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Sidonie Wallorn

Sidonie

Hiro Hawk

Hiro

Sidonie Wallorn

Sidonie

Sarah Garden

Sarah

Jeanne Roselys

Jane

HOPE

HOPE

Lydia Sorel

Lydia

Chapitre 12 : « Fin et renouveau »

Année 2116 | 27 novembre, 3 h 40 – QG HOPE, Santa Monica, Los Angeles - Californie

Alertés par le vacarme, Lucas et Illyria se précipitèrent dans la chambre de Sidonie, juste à temps pour la voir s’effondrer au sol. Inquiets, ils demandèrent à HOPE de prévenir Lydia et Jane afin d’aider leur camarade blessée. HOPE confirma que la Sidonie de cette réalité se trouvait bien dans sa chambre, endormie paisiblement, et avertit Jane des risques de distorsion temporelle si les deux Sidonie venaient à se croiser. L’intelligence artificielle ne pouvait pas déterminer de quel espace-temps venait cette nouvelle Sidonie, bien que ses vêtements et sa coiffure ressemblent presque exactement à ceux de l’originale.

Lydia s’attela rapidement à soigner Sidonie, qui avait sombré dans le coma.

  • Je confirme l’identité de cette personne, c’est bien Sidonie Wallorn, madame.

  • Je préfère en avoir le cœur net, HOPE. Une prise de sang pour comparer avec notre Sidonie s’impose. Je n’aime pas les surprises, et je l’avais prévenue d’être prudente…

  • Elle a été touchée au ventre, intervint Lydia en se préparant pour l’opération. Je vais devoir extraire la balle avec l’aide de HOPE.

  • Vous pouvez la soigner, Lydia ? Nous avons besoin de discrétion… et de réponses quant à cette apparition imprévue.

  • Elle a perdu beaucoup de sang, mais ses constantes semblent stables. HOPE m’a confirmé que nous disposons du nécessaire pour cette intervention. Oui, je devrais pouvoir la sauver, rassura Lydia.

  • HOPE, empêche Sidonie de quitter sa chambre. Je viendrai la voir rapidement pour lui expliquer la situation.

  • A vos ordres, acquiesça l'intelligence artificielle.

 

Après avoir extrait le projectile de l’abdomen de la jeune femme, Lydia posa ses mains sur la plaie et concentra son énergie pour la guérir. Cependant, la blessure ne se referma qu’à moitié. Elle comprit alors qu’elle devrait la soigner uniquement par des moyens médicaux conventionnels. Pour écarter tout risque d’hémorragie interne, HOPE réalisa un scanner et informa Lydia que le foie de Sidonie avait été atteint ; une intervention immédiate était nécessaire pour la sauver.

Dans sa chambre, la Sidonie de cette réalité, prévenue par HOPE, attendait l’arrivée de Jane. Elle observait Lydia opérer son homologue à travers l’hologramme de HOPE, stupéfaite de se voir dans un tel état. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas été confrontée à une version d’elle-même. En règle générale, elle évitait les situations où elle risquait de se croiser, par peur de provoquer un paradoxe.

Jane, qui observait son visage marqué par l’inquiétude, brisa le silence.

  • Que va-t-il se passer, Sidonie ?

  • Où est-elle apparue ? demanda-t-elle, encore sous le choc.

  • Dans la chambre de Lucas, au milieu de la nuit. D’après le docteur Sorel, elle a été blessée par balle. Son pendentif, identique au vôtre, a été retrouvé au sol, brisé, répondit Jane en lui montrant l’objet détruit.

 

Sidonie recula instinctivement. Elle savait qu’il ne fallait pas que les deux objets se touchent sous peine de déclencher une réaction incontrôlable. Elle reprit son calme et couvrit son propre pendentif de sa main.

  • Je suppose qu’elle a fui pour revenir ici, dans notre réalité.

  • Comment pouvez-vous en être si sûre ? demanda Jane, sceptique.

  • Parce que c’est ce que j’aurais fait si j’avais été en danger et qu’on m’avait tiré dessus, Jane. Vous avez accepté ce risque en m’intégrant à HOPE.

 

Un silence tendu s’installa tandis que les deux femmes observaient Lydia opérer l’autre Sidonie, diffusée en hologramme par HOPE. Jane réfléchissait aux possibles conséquences de cette anomalie temporelle.

  • Peut-on la renvoyer dans son époque ?

  • Vous n’y pensez pas, Jane ! répliqua Sidonie, indignée.

  • Selon vos capacités, je ne veux pas risquer que votre double nous crée des ennuis…

  • Pensez-y bien. Si elle est revenue ici, blessée, cela signifie que dans le futur, nos doubles ont été attaqués. Vous l'avez dit vous-même, il y a probablement un traître parmi nous, ou alors la BMRA nous a localisés et a détruit notre refuge…

  • C’est difficile à croire. La BMRA n’aurait jamais tiré sur votre double. Votre don leur aurait été trop précieux.

  • Quelqu’un a cherché à l’empêcher de fuir, et cela confirme vos soupçons. Si vous voulez qu’elle survive, je dois m’éloigner pour que vous puissiez l’interroger.

 

Jane resta silencieuse un instant, analysant toutes les situations. Sidonie devait certainement avoir raison.

  • Et que se passera-t-il si vous restez ? lui demanda-t-elle.

  • Elle subira une distorsion temporelle, ce qui pourrait la faire disparaître de cette réalité, répondit Sidonie. Et si je la touche, il est possible que nous soyons toutes deux effacées, ce qui pourrait détruire tout le complexe. Je dois partir immédiatement.

  • Je vous autorise uniquement à vous rendre dans la salle Enigma, Sidonie.

  • Vous m’aviez pourtant interdit…

  • Les choses ont changé. Allez-y, et préparez-vous à nous aider si Lydia vous le demande. Considérez cela comme un signe de gratitude pour avoir mené à bien la mission que je vous avais confiée. Aleksandr est déjà en route pour intercepter notre futur invité au site Bêta.

  • Merci, répondit simplement Sidonie.

Elle se dirigea alors vers la salle Enigma, cette fois seule.

 

Jane retourna à l'infirmerie, préoccupée par cet échange. Quelques minutes plus tard, Lydia sortit de la salle d’opération, enlevant sa charlotte, sa blouse et ses gants maculés de sang, avant de respirer profondément.

  • Comment va-t-elle ? demanda Jane.

  • Il faudra attendre, madame. La balle a gravement endommagé une partie de son foie, et j’ai dû opérer seule, malgré l’aide de HOPE et du matériel disponible. Mon don n’a pas suffi pour la soigner totalement, ce qui m’inquiète. L'analyse de sang est en cours pour confirmer son identité.

  • Merci, Lydia. J’ai permis à notre Sidonie de se rendre dans la salle Enigma pour voir Kahlan. Dès que cette Sidonie sera réveillée, je dois l’interroger. Nous discuterons de vos recherches plus tard.

  • Entendu. HOPE surveillera ses constantes pendant que je procède aux analyses.

 

De retour à son bureau, Jane démarra son ordinateur et lança plusieurs recherches cruciales. Deux heures plus tard, un message urgent fit sursauter la comtesse de Roselys. En lisant le rapport, un choc violent la traversa, et elle faillit basculer de sa chaise. « Impossible, cela ne peut être vrai… » se répéta-t-elle, abasourdie. Ce détail essentiel avait été sous son nez depuis le début, sans qu’elle n’y prête attention. Bien qu'elle ait déjà fait face à des révélations déstabilisantes, cette fois, elle se sentait à la fois ébranlée et terrifiée.

Elle rédigea immédiatement un message au destinataire, lui enjoignant de garder cette information confidentielle et de détruire le rapport sans délai. Il était peut-être déjà trop tard, si un traître avait eu accès à ces données, mais HOPE avait fort heureusement mis en place un protocole de sécurité rigoureux pour protéger Jane et ses informations les plus sensibles. Plongée dans ses pensées, elle se laissa envahir par la portée de cette découverte. Jane, qui anticipait habituellement chaque détail et calculait méticuleusement les conséquences de ses décisions, ne pouvait en croire ses yeux. Pourtant, contre toute attente, cette information rallumait en elle une flamme d’espoir.

Sidonie avait vu juste : le traître devait être démasqué avant que la BMRA ne s'en prenne à HOPE. Ce scénario devenait non seulement plausible, mais inquiétant. Encore bouleversée, Jane quitta son bureau et se rendit auprès de la deuxième Sidonie, toujours inconsciente mais dans un état stable. Avec une tendresse rare, elle posa sa main sur le visage de la jeune femme, priant silencieusement pour qu’elle survive et puisse répondre à ses questions.

***

En fin de matinée, Hiro était affalé sur le canapé du salon, casque de réalité augmentée vissé sur la tête, cherchant désespérément à s'évader. Dans cette réalité temporelle, il avait miraculeusement survécu aux événements traumatisants des égouts quelques semaines plus tôt, mais son ami Walter n'avait pas eu cette chance. Malgré les tranquillisants que Lydia lui avait prescrits et des séances de psychothérapie régulières pour accélérer sa guérison, Hiro, peu enclin à partager ses émotions, peinait à se remettre de la perte de Walter.

Sarah s'installa en face de lui, une lueur d'inquiétude dans le regard.

  • On peut parler ? demanda-t-elle.

  • Qu’est-ce qu’il y a ? répondit-il, interrompant la musique new-age dans son casque.

  • Je suis inquiète pour Sidonie, murmura Sarah.

  • Lydia s’occupe d’elle. Je lui fais confiance pour ça.

  • Sans doute, tu as raison. HOPE reste évasive sur son état. Elle agit étrangement depuis quelques jours, comme si elle cachait quelque chose.

  • C’est une IA hors du commun, mais elle obéit avant tout à Jane. Il va falloir t'y habituer...

  • Je sais bien, mais je me rends compte que la vie ne se résume pas à de simples lignes de codes ou des données dans un tableau. Depuis la mort de Walter et le départ de Martha, j’ai l’impression qu’un fossé s’est creusé entre nous. Lucas peine à trouver sa place, et je crains qu’on revive les tensions passées.

  • Les choses changent, Sarah. Malheureusement, on n’y peut rien.

 

Sarah prit une profonde inspiration avant de poser cette question :

  • Tu penses à Walter, n’est-ce pas ?

  • Oui, répondit Hiro. Son absence est difficile à supporter.

  • Et que penses-tu de Lydia et Lucas ?

  • Lydia nous a sauvés dans les égouts, sans elle, je ne serais probablement pas là. Lucas, en revanche, me paraît immature. Jane lui accorde trop d’importance pour quelqu’un qui ne semble pas s'investir dans le Projet HOPE. Mais seul l'avenir nous le dira.

  • Tu as peut-être raison. Bon, je dois retrouver Lydia pour ma séance. À plus tard, Sarah.

 

Hiro retira son casque et se dirigea vers le laboratoire, où il trouva Lydia en conversation avec Jane. Un léger sourire étira les lèvres de Lydia lorsqu’elle le vit arriver de son plein gré, un signe de progrès dans son suivi psychologique.

Lydia l'invita à s'asseoir, tandis que Jane prit place en face de lui. L’idée de voir Jane à cette séance lui déplaisait ; il refusait toujours de reconnaître qu’il avait besoin d’aide pour surmonter ses traumatismes récents.

  • Merci, Hiro, d’être venu de ton plein gré. Comment te sens-tu aujourd’hui ? demanda Lydia.

  • J’ai connu mieux, répondit-il avec agacement.

  • Le dosage des médicaments est-il plus adapté ?

  • Oui. Merci Lydia.

Jane posa une boîte de pilules sur la table. Hiro soupira.

  • Dans ce cas, pourquoi les jetez-vous dans la poubelle de votre salle de bain ? intervint Jane, sévère. Je vous conseille de ne plus mentir.

  • Ces séances et ces médicaments sont inutiles ! Je ne souffre pas de stress post-traumatique depuis l’épisode des égouts !

Lydia croisa les bras, visiblement déçue. Elle voulait vraiment aider Hiro à surmonter cette souffrance insidieuse. La dépression n’était pas à prendre à la légère.

  • J’ai merdé, je le sais, admit Hiro.

  • Et pas qu’un peu, répliqua Jane. J’ai besoin de savoir si vous êtes capable de reprendre votre rôle de garde du corps. Votre insubordination quant aux traitements prescrits prouve le contraire.

  • Je comprends, madame. Walter était plus qu’un collègue, c’était un ami.

  • Sa perte t’affecte beaucoup, enchaîna Lydia. Il n’y a aucune honte à admettre que tu as besoin d’aide.

  • Hiro, veuillez suivre scrupuleusement les recommandations du docteur Sorel. Je ne veux pas en arriver à vous faire soigner de force.

 

Hiro acquiesça, fuyant leurs regards.

  • Merde ! Sidonie !

 

Lydia et Jane se retournèrent. Sidonie, inconsciente, convulsait dans son lit, sans qu'aucune alarme ne se déclenche. Lydia réagit aussitôt, plaçant les électrodes sur sa poitrine pour tenter de réanimer son cœur. Un choc électrique, puis un autre. Après plusieurs tentatives, Sidonie retrouva un pouls faible et une respiration hachée. Sans l’observation de Hiro, elle aurait sans doute succombé.

  • Pourquoi HOPE n’a-t-elle pas détecté l’anomalie dans son rythme cardiaque ?

  • Je n’en ai aucune idée, madame, mais cela ne peut être une simple coïncidence.

  • Hiro, restez ici pour veiller sur Sidonie. Personne, hormis Lydia et moi, ne doit entrer sans mon autorisation !

  • Comptez sur moi !

 

Jane et Lydia se dirigèrent ensuite vers le cabinet médical pour discuter de l’incident. Pendant ce temps, Hiro resta près de Sidonie. Après une demi-heure, elle ouvrit soudainement les yeux, en sueur, l’air terrorisée. Hiro appela immédiatement Lydia.

  • Sidonie, regarde-moi. C’est Lydia. Tu dois rester calme et ne pas bouger.

  • Tu… tu es en vie, Lydia…

  • Reste tranquille, tu as besoin de repos, insista le médecin en retenant la jeune femme agitée. Tu as été blessé par balle après être apparue dans la chambre de Lucas.

 

Sidonie, les yeux troublés, cherchait désespérément à comprendre comment Lydia pouvait être encore en vie. Elle avait du mal à se remémorer son saut temporel, jusqu'à revoir un flash rapide des évènements.

  • Vous… vous étiez tous morts... dans ma réalité temporelle.

  • Qu'est-il arrivé ? demanda Lydia.

  • Attaque… BMRA… Il y a un traître…

  • Qui, Sidonie ? Qui est le traître ?

 

Un nouveau spasme secoua Sidonie, plongeant Lydia dans la confusion, d’autant plus que les machines n’indiquaient aucun problème. Le médecin soupçonna une réaction liée à la proximité de l’autre Sidonie dans la salle Enigma. Son corps semblait réagir violemment à cette cohabitation temporelle. Secouée par des convulsions, Sidonie criait de douleur, le visage marqué d'angoisse. Hiro, impuissant, restait à ses côtés, le regard inquiet.

Lydia appela Jane et HOPE en urgence, mais l'intelligence artificielle demeurait étrangement silencieuse.

Jane et Sidonie arrivèrent en hâte, tandis que la Sidonie du présent restait en retrait derrière une vitre, communiquant par un hologramme. L’horreur d'une destruction temporelle inévitable se déployait sous leurs yeux, les laissant dans une impuissance accablante. Près du lit, Jane, Hiro et Lydia observaient, tiraillés entre urgence et effroi.

  • Je ne sais pas ce qui lui arrive, confia Lydia, désemparée. Je n’ai jamais vu ça…

  • C’est la distorsion temporelle, expliqua Sidonie à distance.

  • Y a-t-il un moyen de la soulager ? demanda Jane, troublée.

 

Sidonie secoua la tête.

  • Nous devons faire quelque chose ! s'insurgea Lydia avec détermination.

  • Vous ne pouvez rien faire, docteur, répondit Sidonie, d’une voix mesurée. J’ai déjà vécu ce genre de situation : il fallait que je saute dans une autre réalité ou que je m’en éloigne au maximum. Elle ne pourra pas le faire. Son pendentif est détruit. Même inconsciente, elle continuera à subir cette distorsion... Elle n’appartient pas à cet espace-temps si je suis présente.

  • Vous ne pouvez pas quitter ce complexe, trancha Jane d’un ton inflexible. J’ai besoin de comprendre pourquoi.

Sidonie coupa brusquement la communication holographique, ses traits empreints d’une colère résignée. La réponse de Jane résonnait comme une accusation indirecte, la rendant responsable de cette tragédie.

  • Peut-être pourrions-nous la transférer dans un autre centre ? tenta Jane.

  • Impossible, madame, elle est bien trop faible pour un transport sans éveiller les soupçons extérieurs.

  • Lydia, Hiro, laissez-moi seule avec elle, ordonna Jane.

 

Sans un mot, ils s’éloignèrent, accablés par une fatalité pesante. Lydia, en tant que médecin, luttait intérieurement contre l’impuissance qui l’étranglait. Hiro, ébranlé, tenta maladroitement de la réconforter en l'entourant de ses bras.

Une heure s’écoula. Jane, restée auprès de Sidonie, la regardait, démunie, tandis que les convulsions de la jeune femme s'intensifiaient. Avec une tendresse inattendue, la comtesse posa une main apaisante sur sa joue, lui promettant de rester jusqu’au bout. Sentant ses dernières forces s'étioler, Sidonie ressentit le besoin impérieux de partager tout ce qu'elle savait avec Jane, la seule capable de bouleverser le cours des événements.

Puis vint le silence. Lentement, le corps de Sidonie disparut, effacé de cette réalité. Jane contempla le lit vide, son regard noyé de réflexion.

Elle se redressa avec dignité, et, les larmes coulant doucement sur ses joues, elle quitta la pièce. Tout devenait limpide.

Illyria Roselys

Illyria

Lucas Roselys

Lucas

Hannah Galaway

Hannah

Année 2116 | 27 novembre, 10 h 15 – Site Epsilon, quartier La Playa, San Diego - Californie

Peu après l'incident avec Sidonie, Lucas, rongé d'inquiétude, peinait à trouver le sommeil. Bien qu'il sache qu'elle n'était pas la Sidonie de sa réalité, cela n'apaisait en rien son angoisse. Dans cette réalité, Illyria était toujours à HOPE, Jane s'étant ravisée au dernier moment. Lucas se montra plus coopératif malgré une profonde méfiance envers son aïeule.

Au petit matin, alors que l’aube pointait à peine, Illyria, inquiète de voir son fils se tourner et se retourner sans repos, resta un long moment à l’observer. Son angoisse grandissait, chaque minute sans sommeil lui rappelant le visage de John, le père de Lucas.

À huit heures, le ciel s'était couvert de nuages menaçants, prélude à une pluie imminente. Déjà prête, Illyria approcha Lucas, encore affalé dans son lit. Elle posa une main douce sur son épaule pour le réveiller, mais son cœur se serra : l'espace d'un instant, elle crut apercevoir John.

Lucas grogna, encore engourdi. Illyria renonça à sa douceur habituelle et se dirigea vers l'interrupteur tactile, allumant les lumières et ouvrant les volets. L'obscurité de la pièce se dissipa, laissant entrer l'atmosphère morose qui régnait dans tout le complexe. Lucas bougea, gémissant de nouveau.

Illyria tira brusquement la couette, le faisant sursauter. Le jeune homme émergea, les yeux à demi fermés, ressentant immédiatement la fraîcheur hivernale de la pièce sur sa peau. Enroulé dans une couverture, il s’assit au bord du lit, frottant ses yeux fatigués. Lucas bâilla, luttant contre la fatigue.

  • Lucas, c’est l’heure, tu dois te préparer, déclara Illyria. Va prendre une douche et viens manger quelque chose.

  • Comment va Sidonie… ? Pourquoi on doit partir déjà ? grommela-t-il, la voix encore pâteuse.

  • Nous devons nous rendre à Epsilon. Quant à Sidonie, on m’a dit que son état était stationnaire. Jane et Lydia n’ont pas voulu m’en dire plus, et HOPE semble injoignable.

  • Mais pourquoi ?

  • Je l’ignore, mon chéri. J’ai été surprise d’apprendre qu’elles étaient deux. Ce don temporel est à la fois fascinant et dangereux.

  • Je l’apprécie beaucoup, tu sais, peu importe d’où elle vient.

  • Je le comprends. Elle est adorable, et tu as de la chance de la connaître. Allez, dépêche-toi, nous n'avons que dix minutes !

 

Lucas se leva difficilement et rejoignit la salle de bain, cherchant un réconfort dans l’eau chaude de la douche. Une fois rafraîchi, il enfila un pull bleu clair, un jean, une veste en cuir noir et une écharpe rouge, un assortiment de vêtements choisis parmi le peu qu'il avait pu emporter lors de sa fuite de Seattle. Son catalyseur métallique pendait à sa ceinture, et, à la demande de HOPE, il portait un brouilleur sous la forme d'une boucle d'oreille discrète en diamant.

En novembre, le froid se montrait implacable, signe des changements climatiques devenus incontrôlables ces dernières années. Revenant dans la pièce principale, plus alerte, Lucas se laissa tenter par un café rapide préparé par sa mère et glissa une banane dans sa veste.

Illyria, prête à partir, ajusta un foulard violet autour de son cou pour dissimuler son propre brouilleur. Descendant les escaliers vers la cuisine, ils aperçurent Hannah, absorbée dans son téléphone. Elle leva les yeux, esquissant un sourire fatigué.

  • Bonjour, madame… salut, Lucas ! lança-t-elle d’un air las.

  • Bonjour, Hannah, répondit Illyria.

  • Salut, ça va ? demanda Lucas, remarquant son air préoccupé.

  • Je suis encore bouleversée par ce qui s’est passé cette nuit… J’espère qu’elle va s’en sortir.

  • Ne t’inquiète pas, on reviendra vite, et Sidonie est entre de bonnes mains. Si tout est prêt, allons-y. Aleksandr est prêt ?

  • En fait… il ne viendra pas avec nous, répondit Hannah. Un changement de programme de dernière minute. Ce sera juste nous trois.

 

Le soulagement d’Illyria était palpable ; elle espérait éviter toute tension avec Aleksandr, surtout devant Lucas, à qui elle avait recommandé de rester éloigné du mercenaire. Malgré la curiosité de son fils, elle l’encourageait à s’intégrer au reste du groupe, évitant toute confrontation inutile.

Lucas observa l’expression préoccupée de sa mère. Se demandant ce qui la tracassait, il lui demanda discrètement. Elle lui répondit par un sourire rassurant, un geste familier qui lui rappelait leur relation de jadis.

Ils montèrent dans le véhicule, où Illyria prit place à l’avant, enfilant son casque de réalité augmentée. Lucas s’installa à l’arrière, laissant Hannah près de sa mère. Toujours organisée, la jeune femme enclencha le plan de mission, et l’écran projeté s’illumina. Ils s’attendaient à voir HOPE, mais le visage de Jane apparut dans un message préenregistré.

  • Bonjour à tous. Voici vos instructions de mission. Il y a trois jours, nos communications avec le site Epsilon ont été interrompues sans qu’aucune alerte ne soit donnée. Nous n’avons reçu aucune réponse à nos tentatives de contact. Votre mission : effectuer une reconnaissance et comprendre ce qui se passe. Discrétion et prudence sont de rigueur. Isabel Garci, responsable informatique, sera votre contact. Illyria, vous dirigerez les opérations. Lucas, tu assureras la sécurité. Hannah, faites des rapports réguliers. Vous avez six heures. En cas de silence de votre part, aucun secours ne sera envoyé. Bonne chance.

Isabel Garci

Isabel Garci, alias Voda, sexe féminin, née le 27/07/2079 (37 ans) à Riosa, Empire Europa. Présente depuis 2 ans (Epsilon). Famille connue. Activité : anciennement consultante à l'UFCA, codeuse et hackeuse informatique. Description : cheveux longs épais frisés bruns et teints en violine aux pointes, yeux bleus, 1 m 70, 51 kg, port de lunettes. Don : hydrokinésie. Le sujet est capable de contrôler l'eau seulement à l'état liquide. Ce variant ne peut pas la créer, mais il lui est possible d'augmenter son volume et la quantité déjà existante. Don bridé par des bloquants. Intérêt pour la BMRA : très élevé.

  • Où se trouve le site Epsilon ? demanda Lucas.

  • Je sais où il est, mais il vaut mieux que je garde cette information pour moi, désolée, répondit Illyria en s’excusant.

 

Pour des raisons évidentes de sécurité, la majorité des résidents n’étaient pas informés de l’emplacement des autres sites du Projet. Seules Jane et HOPE détenaient cette information, et Illyria était la seule à connaître l’existence du site Epsilon, bien qu’elle n’y soit qu’une invitée temporaire. Cette politique d’ignorance intentionnelle visait à préserver la confidentialité des informations sensibles. Ainsi, en cas de capture par l’agence ou les autorités, aucun résident ne pourrait révéler des détails sur les autres sites, même sous la torture ou lors d’extractions mentales. Chaque site avait ses propres protocoles de sécurité, mais l’objectif commun restait de protéger l’intégrité du Projet.

  • Nous avons environ deux heures de route si je prends la I-15 S vers le sud, indiqua Illyria d’un ton maternel et bienveillant. Essayez de vous reposer, fit-elle avec un ton maternel et bienveillant.

 

Elle conduisit prudemment pendant que Lucas et Hannah profitaient du trajet pour somnoler. Leur voyage se déroula sans encombre jusqu’aux portes de San Diego, malgré le ciel maussade. San Diego représentait la dernière grande ville avant la frontière de l’ancien Mexique, désormais gardée par des milices privées ou contrôlée par la pègre. De grands panneaux holographiques conseillaient aux Américains de ne pas s’y aventurer, sauf à leurs propres risques, car aucune assistance ne serait disponible du côté mexicain. Enlèvements et règlements de compte étaient courants dans cette région jusqu’aux abords du Grand Désert, créé par les séismes dévastateurs de la IIIe Guerre mondiale en 2059, qui avaient aussi entraîné la séparation des Amériques du Nord et du Sud.

Illyria prit ensuite des routes secondaires, les menant jusqu’au quartier huppé de la Playa, en face de Shelter Island Pier. Malgré la météo capricieuse, vacanciers et riches résidents profitaient du bord de mer. Ce quartier, situé juste en face de la base navale de San Diego, était séparé de celle-ci par un détroit.

Aucun des passagers n’était familier avec les lieux. Ils arrivèrent finalement devant le site Epsilon, qui paraissait bien plus modeste que son homologue de Los Angeles. C’était une maison de style américain à deux étages, discrète et parfaitement intégrée au quartier résidentiel paisible. Bien que légèrement plus grande que les autres, elle restait entourée d’arbustes pour garantir un minimum de confidentialité.

Garés devant la maison, Illyria retira son casque de réalité augmentée et observa les environs. Pendant près d’une heure, aucun mouvement ne fut remarqué. Il leur restait trois heures selon la montre d’Illyria.

Hannah proposa d’utiliser son don pour modifier leur apparence, au cas où des voisins les apercevraient. Illyria activa un paramètre pour teinter les vitres en noir pendant que Hannah se concentrait. Une poussière lumineuse les enveloppa, et en quelques instants, ils apparurent vêtus d’uniformes de police, avec des coiffures et des lunettes sombres. Cette transformation impressionna Lucas et Illyria, qui découvraient les capacités de Hannah.

Une fois la surprise passée, ils sortirent du véhicule et avancèrent vers l’entrée de la maison. Des voisins, intrigués, les observaient de loin, étonnés de voir la police devant cette demeure réputée pour sa discrétion. Un voisin curieux finit par s’approcher d’eux.

  • Bonjour, désolé de vous déranger. Que se passe-t-il ? demanda-t-il, visiblement intrigué.

  • Bonjour monsieur, je suis l’officier Pixy Wayle. Voici mon collègue Omaël McKullen et le sergent Mathilde Ward. Nous menons une enquête sur des cambriolages récents dans le secteur. En auriez-vous entendu parler ? répondit Illyria.

  • Ah bon ?! Je ne savais pas qu’il y avait eu des cambriolages à la Playa. La plupart des résidents ont des systèmes de sécurité performants. Cela s’est passé où exactement ?

  • Dans Charles Street, mais pour les besoins de l’enquête, nous ne pouvons pas donner plus de détails, répondit Illyria.

  • Incroyable…

  • Auriez-vous remarqué quelque chose d’inhabituel à propos de cette maison ? demanda Hannah.

  • Ils sont plusieurs, environ six ou sept, surtout des jeunes. Polies mais peu bavardes. Je les soupçonne de faire des choses louches, voire même…

  • Quoi donc ? intervint Lucas, surpris.

  • D’être des variants ! J’ai même envisagé de prévenir l’agence… Il y a quelques jours, il y a eu beaucoup de bruit la nuit, puis plus rien depuis. C’est comme si la maison était déserte. Vous êtes sûrs que je ne devrais pas appeler la BMRA ?

  • Cela semble grave, monsieur, mais laissez-nous vérifier les lieux d’abord. Avertissez plutôt vos voisins de rester à l’écart, répliqua Illyria d’un ton ferme. Nous nous occupons de tout.

  • Vous êtes certaine ? demanda le voisin, déçu mais insistant.

  • Faites ce qu’on vous dit ! ordonna Illyria. Ou souhaitez-vous qu’on vous arrête pour obstruction ?

  • Euh, non, non ! répondit-il rapidement avant de s’éloigner dans une rue adjacente.

Une fois seuls devant la porte, ils échangèrent un regard amusé malgré la tension de la situation. Illyria appuya sur la poignée, qui céda sans résistance. À sa grande surprise, aucun verrou ni système de sécurité n’était activé. Ils entrèrent, découvrant un intérieur sens dessus dessous, comme ravagé par une tornade ou un combat acharné.

Elle fit signe à Lucas et Hannah de ne pas faire de bruit. La maison était plongée dans l’obscurité, les volets à moitié fermés, et une odeur insupportable flottait dans l’air. Lucas tenait fermement son catalyseur, prêt à l'emploi, tandis qu’Hannah serrait un pistolet factice qu’elle avait transformé en arme à feu fonctionnelle. Illyria alluma sa lampe de poche et balaya plusieurs directions à la recherche du moindre indice pouvant expliquer ce qui s’était passé à Epsilon.

Soudain, une balle siffla près de sa tête, forçant Illyria à se mettre rapidement à couvert avec Lucas et Hannah. Une seconde balle brisa un miroir proche d’eux : quelqu'un les prenait pour cible depuis le haut de l’escalier.

  • Montrez-vous ! ordonna Illyria.

 

L'assaillant lança des paroles incompréhensibles. D’autres tirs retentirent, mais cette fois Lucas parvint à les dévier en formant un bouclier d’énergie autour d’eux. Brandissant son bâton métallique pour maintenir le bouclier, il tremblait sous l’effort, des gouttes de sueur perlant sur son front. Il savait qu'il ne pourrait pas tenir longtemps. Les balles ricochaient contre le bouclier scintillant, mais la cadence de tir était trop rapide pour qu’Illyria puisse figer les projectiles, et l’assaillant restait hors de portée.

  • Arrêtez ! C’est Ann Sinclair qui nous envoie ! Descendez. On ne vous fera rien !

 

L’assaillant sembla à court de munitions. Quelques instants plus tard, une silhouette se dessina en haut de l’escalier, observant Lucas, toujours protégé par son bouclier de lumière. Celui-ci s’estompa immédiatement. Essoufflé, Lucas s'appuya sur son catalyseur, essuyant la sueur de son front tout en respirant profondément pour calmer l’effort douloureux.

Hannah avança et retira sa casquette, laissant retomber ses longs cheveux blonds. Elle grimpa les marches pour rejoindre une personne qu’elle semblait reconnaître. C’était une femme à la peau mate, au visage fin, d’une quarantaine d'années. De taille moyenne, elle avait des cheveux épais châtains, dont les pointes étaient teintes en violet. Cette touche colorée tranchait avec son apparence négligée : elle portait des lunettes aux verres colorés, dont l’un était brisé, et ses vêtements étaient noircis, déchirés, avec des traces de sang sur les mains, signe qu’elle était probablement blessée.

  • Isabel ?! s’exclama Hannah.

  • Pi…Pixy ! 

  • Tu es blessée ? s’inquiéta Hannah.

 

Isabel secoua la tête, le visage crispé en tenant sa cheville.

  • Juste une foulure... mais j’étais tellement sûre que vous étiez des flics ou la BMRA. Qui sont-ils ?

 

Illyria et Lucas rejoignirent Hannah aux côtés d'Isabel. Ils retirèrent leur casquette.

  • La descendante d'Ann Sinclair et son fils Omaël. Ils sont avec moi, expliqua Hannah.

  • Ses descendants ? s’étonna Isabel.

  • Oui, confirma Illyria. Que s’est-il passé ici ?

 

Le visage d'Isabel s’assombrit, et des larmes commencèrent à couler silencieusement sur ses joues, noircissant encore plus sa peau déjà marquée de saleté. Elle essuya ses lunettes avec la manche de son gilet, respirant difficilement entre deux sanglots.

  • Ils sont tous morts... Ils nous ont attaqués il y a trois jours, en pleine nuit.

  • La BMRA ?

  • Non, enfin si, mais pas seulement. Il y avait… quelque chose d’autre, des créatures que je n’avais jamais vues. Elles nous ont chassés un par un, comme des animaux. Je les ai entendus... entendre mourir mes camarades ! On n’a rien pu faire, elles étaient trop fortes. Je suis la seule à avoir survécu…

 

Isabel tremblait, terrifiée, incapable de continuer son récit. Le traumatisme était encore trop récent.

  • Isabel, vous allez venir avec nous. Pixy, prévenez Ann Sinclair, ordonna Illyria.

 

Hannah transmit immédiatement les informations à Jane via sa montre. Pendant ce temps, Lucas se porta volontaire pour soutenir Isabel, l’aidant à rester debout en lui offrant son bras, s’appuyant légèrement sur son catalyseur pour stabiliser le tout. Illyria reprit alors la conversation.

  • Mon fils et moi allons vérifier s’il y a des survivants.

  • Non ! Inutile, ne perdez pas de temps. Ils sont tous morts ! Vous ne comprenez pas ?! s’emporta Isabel.

  • Je comprends, mais je préfère m’en assurer, répondit Illyria calmement.

  • Ils les ont tués ou emmenés ! J’ai déjà cherché partout.

  • Comment avez-vous survécu ? Pourquoi ne vous ont-ils pas repérée ? demanda Lucas.

 

Isabel hésita, honteuse. Elle avait survécu en se cachant pendant l’attaque, incapable d’aider ses camarades. Si elle avait fait un geste, elle serait sans doute morte ou capturée, elle aussi. Depuis des mois, elle s’efforçait de retrouver son pouvoir sur l’eau, un talent qu’elle n’était pas encore parvenue à maîtriser de nouveau…

  • On m’a injecté des bloqueurs il y a des années. Mon don d’hydrokinésie est bridé, expliqua Isabel d’une voix amère. Les créatures n’ont pas pu me « sentir » parce que je ne peux plus utiliser mon pouvoir. Mais je ne sais pas comment elles s’y prennent. Ceux qui ont réussi à sortir de la maison… ils se sont fait exécuter par les agents qui attendaient dehors. J’ai vu… je les ai entendus hurler, comme s’ils se faisaient dévorer. Ils ont tous été massacrés ! Alors j’ai préféré rester cachée, au lieu de lancer un signal de détresse.

La description d'Isabel plongea le groupe dans l’effroi. Soudain, des bruits de pas résonnèrent. Hannah revint vers eux, le regard horrifié.

  • On a ordre de détruire ce complexe… et… commença-t-elle, la voix tremblante.

  • Qu’est-ce qu’il y a, Pixy ? s'enquit Lucas, inquiet.

  • Sidonie… enfin, la deuxième… Elle est morte.

  • Non, c’est impossible, je ne peux pas y croire ! répliqua Lucas, dévasté par la nouvelle.

 

Illyria posa une main rassurante sur l’épaule de son fils, qui s’agenouilla sous le choc, bouleversé malgré le fait que Sidonie venait d’une autre époque. Isabel brisa le silence.

  • Désolée de vous presser, mais on doit partir d’ici. Ils pourraient revenir.

  • Comment détruire ce complexe ? demanda Illyria, se ressaisissant.

  • Il suffit de lancer la procédure sur la tablette holographique à l’entrée, avec un code que seuls Lars et moi connaissions, expliqua Isabel. Mais avant, il faut que je récupère mon ordinateur et mes affaires.

  • Je viens avec vous, dit Lucas pour occuper son esprit et éviter de craquer.

  • Ok lindo, lança-t-elle dans sa langue natale.

 

Lucas aida Isabel à marcher jusqu’à sa chambre pour rassembler ses affaires. Il ressentit une vague de nostalgie, semblable à celle qu’il avait éprouvée en quittant son petit appartement de Seattle avec Martha.

Le silence pesait lourd, et Lucas remarqua des traces de sang sur le sol, éveillant la peur que des créatures rôdent encore. La pièce montrait les signes d’un affrontement brutal : des traces de mains, des éclaboussures de sang coagulé. L’atmosphère oppressante rendait chaque bruit suspect, mettant leurs nerfs à vif.

 

De leur côté, Hannah et Illyria découvrirent des lambeaux de chair près des portes des chambres, ainsi que des flaques de sang sur les murs et le sol du rez-de-chaussée. Une touffe de cheveux poisseuse collée au chambranle, une main arrachée, des viscères… Cette macabre découverte leur fit tourner la tête. Elles décidèrent de ne pas aller plus loin. Aucun corps n’avait été laissé sur le site d’Epsilon.

Les deux femmes se demandaient comment les créatures avaient pu massacrer ou capturer des variants sans attirer l’attention des voisins.

En s’approchant d’une chambre, un bruit soudain les figea, coupant leur respiration. Était-ce une créature ? Un survivant ? Impossible de le savoir. Inquiète pour la sécurité de Lucas et d'Isabel, Illyria ordonna à Hannah de rejoindre le hall sans attendre.

Soudain, une créature se rua sur Illyria, qui n’eut d’autre choix que de la figer en levant les mains dans sa direction. Terrifiée, elle se précipita ensuite vers le hall pour retrouver le reste du groupe en leur indiquant qu'un infecté risquait de les poursuivre. Il fallait l'abattre.

La créature parvint à se libérer brièvement de l’emprise d’Illyria et fonça à nouveau vers eux. Illyria concentra de nouveau son pouvoir pour l’immobiliser. Dans la pénombre, ils ne purent distinguer que la silhouette monstrueuse, dont émanait une odeur pestilentielle et une quantité effroyable de sang sur le corps et la bouche. Par chance, ses yeux avaient été crevés lors de l’attaque, empêchant la BMRA de percevoir la scène et d’identifier les variants présents.

  • Pixy, tue-le ! cria Illyria.

Isabel se cacha derrière Lucas, pétrifié à son tour par la créature qui se tenait devant eux. D’un geste précis, Hannah tira une balle en pleine tête de la créature, qui reprenait lentement ses mouvements. Elle s’effondra, neutralisée. Sans l’intervention d’Illyria, l’issue de cet affrontement aurait pu être tragique.

Même si le groupe n'était pas présent dans les égouts de Los Angeles, ils avaient lu le descriptif et les rapports détaillés dans la base de données de HOPE. D'après leur description, l'infecté qui avait tenté de les attaquer semblait étrangement similaire, mais moins détériorée physiquement, plus sophistiquée, et apparemment contrôlée directement par le département de recherches scientifiques. Illyria avait noté la présence d'une puce externe sur la tête du variant infecté, directement dans son système nerveux, le transformant en automate contrôlé à distance.

Isabel actionna ensuite la tablette holographique près de la porte, lançant un compte à rebours de cinq minutes. Le sac à dos en place, elle rejoignit avec peine la voiture, où Hannah l’attendait, Lucas prit place à l’avant et Illyria s’installa au volant.

À la fin du compte à rebours, des flammes dévorèrent la maison et réduisirent le complexe en cendres en quelques minutes. Les pompiers furent immédiatement appelés pour éteindre l’incendie, qui détruisit les dernières preuves.

La voiture s’éloigna en silence, reprenant la route vers Los Angeles.

Jeanne Roselys

Jane

Illyria Roselys

Illyria

Isabel Garci

Isabel

Tobias Olsson

Tobias

Lydia Sorel

Lydia

Aleksandr Orlov

Aleksandr

Lucas Roselys

Lucas

Hiro Hawk

Hiro

Sarah Garden

Sarah

Hannah Galaway

Hannah

Sidonie Wallorn

Sidonie

HOPE

HOPE

Année 2116 | 27 novembre, 19 h 30 – QG HOPE, Santa Monica, Los Angeles - Californie

 

Lucas, Illyria, Hannah et Isabel arrivèrent à HOPE dans le courant de l'après-midi. La survivante du site Epsilon appréhendait de revoir Sarah, consciente que leur mépris réciproque pouvait dégénérer jusqu'à l'agression verbale, voire physique. Autrefois, Isabel avait fait partie de la section Alpha de HOPE, mais un désaccord avec Sarah concernant leurs méthodes en informatique avait poussé Jane à les séparer, transférant Isabel à la section Epsilon. Malgré cette séparation forcée, les deux femmes avaient fini par trouver un certain équilibre, chacune exploitant ses compétences de son côté. Dès leur arrivée, Sarah refusa cependant de délivrer les accréditations temporaires à Isabel, marquant ainsi son désaccord.

 

Le groupe revenant d'Epsilon subit un contrôle sanitaire strict afin d'écarter toute contamination. Une fois cette étape de quarantaine terminée, Illyria relata à Jane tous les évènements d'Epsilon. Traumatisée, Hannah accompagna Isabel, son ancienne camarade espagnole, pour soigner sa cheville foulée auprès du docteur Sorel. Hannah montra à Isabel sa chambre pour qu'elle puisse s'installer et se reposer. Cependant, Isabel préféra s’entretenir avec HOPE, maintenant opérationnelle, pour faire son rapport sur les événements à Epsilon.

Deux heures plus tard, Tobias Olsson, Aleksandr et Jane revinrent enfin du site Bêta. En entrant, le Russe tenait fermement Tobias par la manche de sa veste, l'empêchant de s’éclipser lorsque le portail s'était ouvert. Aleksandr lui administra une gifle, sans ménagement. Penaud, Tobias se montra plus docile en entrant dans HOPE. Dans cette réalité, il ne pouvait pas occuper une chambre en solitaire, car Isabel devait y rester le temps de se remettre de ses blessures. Habitué à sa solitude et à recevoir parfois des visites de courtes conquêtes, Tobias rechignait à l'idée de partager une chambre. La perspective d’être avec Aleksandr l’angoissait, mais il obtint finalement de partager la chambre de Lucas, son ancien camarade de NickroN Renaissance.

 

Comme dans la réalité alternative, Tobias avait enduré les mêmes tourments au site Bêta. Cette fois, Sidonie n'avait pas accompagné Jane et Aleksandr ; elle était restée toute la journée aux côtés de Kahlan, espérant qu'il sorte de son coma, et lui tenant la main sans jamais la lâcher. Lydia avait insisté pour que Sidonie se repose et mange à l'heure du déjeuner, mais elle avait refusé, déterminée à rester auprès de lui. Seul un télépathe pourrait aider son amant à sortir de cette léthargie psychique.

Tobias portait son bandeau anti-télépathie, un dispositif enroulé autour de son front pour le protéger des pensées des autres et atténuer son empathie. Il entra dans la chambre de Lucas sans frapper et se retrouva face à Illyria, qui s’apprêtait à sortir.

  • Bonjour, qui êtes-vous ? demanda-t-elle.

  • Je suis Tobias, répondit-il simplement.

  • Enchantée, Tobias. Je suis Illyria, dit-elle avec courtoisie. C’est étrange, votre visage me dit quelque chose. Pourtant, c’est la première fois que nous nous voyons.

  • Peut-être un sosie, répondit-il en passant machinalement la main dans ses cheveux.

 

Lucas sortit de la salle de bain et aperçut son ancien camarade de NickroN Renaissance. Il resta bouche bée.

  • Tobias ? C’est toi ! lança-t-il, surpris.

  • Ouais, Lucas, c’est moi...

  • Vous vous connaissez ? s’étonna Illyria.

  • Oui, on s’est connus à NickroN, il y a trois ans, répondit Tobias, tandis que Lucas acquiesçait, détournant le regard avec un air nostalgique.

  • C'est une bonne nouvelle ! Bon, je dois vous laisser, les garçons. Je vais préparer le dîner, dit Illyria en refermant la porte derrière elle.

Elle laissa son fils et Tobias s’observer en silence pendant quelques secondes. Tobias, soulagé de voir Lucas en vie malgré les souvenirs troublants de Jane, hésitait à lui serrer la main.

  • T’as une sale mine, lança Lucas avec un léger rictus.

  • Je ne suis pas d'humeur à plaisanter, le Français, répliqua Tobias en s’affalant sur le lit de Lucas après avoir lâché son sac au sol. La matinée a été infernale.

  • Qu’est-ce qui s’est passé ?

  • Ta vieille conne d'ancêtre m’a enlevé et obligé à venir ici pour combattre la BMRA et tous les cinglés du coin. On se croirait dans un mauvais jeu d’aventures qui finira mal, s’énerva Tobias.

  • Elle n’épargne personne, tu sais, surtout pas moi.

  • Et comme si ça ne suffisait pas, on me colle dans la chambre du mec le plus ennuyeux de l'univers ! se plaignit-il encore.

 

Lucas prit le sac de Tobias et lui lança sur le ventre en guise de protestation.

  • C’est toi tout craché, Tobias, à râler comme il y a trois ans. T’avais qu’à aller avec Aleksandr si ça ne te plaît pas ! fit Lucas, irrité.

  • Qu’il crève, celui-là ! Il n’a fait que me frapper et me menacer avec son arme ! Et Jane... commença-t-il, baissant la tête, la voix affaiblie. Je n’ai pas pu résister.

  • Comment ça ?

  • Rien, laisse tomber. J'espère juste que je vais pouvoir te supporter, le temps qu'on me trouve une autre chambre...

  • Moi qui pensais que les années t’auraient calmé... T’es encore plus lourd qu’avant, soupira Lucas.

  • Pas plus qu’un Français qui pète plus haut que son cul, rétorqua Tobias avec un rictus moqueur. Allez, je vais prendre une douche, et t’as pas intérêt à venir mater !

  • Petit con ! fit Lucas en français.

 

Il retint un geste de colère, refrénant l'envie de frapper Tobias au visage. Ce dernier, satisfait d’avoir provoqué Lucas, se dirigea vers la salle de bain en ricanant. Malgré leurs chamailleries, les deux jeunes hommes ressentaient un certain soulagement de savoir que l'autre était vivant. Mais ils devraient bientôt affronter les menaces incessantes de la BMRA, sans compter la soirée soigneusement orchestrée par Jane.

***

Il était dix-neuf heures trente lorsque la pendule holographique de la salle à manger afficha l'heure. Hannah avait soigneusement dressé la table, tandis qu'Illyria s’était chargée du dîner pour les onze personnes actuellement présentes à HOPE, à l'exception de Kahlan, toujours alité. Depuis son retour du site Beta, Jane s’était enfermée dans sa chambre sans que personne ne puisse lui parler ou solliciter son avis. La comtesse demanda alors à HOPE de convoquer tout le monde pour le dîner, et les onze résidents prirent place autour de la table. Seule Jane restait debout, un verre de vin à la main, son sac posé à côté d'elle. Elle observait silencieusement la cheminée où les flammes dansaient, vêtue comme lors d'une soirée d'une autre époque, charismatique et séduisante, une cigarette à la main. Son attitude imposait une tension palpable, accentuée par de gros nuages menaçant d'orage qui assombrissaient l'atmosphère.

Illyria avait préparé des coquilles Saint-Jacques crémées aux morilles, un vrai délice à en juger par l'odeur qui flottait dans la pièce. Tobias, affamé, peinait à se contenir et à ne pas dévorer son assiette, n'ayant rien mangé depuis la veille.

Il était assis à côté de Hannah, suivie de Lucas, Illyria et Lydia. En face, se trouvaient Hiro, Sidonie, Isabel, Aleksandr et Sarah. Jane invita tout le monde à manger en silence, ses yeux scrutant chacun de ses protégés avec une attention particulière. À la fin du repas, Tobias, incapable de supporter ce silence monacal, se risqua à prendre la parole.

  • Bon, on veille un mort ou quoi ? lança-t-il.

  • Tobias, ne parlez pas, je vous prie, répondit Jane.

  • Et pourquoi ? répliqua-t-il avec défi.

  • Parce que vous devez tous savourer ce repas comme si c'était le dernier.

 

Chaque résident observa Jane, stupéfait et déconcerté. Pourquoi parlait-elle ainsi ? Elle passa lentement derrière Tobias et les autres assis de son côté de la table. Lucas connaissait bien son ancêtre ; il savait qu’elle avait probablement un plan en tête, et qu’elle aimait entretenir un suspense cruel pour les mettre mal à l'aise. Contrairement à Tobias, Lucas n'avait pas le tempérament pour se lever de table et s'en aller. Lorsque Hannah tenta de se lever pour débarrasser les assiettes, Jane l'interrompit.

  • Asseyez-vous, Hannah. Il est temps que nous parlions. HOPE, je te demande d’apparaître sous ta forme holographique ; tu es également concernée.

  • Je vous écoute, madame, répondit HOPE.

  • Je vais aussi vous demander de rester assis. Le premier qui se lève en subira les conséquences. Et pour vous prouver mon sérieux, HOPE va activer le système de défense dans cette pièce.

  • Activation en cours.

 

Les grilles métalliques descendirent soudainement des murs, scellant la salle à manger. Une arme à feu équipée d'une caméra à détection de mouvement apparut au plafond. Tous restèrent figés, horrifiés, persuadés que Jane avait perdu la raison et qu’elle voulait les soumettre à un test ou, pire encore, les éliminer. Aleksandr, impassible, resta calmement assis, continuant à boire. Lucas, Hannah et Tobias étaient saisis de panique, leurs regards cherchant en vain une issue, toutes bloquées par les grilles. Illyria, incapable de dissimuler son inquiétude, tenta de rassurer son fils et les autres. Hiro fixa Lydia, assise en face de lui, qui tremblait à la vue de l’arme les visant un par un. C'est alors que Sidonie mit fin au silence angoissant.

  • Qu’est-ce que cela signifie, Jane ?

  • Vous allez bientôt le savoir, Sidonie. Vous savez que je tiens toujours mes promesses ; cette soirée restera mémorable pour chacun de vous.

 

La comtesse adressa un rictus sarcastique à la jeune femme, signifiant qu’il serait inutile de résister ou de fuir. Jane se délectait du malaise qu'elle provoquait chez tous les résidents.

  • Nous allons jouer cartes sur table, jeunes gens. Certains d’entre vous savent que nous avons reçu la visite, la nuit dernière, d’un homologue de Sidonie venu du futur. Disons plutôt, d’un futur alternatif, mais très proche. Elle m’a révélé beaucoup de choses qui m'ont fait comprendre que je faisais fausse route depuis bien trop longtemps. En vérité, j’ai toujours concentré nos efforts sur la lutte contre la BMRA et les autorités de ce pays, en oubliant certains éléments pourtant essentiels. Dans ce genre de combat sans fin, il y a toujours des traîtres. J'aurais dû m'en douter ; c’est dans la nature humaine… et celle des variants.

 

Elle fit une pause pour prendre une petite gorgée de vin. Sidonie, quant à elle, comprenait parfaitement où Jane voulait en venir désormais.

  • Pendant des années, j’ai sauvé et rassemblé des centaines de variants pour ce grand Projet qui semble vous échapper. Vous étiez tous promis à une vie bridée, à l'asservissement, voire à une mort certaine. Certes, je vous ai arrachés à vos existences — heureuses ou malheureuses, fades ou éclatantes — et je n’ai aucun regret. J’assume totalement mes choix. Contrairement à moi, vous n’avez pas connu la malédiction de traverser plusieurs siècles de vie pour en saisir la véritable valeur ou pour goûter à l'amertume de chaque défaite. Que vous le vouliez ou non, nous sommes persécutés parce qu’ils redoutent notre potentiel, parce qu’ils craignent de perdre leur pouvoir de domination. Vous vous demandez sans doute où je veux en venir, ce qui est légitime. Il existe d’autres leaders comme moi, plus expéditifs dans leur lutte contre ces gouvernements corrompus, mais il n’y a qu’une seule Jane Roselys, et je suis prête à tout pour parvenir à mes fins, même si cela doit me coûter cher !

 

Jane posa son verre sur un meuble, écrasa lentement sa cigarette dans un cendrier, puis se mit à marcher autour de la table, les bras croisés, le regard perdu dans les souvenirs de ces dernières années — les efforts, les victoires, et les échecs. Le bruit de ses talons résonnant sur le sol ne faisait qu'amplifier l'angoisse de certains résidents.

  • Je ressens tout de même une certaine lassitude. Si seulement je n’avais pas été si aveugle, admit-elle à haute voix. Cette seconde Sidonie m’a ouvert les yeux, et maintenant, je dois découvrir l’identité de la personne responsable de notre chute imminente.

  • Mère, où voulez-vous en venir ? lança Illyria, perdant patience.

  • Illyria, répondit Jane en la regardant fixement, vous savez, j’ai commis bien des erreurs, et j’ai peut-être un seul regret vous concernant : celui de ne pas vous avoir forcée à m'écouter quand je vous avais prévenue du danger auquel votre famille faisait face il y a treize ans. Vous auriez évité bien des tourments si vous aviez suivi mes conseils.

  • Comment osez-vous dire ça ! s’emporta Lucas.

  • Patience, jeune homme, j’y viens. L’amour et le lien entre une mère et son fils sont d'une force immense. Je l’admire autant que je le redoute, car il peut être une arme mais aussi une faiblesse incommensurable. Qu’est-ce qu’une mère ne ferait pas pour sauver son enfant ? En cela, j’ai échoué de nombreuses fois…

Son regard croisa celui de Tobias, qui détourna les yeux ; le souvenir douloureux de la matinée demeurait trop vif, malgré son apparence désinvolte. Aucun mot ne fut prononcé après la confession de la comtesse, jusqu'à ce qu'elle poursuive.

  • Sidonie m’a raconté ce qui se produira la nuit du 4 décembre 2116, soit dans sept jours précisément. Sidonie, ici présente, vous dira que le temps peut se plier à nos choix et à des forces qui nous dépassent. Rien ne semble écrit d’avance, mais si je ne fais rien, il y a de fortes chances que nous connaissions tous une fin tragique d'ici peu.

 

Une onde de frayeur traversa les résidents face à cette révélation. Jane reprit aussitôt la parole pour couper court aux questions qui auraient pu interrompre son discours. Elle avait soigneusement tout planifié.

  • Elle s’est sacrifiée. Oui, vous m’avez bien entendu. En revenant dans cet espace-temps, elle a voulu nous offrir une seconde chance. L’espoir — ce mot qui peut paraître étrange en ces temps troublés — reste notre seule force dans cette lutte. C’est pour cela que j’ai nommé cette maison et notre intelligence artificielle HOPE, pour ne jamais oublier cette vision. L’espoir est une flamme qui ne doit jamais s’éteindre, même quand tout semble perdu. Nous avons eu de la chance récemment, mais il ne faudra pas toujours compter dessus. Quoi qu’il en soit, je ne regretterai jamais d’avoir fait venir Sidonie dans HOPE, même si nos rapports ont été… tumultueux, je l'admets.

  • Je… je ne sais pas quoi dire, répondit Sidonie, troublée.

 

Après une petite pause, Jane reprit, fixant le médecin.

  • Commençons par vous, Lydia…

  • Moi ? s’étonna Lydia, prise de court.

  • Quand je vous ai proposé de venir à Los Angeles, vous pensiez au départ que nous devions nous rendre à la BMRA, n'est-ce pas ?

  • Oui, Jane… J’ai paniqué à cause du stress et des terroristes qui nous poursuivaient, répondit-elle, haletante.

  • Et qu’est-ce qui nous prouve que vous n'êtes pas leur complice ? Après tout, vous avez déjà tenté de leurrer la BMRA avec votre étude dissimulée.

  • Non, Jane ! s'écria Lydia. Je vous ai suivie pour sauver ma vie et celle de ma famille. Je ne savais pas, en écrivant cette étude, que j’allais m’engager dans quelque chose qui pourrait nous coûter la vie. Je voulais simplement révéler une vérité que tout le monde refuse de voir. Je n’avais pas conscience des risques, mais maintenant, je le sais. Et je veux vous aider !

  • J’y compte bien, Lydia, dit Jane avec un léger sourire. Je place de grands espoirs en vous.

  • Merci, Jane, murmura Lydia, un peu rassurée. Mais… qu’a dit la seconde Sidonie à mon sujet ?

  • Elle a affirmé que vous êtes hors de cause. Elle a vu votre homologue mourir en essayant de fuir lors de l'attaque. Vous n'aviez aucune chance.

  • Mon dieu…

  • N'ayez crainte, cette mort tragique n'arrivera pas grâce à elle. Vous avez une importance particulière au sein de HOPE, Lydia. L’altruisme est une rare qualité dont vous êtes dotée.

 

Jane se tourna alors vers Illyria, le regard scrutateur.

  • Chère Illyria, d’après Sidonie, mon double vous a fait quitter les lieux plus tôt dans l'autre réalité, en compagnie d'Aleksandr. Vous n'étiez donc pas présents lors de l'attaque. Cela m’interroge.

  • Je vous demande pardon ? réagit Illyria, outrée.

  • Je n’aime pas les nobles europistes, lâcha Aleksandr, imperturbable. Lucas et Illyria lui lancèrent un regard noir.

  • Qu’est-ce qui nous prouve que vous n’êtes pas en train de jouer la comédie ? lança Jane, l'air suspicieux.

  • Avec tout le respect que je vous dois, je n’arrive pas à croire que vous fassiez cela ! Vous m’accusez, moi, votre propre descendante ? s’écria Illyria.

  • Après tout, vous pourriez avoir des raisons de me voir échouer, étant donné ce que j’ai pu dire ou faire dans le passé. Nous sommes parfois plus durs envers les membres de notre propre famille, je le reconnais.

  • Ma famille est ce qui compte le plus pour moi, et vous le savez très bien, Jeanne ! J’ai accepté bien des choses venant de vous, mais m’accuser de trahir mon propre sang ? Je ne peux pas tolérer une telle accusation ! lança Illyria, indignée.

 

Lucas, empli de colère, sentit un besoin urgent de défendre sa mère. Sa main glissa instinctivement vers un couteau posé sur la table, mais Hannah posa doucement la sienne sur son épaule pour le retenir. Elle sentit une chaleur et la retira aussitôt, comme si Lucas était en surchauffe. Le visage du jeune homme exprimait une haine intense ; il ne pouvait supporter que Jane accuse sa mère, une femme douce et incapable de trahir qui que ce soit. Après un long moment de silence, Jane reprit la parole, son expression adoucie.

Jane posa alors ses mains sur le dossier du siège d’Illyria, la fixant avec un mélange d'apaisement et de gravité.

  • Je le sais bien, ma douce Illyria. La famille est une valeur qui m'est chère, et je vous honore pour la loyauté dont vous faites preuve envers moi, envers votre fils et feu votre époux. C'est une qualité rare et précieuse. Je vais donc rectifier une erreur que j’étais sur le point de commettre.

  • Quelle erreur ? demanda Illyria, méfiante.

  • J’avais l’intention de vous éloigner de votre fils en vous envoyant sur un autre site pour vous protéger. Mais vous êtes une personne honorable, volontaire et loyale, malgré vos erreurs passées. Vous vous êtes montrée très précieuse ces dernières semaines, et cela ne m’échappe pas. Je vous encourage à vous installer non loin d’ici, mais vous ne ferez plus partie de ce projet.

 

Illyria comprit alors qu’elle était libre de s’installer à Santa Monica, à proximité de HOPE, ce qui lui permettrait de rester proche de son fils. Un espoir nouveau illumina son regard. Le visage de Lucas, bien que toujours sur ses gardes, perdit peu à peu la tension qui s’y lisait, rassuré par le sourire bienveillant que lui adressait sa mère, comme pour lui dire que tout irait bien.

  • Oui, je vois. Merci, Jane, répondit Illyria avec une gratitude sincère.

  • Bien entendu, n’oubliez pas ce que nous avons convenu lors de notre dernière conversation concernant votre sœur Héra et votre nièce Elena.

  • Je m'y engage.

  • Parfait.

 

Elle se déplaça ensuite derrière Lucas, qui sentit l’angoisse monter. Que pouvait-elle bien lui reprocher cette fois-ci ? Malgré leurs échanges houleux, Jane conservait une nature rancunière et acérée. Elle posa doucement une main sur son épaule, mais Lucas redoutait l'impact de ses mots, sachant que son ancêtre pouvait se montrer aussi blessante qu'exigeante.

  • Je tiens mes promesses, Lucas. Tu as protégé ta mère et Hannah à Epsilon contre les balles d’Isabel, et ton homologue du futur a fait de même pour Sidonie. Grâce à toi, elle a pu voyager dans le temps pour nous avertir. Cela prouve que tu as en toi plus de courage que tu ne l'admets. Il suffit simplement d’en prendre conscience, mon fils. Tu sais ce que j’attends de toi.

 

Les résidents, curieux et silencieux, s’interrogèrent sur ce que Jane pouvait sous-entendre. Lucas, lui, resta immobile, sidéré. C’était la première fois qu’il recevait un tel compliment de Jane, peu encline aux flatteries. Et pour la première fois, elle l’appelait « mon fils », une marque d’affection inattendue venant de la comtesse.

Après un court silence, Jane se dirigea vers Aleksandr, qui l'observa avec une certaine appréhension.

  • Cher Aleksandr…

  • Vous pensez que je trahis, missis ? demanda-t-il, sur la défensive.

  • Auriez-vous quelque chose à vous reprocher ?

  • Non, rien, répondit-il spontanément.

  • Vous êtes insupportable, Aleksandr. Tout le monde ici pourrait vous reprocher votre tempérament martial et vos méthodes brutales. Votre passé et votre expérience vous ont endurci. Quand je vous ai extrait de ce centre de conditionnement, vous m’aviez promis de me suivre et d’obéir, en échange de la vie sauve.

  • Oui, c’est normal. Vous n’étiez pas obligée de me sauver, et pourtant vous l’avez fait, répondit-il d’un ton grave.

  • Dois-je regretter ce choix ? Comment savoir si vous n’avez pas joué double jeu avec la BMRA pendant vos longues absences ?

  • Faux. Je ne suis pas un traître. J’ai mené des recherches pour retrouver l’homme que vous vouliez, dit-il en jetant un coup d'œil appuyé à Sidonie. Je me bats pour les variants et notre cause, depuis le début !

 

Jane resta silencieuse, avant de répondre :

  • Et j’espère bien que cela continue. HOPE a surveillé vos déplacements et vos communications, et rien de suspect n'a émergé de vos missions périlleuses. Je ne mentionnerai pas certaines de vos actions, car vous êtes un mercenaire, fougueux et libre comme l’air, mais aussi un homme fier et loyal. Pour cela, je vais veiller à ce que vous puissiez reconstruire rapidement un second Héliosis, ce projet qui vous tient tant à cœur. Peu importe les dépenses. Vous n’êtes pas près de quitter HOPE, soldat.

  • C’est un honneur pour moi, missis ! répondit Aleksandr, ses yeux pétillant de reconnaissance.

 

La comtesse française se plaça alors derrière Hiro, qui demeurait impassible. Elle osa toucher les cheveux noirs du jeune homme, coiffés avec un style branché. Le cœur du polymorphe s'accélérait de plus en plus, et la tension montait parmi les résidents qui se demandaient s’il n’avait pas quelque chose à cacher.

  • Votre don de polymorphie vous offre bien des avantages, n’est-ce pas, Hiro ?

  • Où voulez-vous en venir, madame ?

  • Vous refusez de suivre le traitement médicamenteux et les thérapies psychologiques que le docteur Sorel vous a prescrits. Depuis la disparition de Walter, vous semblez moins apte à canaliser vos émotions pour servir le Projet.

  • Je ne suis pas un traître, madame. Si c’est ce que vous croyez, vous vous trompez. Depuis que je suis ici, j’ai toujours obéi à vos ordres, convaincu que vous prenez les meilleures décisions pour la cause des variants. Je refuse d’être accusé à tort de quelque chose que je n’ai pas commis !

  • N’avez-vous jamais utilisé les traits d’un autre résident pour manipuler ou dénicher des secrets ?

  • Jamais, répondit-il instantanément. Je n’ai jamais franchi cette ligne.

  • Je sais tout, Hiro.

L’assistance retint son souffle, bien consciente que l’accusation pouvait sembler légitime. Il semblait inconcevable, pourtant, que Hiro soit le traître ayant orchestré l’attaque contre HOPE dans l’autre réalité. Le jeune homme avait été emporté dans les ténèbres, mais Jane se demandait s'il avait vraiment été tué dans cet espace-temps. Le doute était insupportable.

  • Oui, mon cher Hiro, vous êtes un élément précieux, et je suis fière de travailler avec vous. Je ne peux oublier que vous avez sauvé la seconde Sidonie lorsqu’elle a fait un arrêt cardiaque. Vous lui avez donné un répit crucial, ce qui m’a permis de récolter des informations pour changer le cours des événements. Si vous aviez été un traître, vous ne l’auriez jamais fait. Je crois en vous et en votre loyauté, ainsi qu’en celle de Walter.

  • Merci, madame. Mais Walter… il a disparu…

  • Ce n’est pas tout à fait exact. Le site Mu m’a informée qu’il a été retrouvé peu après notre fuite des égouts. J’avais un pressentiment et j’ai demandé une inspection des lieux après notre sauvetage. Contre toute attente, ils ont découvert Walter, blessé et affaibli.

À ces mots, les visages de Hiro, Lydia et Hannah s’illuminèrent de joie. Walter avait survécu aux créatures des égouts de Los Angeles. Lucas, cependant, espérait toujours recevoir de bonnes nouvelles de Martha, la savoir en vie et hors de danger, mais il n'en fut rien.

  • Walter reviendra parmi nous dès qu’il aura récupéré. Nos camarades du site Mu ont d’ailleurs scellé les accès aux égouts pour empêcher quiconque d’y pénétrer et d’y trouver ces créatures. Cela nous permettra justement de prouver les exactions de l'Agence, dit-elle, satisfaite.

  • C’est une excellente nouvelle, madame !

  • Oui. Mais cela ne vous dispensera pas de poursuivre vos séances avec le docteur Sorel. L’amitié peut vous pousser à vous dépasser dans l’adversité, et même si tout le monde ici ne s’entend pas, la cohésion et la confiance sont primordiales. Nos homologues du futur n’ont pas eu cette chance… Dans leur réalité, c’est vous, Hiro, qui aviez disparu dans les égouts.

  • Bon sang...

Jane s’approcha alors de Tobias, qui, les coudes sur la table et les mains tenant ses tempes, semblait de plus en plus irrité par le procédé de Jane. Il craignait qu’elle ne ravive certains souvenirs de son passé.

  • Tobias, je pense qu’il n’y a rien à ajouter après notre charmante entrevue de ce matin, hormis que vous pourriez bien être un traître vous aussi.

  • Ah, putain, c’est bien la meilleure ! Dans ce cas, pourquoi m’avoir fait venir ici ?

  • A vous de me le dire.

  • Quel intérêt trouvez-vous à jouer au détective en nous accusant tous à tour de rôle ? On dirait que ça vous amuse !

L’impertinence de Tobias exaspérait Aleksandr, qui se retenait de lui donner une nouvelle gifle. Jane toucha doucement le bandeau anti-télépathique de Tobias d'un geste presque affectueux, malgré la pression psychologique qu’elle imposait à chacun. Le Suédois, même irrité, s’efforça de rester silencieux.

  • Nous nous connaissons bien, mon cher Tobias. Et pourtant, vous n’avez vu qu’une infime partie de mes souvenirs, uniquement ceux que j’ai bien voulu vous montrer, lui lança-t-elle en remarquant son malaise évident face aux regards de ses camarades. Il m’appartient de jauger votre valeur, et les apparences jouent contre vous. En retirant votre bandeau, vous pourriez lire dans nos pensées. Sidonie m’a dit ne pas vous avoir vu le soir de l’attaque, bien que vous lui ayez communiqué par télépathie pour qu’elle vous rejoigne.

  • Et alors ? 

  • Votre homologue aurait pu alerter la BMRA, attirer Sidonie dans un piège et laisser les unités d’intervention décimer notre groupe. Et par extension, vous également !

  • Pourquoi ferais-je ça ? lança-t-il en levant les mains.

  • L’agence aurait pu vous promettre de neutraliser définitivement votre don, soulageant ainsi vos souffrances. Plus d’empathie, plus de peine ou de douleur, et la liberté d’une nouvelle vie, sans les pressions de vos parents. Vous aviez tendance à sous-estimer la dangerosité de la BMRA… Curieux, non ?

  • Tout ça n'est qu'un ramassis de conneries ! Vous auriez dû me tuer plutôt que de me torturer à chaque échange ! J’en ai assez, je m’en vais !

 

Jane le pointa du doigt.

  • Restez où vous êtes ! ordonna Jane, d’un ton impérieux qui le fit stopper net. Je ne vous ai pas donné la permission de partir. Affrontez la vérité, pour une fois. Vous êtes un effronté, Tobias, mais un effronté qui n’a aucun intérêt à nous trahir. Vous pensez que je prends plaisir à vous torturer, alors que je suis probablement la seule à vouloir votre bien depuis votre fuite de NickroN. N’oubliez pas que vous devez votre survie à Lucas et Sidonie.

  • Je… oui, balbutia Tobias, conscient de cela.

  • Vous avez un certain charme, malgré votre insolence. Vous me rappelez certains de mes nombreux descendants…

  • Pitié, laissez-moi tranquille !

  • Calmez-vous. Sidonie m’a confié que votre homologue lui avait promis de l’aider à contacter Kahlan, qui est dans la salle Enigma. Maintenant, tout le monde ici est au courant. Cette mission était celle d’Aleksandr avant l’alerte Héliosis. En échange du retour de Lucas sain et sauf, j’avais promis à Sidonie de retrouver son compagnon, Kahlan. Il est actuellement dans le coma, et seul un télépathe pourrait peut-être l’en sortir. Votre homologue m’a tout révélé, affirma Jane en fixant Sidonie.

  • Que vous a-t-elle dit ? demanda Sidonie, la voix tremblante.

  • Elle avait réussi à contacter Kahlan psychiquement pour essayer de le ramener. Mais la mort l’a emporté quelques instants avant l’attaque.

  • Non, je refuse que cela arrive ! Il faut que tu m’aides, Tobias, je t’en supplie ! fit-elle en se tournant vers lui.

  • Quelle est votre réponse, Tobias ? demanda Jane.

  • D’accord, Sidonie. Tu pourras compter sur moi, et ainsi nous serons quittes.

Ce fut maintenant au tour d’Hannah d’être au centre de l’attention. Jane la dévisageait, son regard hautain planté dans celui de la jeune femme, dont le visage se ferma aussitôt.

  • Et vous, Hannah, toujours souriante, gracieuse et aimable avec tous les résidents. Pourtant, votre comportement laisse à désirer ces derniers temps.

  • Comment ça ?

  • Vous avez démontré vos talents d’actrice à maintes reprises. Qui me dit que vous ne jouez pas avec nous, comme vous l’avez fait avec Lucas ?

  • Quoi ? s’étonna le jeune homme.

  • Ce n’est pas vrai, je ne joue pas la comédie ! rétorqua Hannah, la voix tremblante.

  • HOPE m’a confirmé que vous avez passé un appel téléphonique juste avant le départ de Martha.

  • J’ai appelé mes parents ! Comme vous me l’aviez autorisé, lors de notre arrangement pour que je vienne ici.

  • En effet, Hannah, confirma l’intelligence artificielle. Mais mes sources indiquent que le numéro que tu as joint n’était pas celui de tes parents…

  • Non, HOPE, s’il te plaît…

  • Je suis désolée, Hannah.

  • Il y a deux choses que je ne vous pardonne pas, reprit Jane. Vous avez tenté de recontacter Kevin, votre ancien petit ami, celui-là même qui vous avait dénoncée à la BMRA. Par pur sentimentalisme, vous vouliez des explications, quitte à risquer notre sécurité.

  • Je ne pensais pas que…

  • Non, vous ne pensiez pas aux conséquences. HOPE a néanmoins confirmé que cet appel n’a pas permis à la BMRA de nous localiser. Elle a sécurisé la communication, malgré votre imprudence. Cessez tous de croire que la liberté existe encore dans ce monde. Quant à vous, Hannah, j’imagine combien cette trahison vous a meurtrie. Mais vous devez accepter qu’il a vendu son âme à la BMRA, tout comme cet Ethan de Seattle, qui sévissait sur les sites de rencontres pour dénoncer les variants. Lucas, tu as failli mourir en fuyant la solitude depuis ton exil. Sachez d’ailleurs qu’Ethan a été retrouvé mort, assassiné.

  • Comment est-ce possible ? Vous n’allez pas me dire que c’est vous qui l’avez tué ? demanda Lucas, alarmé, en jetant un regard vers Sidonie et Hannah.

  • Non ! Il était en vie et sédaté lorsqu’on l’a laissé dans son appartement, s’empressa de rétorquer Sidonie, comprenant trop tard son erreur. Merde…

  • Sédaté ? Mais alors, comment aurait-il pu m’enlever au restaurant s’il était chez lui ?!

  • Attends, je vais tout t’expliquer, intervint Hannah, inquiète.

  • La vérité finit toujours par éclater, remarqua Jane.

  • Putain, c’était toi, Hannah ! Tu as utilisé ton don d’illusion pour te faire passer pour lui et me violenter dans cette chambre ! Comment as-tu osé me faire ça ? Et toi, tu m’as menti, Sidonie ! s’emporta Lucas en repoussant son assiette.

 

Il tenta de se lever, mais Jane posa fermement ses mains sur ses épaules. La pression lui fit mal, et sa respiration devint bruyante. Les deux jeunes femmes, accablées par le remords, ne trouvèrent rien à répondre.

  • Elles l’ont fait parce que je le leur ai ordonné, tempéra Jane. La situation ne permettait pas d’attendre. Tu as failli tomber dans le piège tendu par Ethan, et ta propriétaire a contacté l’agence peu après ta fuite. Sidonie, Martha et Hannah ont donc seulement sédaté Ethan pour prendre sa place. Elles ont organisé ce rendez-vous et ton enlèvement pour te convaincre de rejoindre HOPE. Il fallait que tu comprennes le danger auquel tu faisais face, et tu n’aurais jamais accepté de venir si elles n’avaient pas été aussi persuasives.

  • J’en étais sûr, intervint Tobias. Vous aimez nous torturer, vous êtes sadique !

  • Silence ! ordonna Jane.

 

Illyria, abasourdie, réalisa que Sidonie et Hannah avaient dû tromper Lucas pour le sauver. Malgré ce qu’il avait subi, elles avaient réussi à le ramener sain et sauf. Personne n’osa parler, jusqu’à ce que Lucas reprenne, sa voix chargée de colère.

  • Comment des personnes en qui j’avais confiance ont pu me faire ça ? Et vous, Jane… Vous êtes toutes des menteuses !

  • Non, s’il te plaît, ne dis pas ça, Lucas, je t’en supplie, murmura Hannah.

  • Ne m’adresse plus la parole, Hannah ! Lâchez-moi, Jane ! Laissez-moi partir !

  • Hors de question ! Tu vas rester ici et m’écouter ! Ces jeunes femmes ont risqué leur vie et bravé bien des dangers pour te sauver. Martha a disparu, et sa sœur est morte. Prends conscience de la chance que tu as d’être encore en vie et en sécurité.

  • Je n’ai rien demandé à personne, moi !

 

Aleksandr et Hiro fusillèrent Lucas du regard face à son attitude, légitime certes, mais disproportionnée. Perdant patience, Jane retourna la chaise où Lucas était assis et lui agrippa fermement le menton.

  • Pour vivre en exil et trouver l’amour ? lui lança-t-elle en relâchant son emprise douloureuse. Nous sommes dans la réalité, Lucas. Sache que la BMRA a assassiné Ethan, maquillant le crime pour accuser des activistes variants antihumains. Classique et efficace. Ce jeune homme a eu ce qu’il méritait, si tu veux mon avis. S’ils t’avaient attrapé avant l’arrivée du groupe, tu serais déjà mort, à l’heure qu’il est !

  • Ça ne change rien à ce que vous m’avez fait subir, bordel ! rétorqua Lucas, enragé. Illyria lui prit la main pour essayer de le calmer, mais il était trop bouleversé, et la douceur ne suffirait pas. Vous vous fichez complètement de ce qu’on peut ressentir !

Tobias ne pouvait qu’acquiescer intérieurement, convaincu que Lucas avait raison.

  • Au contraire, ça change tout, répondit Jane avec froideur. Tu es un de mes derniers descendants. Et je ne referai pas la même erreur deux fois. S’il faut t’enfermer dans une cage pour assurer ta survie, je le ferai sans hésiter. Mais pour l’instant, nous devons collaborer, avant que le chaos ne se déchaîne.

  • Allez toutes vous faire voir ! Vous, l’agence, et ces deux menteuses ! lança-t-il, furieux.

  • Calme-toi, Lucas, tenta Illyria, cherchant à apaiser la colère de son fils.

  • Haïs-moi si tu le souhaites, poursuivit Jane calmement. Cela t’endurcira et te donnera un but. Prends le temps de réfléchir au pardon et à l’humilité. Ta mère a su te pardonner toutes ces années, même quand tu es parti à l’aventure. Pourquoi serait-ce différent avec Sidonie et Hannah ? Le pardon ne changera pas ce qui s’est passé, mais il te permettra de retrouver la paix et, avec le temps, de retisser des liens solides. Ces deux jeunes femmes t’ont sauvé la vie à plusieurs reprises ; souviens-t’en. Tu pourrais le regretter dans le cas contraire, surtout envers Sidonie, lança-t-elle, énigmatique.

Lucas cacha son visage dans ses mains pour dissimuler les larmes qui coulaient. Il se sentait trahi par Sidonie et Hannah, ses amies les plus proches. Après un moment de silence, Jane reporta son attention sur Hannah.

  • Hannah, je vais vous pardonner votre transgression. Vous ne pourrez plus joindre personne à l’avenir, sauf si je l’autorise et si vous en êtes digne, trancha Jane.

  • Je suis désolée, murmura Hannah, incapable de retenir ses larmes. Je vais me ressaisir et demander pardon à Lucas pour ce que j’ai fait. Notre amitié compte tellement pour moi… Je comprends que tu sois en colère, lança-t-elle à Lucas. Excuse-moi, s’il te plaît…

 

Tobias scrutait Hannah, cherchant à savoir si ses excuses étaient sincères ou une nouvelle manipulation. Sans son don de télépathie, bloqué par le bandeau confié par Jane, il ne pouvait rien deviner.

De son côté, Lucas restait partagé entre une colère brûlante et un faible désir de pardonner à Hannah et Sidonie. Au fond de lui, il savait que Jane avait raison à propos du pardon, mais la douleur de la trahison était encore trop intense pour excuser qui que ce soit. En silence, il secoua la tête pour signifier son refus, ce qui brisa les derniers efforts d'Hannah, qui éclata en sanglots.

Quant à Sidonie, rongée par le remords, elle demeurait trop préoccupée par l'état de Kahlan pour s'attarder sur la colère de Lucas. Aleksandr et Hiro, de leur côté, voyaient son refus comme de l’ingratitude et de l’arrogance, tandis que Lydia, sensible à la souffrance de Lucas, pensait qu'une thérapie pourrait l'aider à traverser cette épreuve émotionnelle.

 

Sarah et Isabel écoutaient sans broncher, se lançant des regards emplis de mépris.

Jane poursuivit son monologue en s’approchant d’Isabel, qui essuyait ses lunettes avec un détachement apparent.

  • Señorita Isabel Garci. Cela fait longtemps, n’est-ce pas ?

  • Presque un an, madame.

  • En effet, un battement de cil pour moi, si j'ose dire. Et la section Epsilon de Lars Kulgon répondait-elle à vos attentes après votre éviction du site Alpha ?

  • Oui, je n’avais rien à redire. L’équipe était équilibrée et efficace. Lars était un excellent chef.

  • Ce n’est visiblement pas le cas ici. Votre mépris pour Sarah, qui est réciproque, a presque brisé la cohésion de notre groupe.

  • Je n'y peux rien si cette fille, répliqua-t-elle en montrant Sarah, conteste constamment ma logique et mes méthodes ! Elle cherchait en permanence à me mettre sur les nerfs !

  • Je suis bien plus rapide et efficace que toi, informatiquement parlant, répondit Sarah avec sarcasme.

  • ¡Hija de puta!

  • Ça suffit, mesdames, intervint Jane pour calmer le jeu.

  • Señora de Roselys, pourquoi dites-vous ça ? demanda Isabel, intriguée.

  • N’est-ce pas curieux que vous soyez la seule survivante d’Epsilon, Isabel ?

  • Je vous ai déjà expliqué ce qu'il s'est passé ! Hannah, Lucas et sa mère peuvent en témoigner !

  • La vérité, ou un mensonge soigneusement élaboré ?

  • La section a été décimée par des créatures infectées, et vous me soupçonnez ?! s’indigna Isabel.

  • Parlons-en. Vous êtes la seule survivante parce que, selon vous, les créatures ne vous ont pas repérée grâce à la neutralisation de votre don. Comment savoir que vous n’avez pas intentionnellement provoqué cette attaque avec l’aide de la BMRA, puis attendu les renforts pour infiltrer ce site ? Vous auriez pu collecter des données, voire pirater notre système pour envoyer des informations à la BMRA.

  • C'est absurde ! Je refuse d'être accusée de trahison après tout ce que j'ai enduré pour ce Projet !

  • Dans ce cas, éclairez-nous.

  • Pirater HOPE à distance est impossible ! Comment aurais-je pu m'y prendre ? Tout le réseau a été détruit durant l'attaque, et j’étais totalement coupée du monde, luttant pour survivre.

 

Jane resta songeuse quelques instants, tandis que la pression cardiaque d'Isabel grimpait en flèche, stressée.

  • M'en avez-vous voulu lorsque j'ai demandé votre transfert à Epsilon, Isabel ? demanda Jane.

  • Au contraire, plus j'étais loin de cette petite conne de Sarah, mieux je me portais !

  • Je vous avais dit qu’elle n’était pas digne de confiance, lança Sarah avec cynisme en réponse à l'insulte. Qui mieux que cette vipère pour détruire les deux sites et toutes les preuves ? Avoue-le, Isabel !

  • Oui, Sarah, votre hypothèse est plausible. Pourtant, Isabel n'était pas présente dans la réalité alternative, conclut Jane.

 

L’Espagnole voulut se jeter sur Sarah, mais Aleksandr s’interposa. Isabel se souvint soudainement du le canon pointé droit sur elle. Elle se ravisa en tournant de nouveau son regard vers sa rivale.

  • Tu as de la chance que mon don soit neutralisé, mujerzuela. Sinon, je t’aurais déjà noyée de l’intérieur… Je sais ce que tu as fait !

  • Tu divagues, tu ne sais rien du tout…

  • ¡Perra!

  • Justement, auriez-vous quelque chose à nous avouer, Sarah ? intervint Jane.

  • Moi ? Rien du tout. Je n’ai rien à me reprocher.

  • Vous êtes la seule qui êtes là depuis plus de deux ans, il me semble. C’est assez long, vu notre espérance de vie limitée.

  • En effet, et alors ? Je ne quitte pas le site à cause de mes tâches d’analyse et de maintenance. C'est vous, d'ailleurs, qui m'interdisez de partir en mission avec les autres.

  • C'est moi qui décide des rôles à attribuer à chacun de vous dans ce Projet, s'énerva Jane. Pourtant, vous avez montré un grand intérêt à nous accompagner lors de la visite d'Illyria, ma descendante.

  • Et alors ?

  • Alors, je me demande pourquoi vous nous avez trahis ?

 

Ce fut un choc pour tous ; cette fois, il n’y avait plus de doutes possibles.

  • N'importe quoi. C’est vous qui m’avez sauvée de la BMRA, je vous le rappelle.

  • Une belle erreur que je ne referai plus. Si je pouvais revenir dans le temps, je vous aurais laissée aux mains de la BMRA, même si j’ai des doutes sur votre version des faits. Cela m’aurait épargné bien des tracas et des tourments.

  • Et pour quelle raison trahirais-je HOPE ? Cela n’a aucun sens.

  • Pour une raison très simple : détruire le seul espoir de contrecarrer les plans de la BMRA et de son président. Ça a dû être facile pour lui… Je comprends son jeu maintenant. Il voulait que vous vous infiltriez ici en inventant cette histoire de mise à mort. Une ruse vieille comme le monde. Que vous a-t-il promis en échange de votre duplicité ?

  • Je ne vois pas de qui vous parlez.

  • Menteuse. Vous le savez très bien. Il s’agit d’une vieille connaissance à moi, qui vous utilise comme un pion sacrifiable sur son échiquier. Mais il ne fait que retarder l’inévitable. HOPE m’a rapporté certaines de vos manœuvres suspectes, ce qui a confirmé mes doutes.

  • Vos accusations sont insensées ! Votre vin vous monte à la tête !

  • Oh non, Sarah. Vous croyez que je me trompe ? Comme je disais, mes soupçons ont commencé à émerger lorsque Illyria a remarqué que vous portiez un bracelet. Banal vous me direz, mais vous ne pensiez pas que ma descendante puisse se souvenir de ces terroristes ayant sévi dans le Nord de l’Empire Europa. Nous avons cherché plusieurs jours votre bracelet aux couleurs d’une ancienne secte fanatique pro-variante d'Europa. Un moyen pour ses membres de se reconnaître, à l'époque.

  • De quelle secte parlez-vous ? demanda Lydia.

  • Par respect pour mon descendant, je préfère ne pas la nommer.

  • Non… c’est impossible ! s’indigna Lucas, ses souvenirs d’un ancien enlèvement ressurgissant. Illyria jeta un regard noir à Sarah, tandis que les autres observaient, stupéfaits.

Jane se positionna face à Sarah, accusatrice.

  • Vous n’avez jamais parlé de votre séjour à Europa, reprit Jane. Et pourtant, vous y êtes restée durant l'année où vous aviez des ennuis avec les autorités de la Fédération Unie. On raconte que vos parents vous ont envoyée là-bas pour échapper au procès, mais rien n'échappe au deepweb ; certaines informations demeurent.

  • Un stupide bracelet ne prouve rien, et je ne suis jamais allée à Europa ! Vous vous trompez de cible !

  • Oh, mais si, Sarah. Vous y êtes allée, vous n’aviez que treize ans. Ce bracelent est la preuve de votre enrôlement. Ils ont dû vous faire un lavage de cerveau avec leurs prêches inspirants sur la supériorité des variants. Votre gourou a toujours su manipuler la vérité à son avantage. Aujourd'hui, il s'en prend à toute la société.

  • Sale traîtresse ! lâcha Illyria en français. Sarah répondit par un rictus provocateur.

  • Je n'arrive pas à le croire, murmura Lucas, troublé par les souvenirs qui remontaient en lui. Tobias avait du mal à ne pas se souvenir des tourments qu'avaient subi Lucas.

  • Oui, mes amis. Nous avons parmi nous une espionne, ancienne membre d’une secte française, envoyée par notre pire ennemi, annonça Jane avec un silence pesant. Ce dernier, notre ennemi, recrutait des jeunes variants pour ses sombres desseins. Je suppose qu’il vous a d’abord missionnée pour espionner la BMRA, écartant ainsi ses opposants avant de monter en grade. Un coup double.

  • Continuez, vieille femme, vous semblez apprécier le son de votre voix, railla Sarah.

  • Ensuite, vous avez pris trop de risques en révélant notre position à la BMRA lors de ma rencontre avec Lydia Sorel. Heureusement, le plan a dérapé quand les renégats Jun et Sören nous ont attaqués. Votre supérieur a été trop pressé, et cette erreur nous a laissé un répit. Vous n’aviez pas prévu notre fuite dans les égouts, ni que nous en ressortirions vivants. Autre erreur : vous avez tenté d’envoyer des données volumineuses à votre contact !

  • Je le confirme, ajouta HOPE.

  • Saleté d’intelligence artificielle ! Tu vas le payer, toi et Isabel ! hurla Sarah en tentant de provoquer l'Espagnole, qui ne se contint plus.

  • ¡Mentirosa!

  • Du calme, Isabel, ordonna Jane.

  • Elle attaque mon honneur et le vôtre ! Cette traîtresse doit payer !

 

Jane marqua une pause pour laisser Isabel de calmer.

  • Comme je le disais, intervint HOPE, Sarah a tenté d’envoyer des données cryptées à la BMRA. Heureusement, j’avais brouillé certaines informations sensibles, y compris vos identités, et redirigé discrètement le destinataire pour sécuriser les données. La thèse d’une intrusion à distance par Isabel est impossible : notre système est conçu pour empêcher toute infiltration externe. Et quand Sarah a essayé d'envoyer ces données, j’ai limité ses accès, reprenant le contrôle grâce aux informations d'Illyria.

  • En effet. Vous ne vous attendiez pas à ce que mes soupçons s’éveillent, Sarah, continua Jane. Vous avez cru pouvoir manipuler la situation en jouant les innocentes auprès d'Illyria. Mais vous êtes incapable de vrais sentiments.

  • Oh si, si vous saviez combien je vous méprise !

  • Et moi donc. Je vais finir. Vous avez tenté de nous écarter sans savoir que j'avais désigné Sidonie comme directrice temporaire de HOPE, et vous avez commis une autre erreur. En révélant à Martha que sa sœur Cassandre avait été tuée, vous espériez provoquer une confrontation désespérée, espérant qu’Illyria n'intervienne pas pour éviter un carnage. Heureusement, elle a empêché ce désastre. J’avais également modifié le code source, ce qui a permis à Sidonie de désactiver le protocole de défense numéro 53. Sans cela, le système aurait neutralisé Martha.

  • Pourtant, ils sont tous morts dans l'autre réalité, regretta Sarah.

  • Mon homologue a probablement perdu son sang-froid, et vous avez alerté la BMRA. Martha n’était pas votre première cible. Vous avez jeté à la mort quatre autres variants de notre groupe : Satine, Drew, Cole et Billy ! Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?

 

Sarah n'arriva pas à se contenir, le visage débordant de haine.

  • Vieille garce arrogante ! Vous aimez torturer les gens ! cria Sarah d’un ton sec. Martha a eu ce qu'elle méritait ! Vous ne l’auriez même pas aidée, n’est-ce pas ?

  • Sale petite pourriture ! hurla Jane d’une voix glaçante, ce qui fit frémir Sarah et les autres. J'aurais pu l'aider, d’une certaine manière, reprit-elle avec un calme retrouvé. Vous avez poussé Martha à quitter HOPE, folle de rage et dévastée par la mort de sa sœur. Vous vouliez nous évincer pour mieux prendre le contrôle. À cause de vous, Walter a failli perdre la vie.

 

Sarah éclata de rire, visiblement fière de ses méfaits.

  • Vous ne vous êtes pas arrêtée dans votre folie, continua Jane. Dès l’arrivée de Tobias, vous saviez qu’il finirait par démasquer vos sombres manigances. Vous avez donc dû agir rapidement, en neutralisant HOPE assez longtemps pour couper le signal des machines surveillant l'autre Sidonie. Vous espériez nous faire croire que cette défaillance était la faute de notre intelligence artificielle.

Sarah balaya la pièce du regard, sentant le piège se refermer autour d'elle. Acculée, elle savait que le moindre mouvement serait fatal, les systèmes de sécurité ayant été activés.

  • Vous ne vous êtes pas arrêtée dans votre folie. A l’arrivée de Tobias, vous saviez qu’il aurait tôt ou tard démasqué vos funestes dessins et votre trahison. Il vous fallait agir vite en neutralisant HOPE durant un laps de temps assez bref pour couper le signal des machines médicales qui surveillaient l'autre Sidonie. Vous vouliez nous faire croire que cette défaillance était le fruit d’une traitrise de la part de notre intelligence artificielle.

 

Le silence pesant fut brisé par un rictus de haine sur le visage de Sarah.

  • Cette… salope de Sidonie devait mourir ! Si j'avais eu un peu plus de temps, vous auriez tous suivi ! Mais vous avez recruté ce petit merdeux télépathe, il aurait pu tout découvrir, grogna-t-elle en dévisageant Tobias qui bouillait de l'intérieur.

  • Dommage pour vous, reprit Jane avec calme.

  • C’est ce qu’on va voir ! siffla Sarah.

Elle saisit son téléphone pour alerter la BMRA, mais en vain. Son don d'électrokinésie ne fonctionnait plus, et le téléphone restait désespérément muet.

  • Vous pensiez vraiment que je vous aurais laissée utiliser votre don ? lança Jane, un sourire ironique aux lèvres. Le bloqueur était dans la nourriture.

Furieuse, Sarah tira un couteau, le plaçant sous la gorge d’Aleksandr, toujours assis. Elle aboya :

  • Désactivez ce système, ou je le tue !

  • HOPE, désactive le système de sécurité, ordonna Jane.

 

L’intelligence obéit. Aleksandr, imperturbable, demeura calme malgré le couteau pressé contre sa carotide. Tous les autres observaient, paralysés par l’impuissance et la peur.

  • Lâchez votre couteau, ordonna Jane, inflexible.

  • Vous êtes tous fous ! s'écria Sarah. Vous croyez vraiment pouvoir vous en sortir ? L’agence va triompher, et notre Guide savourera sa victoire totale ! Votre précieuse Sidonie ne pourra pas retourner en arrière cette fois ! Si c’était à refaire, je le referais mille fois !

  • Votre dernière erreur a été de me sous-estimer, répondit Jane. Vous croyez que je suis toute seule contre la BMRA ? 

  • Ils vous trouveront, vous tueront tous, et nous dominerons le monde ! cria Sarah. Gloire à…

Alors qu’elle se préparait à trancher la gorge d’Aleksandr, Jane dégaina son arme en une fraction de seconde et fit feu. La balle frappa Sarah à la tête, projetant son corps sur le côté. Son crâne heurta brutalement la table, et une coulée sombre se répandit sur la nappe immaculée. Elle mourut sur le coup.

L’assemblée demeura figée, incapable de détourner le regard. Jane, impassible, rangea son arme et toisa le cadavre à ses pieds, avec un dédain inflexible.

  • Rappelez-vous bien ceci : vous êtes mes protégés, et je risquerai ma vie pour ce combat. Mais voici le sort que je réserve aux traîtres. J'ai pesé chaque mot quand je vous ai parlé de votre valeur. Ensemble, nous accomplirons de grandes choses si vous vous investissez pleinement. Isabel, vous pouvez rester ici le temps qu'il faudra avant de partir pour une nouvelle section. Interdiction de sortir jusqu'à nouvel ordre ; cette trahison va fragiliser la confiance des autres sections. Rejoignez vos quartiers ; je me charge de cette… indésirable.

 

Aleksandr se leva pour l’aider, en signe d’engagement. D’autres firent de même, tandis que Lucas, Illyria, et Tobias restaient assis, encore sous le choc.

  • Merci. Mais je vous ai donné un ordre. Vous retrouverez vos dons dans quelques heures. Il n’y a rien de plus à ajouter, conclut Jane en quittant la pièce.

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