé pour ruiner ma vie ? rétorqua Lucas avec amertume.
Personne ne s'attendait à un tel affront. Le silence se chargea de tension, chacun craignant la réponse de Jane. Elle adressa un sourire en coin à son descendant, lui rappelant qu’elle pouvait se montrer bien plus acérée que lui, avant de choisir une approche directe.
-
Le départ de ta mère était nécessaire, Lucas Roselys. Tant que tu refuseras cette réalité, tu perdras ton temps à me haïr, alors que le monde bascule se dirige vers une purge sans précédent envers les nôtres. Illyria ne pouvait pas rester ici, à HOPE ; j’ai besoin d’elle pour diriger une nouvelle section de ce projet. Il n'y a rien à ajouter.
Lucas la fixait d’un regard sombre.
-
C’est censé me réconforter ?
-
C'est à toi d'en décider, Lucas. Mais tu vas devoir te reprendre, de gré ou de force. Il n’est pas question de céder au désespoir ni à l’égoïsme dans cette maison. Nous devons poursuivre notre combat, malgré les pertes que nous avons subies ces dernières semaines. Vous n'avez pas connu les guerres qui ont secoué le monde, et j'espère que cela n'arrivera pas. Pourtant, tout laisse à penser que la BMRA a intensifié ses efforts pour nous anéantir, et nous ne pouvons guère nous permettre d'attendre l'apocalypse et le chaos sans rien faire.
Le silence qui suivit témoignait de l'adhésion tacite des autres. Jane prit une petite gorgée de vin, un Bordeaux de 2094 importé de l'Empire Europa, laissant son regard se perdre un instant. Lucas, lui, demeurait immobile, ressassant l'absence récente de sa mère et la nécessité de se plier aux idéaux de Jane.
-
Je ne cherche pas des héros, reprit-elle, mais des partenaires fiables avec qui nous pourrons travailler sans la moindre entrave. Laisser nos émotions prendre le dessus peut nous coûter la vie en mission. La cohésion est essentielle dans ce projet. Si Illyria était restée ici, cela aurait suscité des tensions et des suspicions de favoritisme. Vous avez tous accepté de me rejoindre en échange de protection. Mais certains oublient peut-être les risques que nous encourons dans cette lutte. Je tiens toujours mes engagements, mais rien n'est gratuit. Faire exception pour un autre membre de ma famille aurait été insensé. Voilà, j’en ai fini sur ce point. Lydia, je vous laisse la parole.
Lucas n’était pas convaincu, se sentant plus isolé que jamais malgré la présence de ses camarades. Il avait à peine remarqué les tentatives de Tobias de lui adresser la parole ces derniers jours. Lucas était envahi par les souvenirs des récentes épreuves, notamment les paroles cruelles du faux Ethan qui appuyaient les dires de Jane sur la haine des humains contre les variants. Il demeura silencieux, sentant qu’il ne pouvait pas se permettre plus d’insolence ou de colère sans paraître capricieux.
Lydia prit une profonde inspiration, rassemblant ses notes manuscrites. Elle préférait cette méthode à celle des tablettes holographiques. Le docteur Sorel, après quelques hésitations, commença sa présentation, tandis que sa fiche s’affichait sur les écrans. Hannah lui sourit en signe de soutien, et Lucas lui adressa un bref regard, tandis que Sarah, fidèle à elle-même, resta impassible.
-
Madame, puis-je me permettre ? intervint Hannah timidement. Pourriez-vous nous dire… comment va Walter ? Que s’est-il passé lors de votre mission ?
Lydia baissa la tête, visiblement affectée par les souvenirs récents. Le sacrifice d’Hiro la hantait. Jane reprit une gorgée de vin. Malgré son expérience, elle détestait se remémorer ces instants sombres. Elle relata avec précision les événements : sa rencontre avec Lydia, l’attaque brutale de Jun et Sören dans les rues de Los Angeles, le crash de l’Héliosis, l’affrontement avec les renégats, la fuite par les égouts et, enfin, la disparition tragique d’Hiro parmi les infectés, emporté dans les ténèbres. Puis elle fit un point sur l’état de santé de Walter.
-
Walter doit se reposer. Son don est en pleine mutation, et ce processus pourrait durer plusieurs semaines.
Elle marqua une pause avant de poursuivre :
-
Quant à Sidonie et Tobias, notre nouvelle recrue, ils sont actuellement occupés, et je vous demanderai de ne pas les déranger pour le moment. Voici sa fiche ; je vous invite à la consulter. Chacun d’entre vous suivra un entraînement pour apprendre à bloquer son esprit contre la télépathie et les influences. Sachez également que tant que Tobias porte son bandeau, il ne peut pas pénétrer nos pensées, et HOPE surveille qu'il applique ce protocole.
-
En effet, confirma HOPE.
Lucas se souvint alors de Tobias, son ancien camarade de chambre à NickroN Renaissance, qu’il devait maintenant épauler. Les souvenirs de leurs soirées passées ensemble lui revinrent, des moments où ils refaisaient le monde autour de quelques bières clandestines, partageant leurs préoccupations de jeunes variants. Chacun gardait alors jalousement ses secrets, mais la loyauté et une rivalité amicale, parfois teinté de tensions, demeuraient. Lucas se sentit soulagé, au fond, de savoir que Tobias avait survécu à leur fuite de NickroN. Il ne se serait jamais pardonné s'il n'avait pas prévenu Tobias de fuir le refuge pour variants.
-
Voici les nouvelles directives de HOPE. J’ai décidé que tous les résidents seront désormais équipés d’une nanopuce, identique à celle implantée à Lucas et Tobias. Sans exception. Depuis le départ de Martha Moore, ces capteurs seront notre assurance en cas de capture et permettront une localisation rapide grâce à HOPE. L’incident dans les égouts de Los Angeles a révélé notre vulnérabilité sans soutien adéquat. Cela ne doit plus se reproduire. Nos montres et téléphones ont montré leurs limites et leurs dysfonctionnements en conditions réelles. Par ailleurs, Héliosis 2 sera opérationnel d’ici quelques semaines. Des questions ?
-
Madame, qui seront les prochaines personnes implantées ? demanda Sarah.
-
Vous et Hannah, répondit Jane d’un ton sans appel.
Tous les résidents restèrent silencieux, mais quelque chose semblait tracasser Hannah. D’un signe, Jane indiqua à Sarah d’apporter les plats et les boissons. Un silence pesant s’installa autour de la table, que seule l’arrivée des plats parvint à rompre. Le poulet rôti et ses légumes dégageaient un parfum appétissant, mais Lucas restait immobile devant son assiette. Hannah posa doucement sa main sur la sienne pour l’encourager à manger. Sarah, quant à elle, se tenait droite, observant Jane qui mangeait avec une élégance désuète. Lorsque leurs regards se croisèrent, Sarah baissa son regard et ne toucha presque pas à son assiette.
-
En raison des récents événements, un couvre-feu est instauré pour ce soir. Notre prochaine mission nous attend, et il vous faudra être bien reposés.
-
Pourrions-nous en savoir plus, s’il vous plaît ? demanda poliment Sarah.
-
Nous allons neutraliser le docteur Crane de la BMRA. Et si l’occasion se présente, détruire leur siège.
Une stupeur se répandit autour de la table ; tous les regards se tournèrent vers Jane avec inquiétude. Tous, sauf Sarah, semblaient bouleversés par cette annonce.
-
Attaquer la BMRA ? Vous en êtes certaine, Jane ? demanda Lydia, méfiante. Jusqu’à présent, nos missions visaient seulement à recueillir des informations et aider d’autres variants...
-
J’en suis certaine, Lydia. Le temps des actions prudentes est révolu. Un descriptif de mission sera envoyé dans vos chambres, et HOPE vous expliquera tous les détails.
-
Comment allons-nous procéder ? s’enquit Hannah.
-
Infiltration. Nous sommes trop peu nombreux pour une attaque frontale sans matériel ni soutien adéquat. Il faut frapper au cœur, compromettre leur image et leur autorité en dévoilant leurs atrocités. Leur réputation détruite sera notre arme. Reposez-vous et soyez prêts à tout moment. HOPE, protocole 403 : interdiction aux résidents de quitter leurs chambres dans deux heures, sauf Lydia pour des urgences médicales. Vous avez quartier libre dans la maison jusque-là.
-
Entendu, madame, répondit HOPE.
-
Hannah, les communications vers l’extérieur sont interdites. Quant à vous, Sarah, vous êtes déchargée de vos tâches d’analyse pour ce soir, ajouta-t-elle en s'adressant à la jeune femme, toujours impassible. Lydia, continua Jane, veillez sur Walter et… pour le reste, je vous fais confiance.

Lydia Sorel, alias Iaso, sexe féminin, née le 08/10/2082 (34 ans) à Los Angeles, Fédération Unie. Présente à HOPE depuis sept jours. Famille connue. Activité : médecin et chercheur au Kindred Hospital. Description : cheveux noirs au carré, yeux gris, 1 m 71, 58 kg. Don : le sujet est capable de soigner des blessures et certaines maladies moyennant un effort important. L'effet de la guérison ne fonctionne pas si les blessures ou les maladies sont trop graves. Intérêt pour la BMRA : élevé.

Tobias Olsson (pseudonyme), alias Edward, sexe masculin, né le 04/02/2096 (20 ans) à Stockholm, Britannie du Nord. Présent depuis 1 jour. Famille confidentielle. Activité : étudiant à l'université de Californie, Los Angeles. Description : cheveux roux foncés mi-longs, yeux marron foncé, 1 m 78, 67 kg. Don : télépathie et empathie. Le sujet est capable de percevoir les pensées des autres, les ressentir ou les projeter sur autrui. Il peut influencer la personne ou lui causer des maux de tête insoutenables à condition qu'un contact visuel ait eu lieu. Intérêt pour la BMRA : capital.
***
Sidonie et Tobias étaient tous deux bouleversés en voyant l’état dans lequel se trouvait Kahlan. Son visage tuméfié, les machines qui le maintenaient en vie… La vue était insoutenable, éveillant en eux une profonde tristesse et une culpabilité silencieuse. Tobias sentit un poids lourd oppresser sa poitrine, se demandant s’il aurait pu faire quelque chose pour éviter cette tragédie.
Sidonie, quant à elle, était dévastée de voir l’homme qu’elle aimait dans un tel état. Les larmes coulaient silencieusement sur ses joues tandis qu’elle luttait pour rester calme. La main réconfortante de Tobias sur son épaule lui apportait un peu de soutien dans ce moment de désespoir.
Ils restèrent immobiles devant la porte de la salle Enigma, incapables de détourner le regard de Kahlan. Chaque bip des machines résonnait en eux comme un rappel de la fragilité de la vie et de la cruauté du monde dans lequel ils évoluaient.
-
Dis-moi ce qu’il lui est arrivé, Tobias. Il doit savoir que je suis là… avec lui.
-
Tu ne veux pas lui parler ?
Sidonie ne répondit pas et s’approcha de Kahlan, murmurant doucement son prénom à son oreille. Aucune réaction. La télépathie semblait être la seule solution.
-
Cela risque de ne pas fonctionner, Sidonie.
-
Fais-le ! Je dois savoir…
Tobias utilisa sa télépathie pour atteindre l’esprit de Kahlan. Il ressentit alors une infime lueur de conscience, un mince fil de vie. Il redoubla d’effort pour s’en approcher.
Ses yeux se fermèrent, et Tobias se retrouva plongé dans un souvenir sombre, une scène imprégnée de pénombre. Une forte odeur de sueur, d’urine et d’excréments lui emplit les narines, et il fut pris de nausée. Il aperçut des filets de lumière filtrant sous une porte métallique ; les contours du souvenir se précisaient à mesure qu’il observait. Il comprit alors qu’il se trouvait dans une cellule de prison, quelque part dans un centre de reconditionnement. Kahlan gisait au sol, immobile, la barbe longue, les cheveux sales et le corps émacié. En prêtant l’oreille, Tobias entendit Kahlan murmurer faiblement un seul mot : « Sidonie ». Un chuchotement à peine audible.
Tobias s’approcha et s’agenouilla près de lui. Kahlan, perdu dans son propre délire, continuait de répéter le prénom de Sidonie.
-
Elle est avec moi ! Regarde-moi, Kahlan ! cria Tobias en posant une main sur son épaule.
-
Sidonie…
Tobias revint brusquement à la réalité, inspirant profondément. Kahlan semblait piégé dans ses propres souvenirs, et il ne pouvait rien faire sans l’aide de Sidonie. Il prit sa main et l’entraîna dans l’esprit de Kahlan. Ensemble, ils se matérialisèrent dans la même cellule, sordide et oppressante.
Sidonie se précipita vers Kahlan, saisissant son visage entre ses mains. Il était blessé ; du sang s’écoulait de ses tempes et de ses arcades sourcilières. Malgré le froid glacial de la pièce, elle retira sa veste pour couvrir Kahlan, dont le corps restait sans réaction. Il cessa pourtant de murmurer son prénom.
-
Kahlan, je suis là, c’est moi, Sidonie. Regarde-moi.
-
Fantômes… vous êtes des fantômes, des hallucinations…
-
Il faut que tu te réveilles, Kahlan ! Dis-moi ce qui t’est arrivé ! Pourquoi es-tu ici ?
-
Mourir… seul… elle me hante.
Tobias observait avec une certaine fascination la transformation de l’esprit de Kahlan, qui se laissait emporter par ses souvenirs de Sidonie. Devant eux, la scène se rejouait comme si le passé et le présent se confondaient. Il se demandait quelle force pouvait provoquer un tel phénomène, et comment cela pouvait influencer l’état de stase psychique de Kahlan.
Sidonie, émue par cette reconstitution de leur rencontre, sentit son cœur se remplir d’un mélange d’espoir et de douleur. Elle se laissait transporter par le souvenir de leur amour passé, désespérée de retrouver ne serait-ce qu’un instant de cette connexion avec Kahlan.
-
Tu es revenue, Sidonie…
-
Je t’ai retrouvé, Kahlan, tu es vivant ! Il faut que tu te réveilles...
-
Tu te souviens de ce soir-là, il y a treize ans. Tu m’as envoûté… tu as volé mon cœur.
Tobias ressentait une étrange tension dans l'air alors que Sidonie avançait lentement vers Kahlan. Il resserra sa prise sur son poignet, incitant à la prudence, mais il sentait également qu'un événement puissant et inéluctable se préparait. Il se demandait ce que cela signifierait pour eux.
Pendant ce temps, Kahlan contemplait la lune, perdu dans des pensées profondes et tourmentées. Son attitude était énigmatique, et Tobias se demandait ce qui pouvait bien habiter son esprit brisé.
Ignorant les avertissements silencieux de Tobias, Sidonie continuait de se rapprocher de Kahlan, attirée par une force mystérieuse qui les reliait d’une manière inexplicable. Elle sentait une énergie étrange pulsant entre eux, une connexion qui semblait transcender les barrières de l'esprit et du temps.
Tobias, les yeux rivés sur la scène, se tenait prêt à toute éventualité, conscient que ce moment pourrait changer leur destin à tous les trois.
-
Qu’est-ce que tu fais, Tobias ?! s’exclama Sidonie en tentant de libérer son poignet.
-
Tout s’effondre, Sidonie, il faut partir !
-
Non ! Je dois rester, je ne peux pas l’abandonner !
-
Sidonie, murmura Kahlan avec une étrange sérénité. Ce sont nos derniers instants ensemble. Tu m’as offert le plus beau des cadeaux en me sauvant autrefois. Grâce à toi, j’ai pu connaître l’amour. J’aurais tant voulu rester auprès de toi… Mais il est temps de se dire adieu.
-
Non ! C’est injuste ! Je t’en prie, Kahlan, reste avec moi ! Je vais te sauver ! hurla-t-elle, tandis que Tobias la retenait fermement.
-
Ne sois pas triste, Sidonie… Tu es forte, tu sauras trouver ton chemin…
-
Non ! Kahlan, j’ai besoin de toi ! Je suis désolée… Je t’aime ! Reviens avec moi…
-
Je t’aime, Sidonie…
-
Non ! Kahlan !
Le bâtiment trembla dans un fracas assourdissant, et l’obscurité envahit le paysage. L’esprit de Kahlan s’éteignait. Sidonie se dégagea de la poigne de Tobias et tendit les bras vers Kahlan. Mais avant qu’elle ne puisse le toucher, il disparut dans les ténèbres. Son cri déchirant résonna dans le vide, terrassée par le chagrin.
Tobias l’agrippa et, comprenant la fin imminente de cette stase psychique, la ramena à la réalité. En retrouvant ses esprits, il haletait, trempé de sueur, et remit précipitamment son bandeau anti-télépathie.
Sidonie reprit son souffle, puis son regard se tourna vers Kahlan. Les machines montraient une ligne plate : plus aucune activité cérébrale, plus de battements, malgré le respirateur toujours en fonction. Lydia et Jane, impuissantes, assistaient aux derniers instants de Kahlan. Il était trop tard.
Vaincue, Sidonie posa sa tête contre la poitrine inerte de son amour. Elle pleurait de tout son être, brisée par une peine insupportable.
-
Non… c’est impossible, souffla-t-elle. Aidez-le ! Pitié, faites quelque chose !
-
Je suis désolée, murmura Lydia en reculant, la voix empreinte d’émotion.
-
Jane ! Sauvez-le, cria Sidonie, désespérée.
-
Il est parti, Sidonie… Nous avons fait tout ce que nous pouvions.
-
Non ! Je refuse de croire qu’il est mort !
-
Tobias, laissez-nous, s’il vous plaît, fit Jane doucement. Allez vous reposer.
Le jeune homme quitta la pièce sans un mot, aussi accablé par la perte. Jane se rapprocha de Sidonie, touchée par sa douleur.
-
Sidonie, je veux vous aider à surmonter ça.
-
Laissez-moi seule…
Jane posa une main sur son épaule, incapable de masquer l’empathie qui l’habitait. Puis elle quitta la pièce, laissant Sidonie seule avec son bien-aimé.
Son chagrin se mua soudainement en une colère dévorante. Elle se sentait coupable, hantée par l'idée que Kahlan serait encore vivant si elle n'avait pas quitté le passé trois ans auparavant. Tout aurait pu être différent. Elle saisit le pendentif entre ses doigts et contempla le sablier. Un bond dans le temps ne pourrait pas le sauver et ne ferait que retarder l’inévitable. Dans un élan de désespoir, elle voulut jeter le pendentif contre le mur, comme pour renier cette capacité qui lui semblait être une malédiction.
Rien n’avait plus de sens désormais. Elle resta des heures à ses côtés, accablée par la douleur. Plus rien ne comptait, et elle se demandait si elle méritait de vivre sans lui. Un cri déchirant s’échappa de sa gorge, et ses larmes coulèrent sans fin, ses yeux rougis de douleur. Son cœur semblait irrémédiablement brisé. Exténuée, elle finit par s’endormir, blottie contre le corps de Kahlan.
Soudain, un chaos angoissant la réveilla brutalement. Une explosion retentit dans la pièce, laissant Sidonie étourdie et confuse. Elle se redressa précipitamment, le cœur battant à tout rompre, alors que les lumières vacillaient et s’éteignaient.
L'alarme stridente résonnait dans ses oreilles, ajoutant à la confusion ambiante. Sidonie se sentait plongée dans un cauchemar, incapable de discerner la réalité de l’illusion. Le chagrin et le choc de l'explosion embrouillaient son esprit.
Elle cherchait frénétiquement des réponses, tentant de comprendre ce qui se passait autour d'elle. Était-ce une attaque terroriste ? Une fuite de gaz ? Elle se leva, tremblante, et s'approcha de la porte, son esprit tourbillonnant de questions et de peur.
Dans l'obscurité et le chaos, Sidonie se sentait vulnérable et perdue. Elle devait trouver un moyen de sortir de cette situation, mais pour l’instant, elle était submergée par la panique.
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L'alerte maximale retentit : HOPE est attaquée par voie aérienne et terrestre. Compte à rebours de l'autodestruction : 5 minutes.
Sidonie regarda une dernière fois Kahlan, paisible dans son dernier sommeil, puis se décida à sortir précipitamment. Dans le couloir menant à la salle Enigma, elle activa le cadran holographique pour ouvrir le sas vers le salon, envahi de fumée opaque. À peine le sas ouvert, une série de bombardements fracassants lui déchira les tympans. Des vitres explosèrent en éclats, projetées par des robots d’élite de la BMRA suivis d'hommes armés qui les dirigeaient. Sidonie ne voyait aucun de ses camarades ; une vague de stress lui noua l’estomac. Elle voulut fuir, espérant apercevoir un visage familier. Son cœur battait la chamade, prêt à bondir hors de sa poitrine. À l’autre bout de la pièce, des hommes lourdement armés se déplaçaient, prêts à exterminer les membres de HOPE. Seul son don temporel pourrait la sauver.
Il fallait agir vite, ne pas hésiter. Chaque seconde était un supplice. Monter ? Sortir ? Où aller ? Une nouvelle explosion, plus proche, résonna à sa droite. Le souffle la projeta violemment au sol. En se relevant, hagarde, elle sentit du sang chaud couler sur son visage, trempant sa tunique. Ses tympans sifflaient ; elle perçut à peine des pas précipités et des tirs dans la pièce. Les murs, décorations et meubles s’effondraient sous les impacts.
Elle jeta un regard et aperçut Lydia gisant au sol, une balle dans la tempe. Elle avait tenté de fuir les tirs des robots dès le début de l’attaque. Sidonie fut glacée d’effroi en voyant le visage ensanglanté de Lydia, les yeux encore ouverts. Elle était morte.
La vue du corps sans vie raviva en elle un instinct de survie. Sidonie ne pouvait pleurer Lydia maintenant ; elle devait retrouver les autres et tenter de s’échapper. Soudain, une pensée de Tobias retentit dans son esprit, grâce à la télépathie.
Des coups de feu éclatèrent à l'étage, en haut des escaliers, suivi d’un silence. Elle devinait Jane et Hannah retranchées, répondant aux tirs ennemis. Tout s’enchaînait si vite. Les deux femmes tirèrent à nouveau, abattant plusieurs assaillants.
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Sidonie, montez ! cria Jane. Mettez-vous à couvert et rejoignez Lucas !
Jane, saisissant son arme, tira plusieurs coups vers le rez-de-chaussée, tuant trois hommes. Sidonie courut, le cœur serré, en voyant les ennemis gisant, le crâne fracassé. Mais un tir du robot répliqua, touchant Jane à la hanche. Elle s’écroula au sol, retenant la plaie d’une main. Hannah défit son gilet pour comprimer la blessure, tandis que Tobias rampait pour rejoindre l’escalier, aux côtés de Sidonie.
Sidonie réalisa qu’elle avait involontairement déclenché une stase temporelle en tenant son pendentif à l’horizontale. Ce pouvoir suspendit tous les mouvements ennemis, lui permettant de grimper les marches à toute vitesse pour retrouver ses alliés. L’effort lui provoqua une vive migraine, mais elle parvint au palier. Elle aperçut Jane, gisant avec Hannah tentant de la soutenir.
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Rejoignez… Lucas… Walter, murmura Jane, épuisée.
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Non ! Venez, Jane, insista Hannah, essayant de la relever. On ne part pas sans vous !
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Faites ce que je dis, Hannah ! insista Jane. Trouvez les autres et quittez cet endroit. Survivez !
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Viens, Hannah, fit Sidonie en lui prenant le bras.
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Je suis désolée, Sidonie, murmura Jane.
Les deux femmes échangèrent un regard hors du temps. Pour la première fois, Sidonie lut une étincelle d’affection dans les yeux de Jane, ce qui la troubla malgré l’urgence de la situation. Jane perdit connaissance, et les deux jeunes femmes se hâtèrent vers la chambre de Walter. Personne à l’intérieur. Où était-il ? Tobias ? Et Sarah ? Aucune réponse.
Sidonie et Hannah coururent jusqu’à la chambre de Lucas, où elles le trouvèrent recroquevillé, le catalyseur à la main, tremblant de panique. Hannah le força à la regarder dans les yeux.
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Lucas, reprends-toi ! cria-t-elle en le secouant.
La présence de ses amies le rassurait, le ramenant à lui-même et l'empêchant de sombrer.
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Où sont les autres ?! HOPE ? pesta Sidonie. Aucune réponse de l'intelligence artificielle.
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Il faut fuir, ils vont nous retrouver d’une minute à l'autre… insista Hannah.
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On va remonter le temps, tous les trois.
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Tu es sûre ?! On risque de croiser… nous-mêmes !
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Peu importe. Prenez mon bras.
Avant qu’elle puisse faire le moindre mouvement, quelqu'un entra dans la pièce, vêtu de noir de la tête aux pieds. Son visage restait caché dans l’ombre. Il leva un pistolet, et tous se figèrent sous la menace de l’arme. La fin semblait inévitable.
Lucas, pris d'une rage soudaine, se redressa d'un bond et concentra son énergie en levant le bras. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas utilisé ce pouvoir, mais la situation était désespérée.
Un dôme de lumière entoura Lucas et ses deux amies, stoppant les balles de l’assaillant qui rebondissaient contre le bouclier scintillant. Le bras de Lucas tremblait alors qu’il luttait pour maintenir l’énergie, ses forces s’épuisant à chaque seconde.
Voyant cela, l’inconnu rangea son arme, patientant. Il savait que Lucas ne pourrait pas tenir éternellement. Bientôt, plusieurs hommes entrèrent dans la pièce. Le bouclier s'estompa alors que Lucas, à bout de force, laissait tomber son bras. Ils étaient pris au piège.
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Lâchez vos armes et les mains en l’air ! Ceux-là doivent rester vivants. Tirez-leur dans les jambes s’ils tentent quoi que ce soit !
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À vos ordres.
Sidonie observa l’inconnu, cherchant son identité. Un traître. Jane avait raison de croire qu’un des membres de HOPE avait vendu la lutte contre la BMRA. Il pouvait s’agir de n’importe qui, sauf de Lydia et de Kahlan.
Lucas laissa tomber son catalyseur avec un bruit sourd et leva les mains, imité par Sidonie et Hannah. L’espoir semblait s’éteindre, et aucun plan de fuite ne leur venait à l’esprit. Soudain, une explosion retentit tout près, fracassant le mur adjacent. Jane, dans un dernier geste désespéré, avait lancé une grenade subtilisée au garde qui pensait qu’elle était déjà morte. Les agents ennemis furent projetés vers les fenêtres, certains grièvement blessés ou tués sur le coup. L’inconnu tomba au sol, sonné. Sidonie, Lucas et Hannah furent également propulsés, atterrissant lourdement sur le lit.
Sidonie fut la première à reprendre ses esprits. Elle s’assura que ses amis étaient vivants ; ils n’étaient que sonnés. Il fallait partir, et vite.
Mais Sidonie réalisa alors qu’elle ne savait pas comment utiliser son don pour transporter deux personnes inconscientes dans un bond temporel. Trop tard. L'inconnu s'était relevé et, avant qu’elle ne puisse réagir, il visa et tira. La balle effleura son bras, lui arrachant un cri de douleur. Elle pressa sa main sur la plaie, incapable de bouger.
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Si tu bouges, je te bute ! siffla l’inconnu.
Sidonie écarquilla les yeux en reconnaissant l'inconnu.
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Toi… Pourquoi tu nous as trahis ?
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La ferme ! Donne-moi ton pendentif !
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Viens le chercher toi-même, espèce d’ordure !
L’inconnu se rua vers elle, mais Sidonie saisit la lampe de chevet et, d’un coup sec, la fracassa contre sa tête. Il chancela, mais eut encore le temps de tirer une dernière balle. Sa vision s’obscurcit tandis qu’il voyait Sidonie disparaître sous l’effet du pendentif qui s’illuminait.
Sidonie sentit la douleur la saisir de toutes parts. Le pendentif cessa de tourner, l’ayant ramenée dans le passé.
Elle se retrouva dans la chambre de Lucas, de nuit, exactement là où elle se trouvait quelques secondes auparavant. La chaîne du catalyseur temporel tomba de sa main, et le sablier se brisa au sol.
Elle posa la main sur son ventre et vit du sang. Puis l’obscurité la submergea.